Voilà un petit OS qui fait suite au film, pour ceux qui l'aurait vu
ça fait un moment qu'il traine sur mon disque dur, je me suis dit qu'il était peut-être temps de le partager ici. Pas sûr que ça intéresse grand monde étant donné le fandom mais puisque je l'ai écrit...
Bonne lecture.
ooOoo
Tandis que je m’assoie à même le sol, une nouvelle fois je suis saisi par la simplicité de votre pierre tombale, aussi simple que vous ne l’étiez vous-même malgré les lourdes charges qui pesaient sur vos épaules.
Aujourd’hui est un grand jour Billy et je tenais à le partager avec vous. Le projet sur l’abolition de la traite des esclaves est enfin adopté ! Après des années d’un combat mené côte à côte nous sommes victorieux ! Plus que n’importe quel autre jour depuis votre disparition j’aurais souhaité que vous soyez à mes côtés, pour saluer cette victoire, notre victoire, que vous auriez mérité de connaître, mais également dans un but plus égoïste. Je réalise ce soir plus que jamais combien vous me manquez. Mon ami, mon meilleur ami, le compagnon de route le plus fidèle.
Vous souvenez-vous de notre rencontre et nos premières années à Cambridge ? Bien sûr, comment auriez-vous pu les avoir oublié ? Nous étions si pleins d’espoir à l’époque, occupés à rêver de refaire le monde des heures entières… Cela aura porté ses fruits finalement, la preuve qu’il ne faut jamais douter des capacités de son acharnement.
Je repense souvent à cette période avec nostalgie, songeant davantage à l’homme que vous étiez plutôt qu’à l’idéaliste. Ces sentiments dont vous m’aviez fait part, ces mêmes sentiments que j’aurais souhaités éprouver également à votre égard. La vie était alors si simple à vos côtés. Toutes ces nuits blottis l’un contre l’autre, ces quelques baisers échangés… Je sais bien que par la suite j’ai laissé entendre que cela n’avait pas compté pour moi, rien n’était pourtant plus loin de la vérité. Je suis certain que vous le saviez mais que vous aviez pris le parti de ne pas insister, ne pas y faire allusion par respect pour moi. Je vous en suis tellement reconnaissant, comme je vous suis reconnaissant pour tellement d’autres détails.
Je me souviens pourtant de votre réaction le jour de mon mariage, ce jour-là malgré votre bonne volonté vous n’êtes parvenu à dissimuler vos sentiments. Plus de quinze ans que vous et moi n’avions plus été intimes, depuis en fait le moment où j’avais trouvé Dieu. Je suppose que vous avez fait le même rapprochement même si depuis la lettre vous faisant part de mes intentions d’abandonner tant mes devoirs politiques que mon affection à votre égard a réglé la question. Ironiquement vous avez lutté pour que je reste actif sur le premier point mais n’avez jamais rien fait concernant le second. Comme toujours vous faisiez passer le confort de votre pays avant le votre. Pour ma part j’estimais que trop de proximité avec vous n’était pas compatible avec ma foi. Et vous avez accepté cette lubie sans un mot.
Pourtant lorsque j’ai épousé Barbara vous avez ressenti le besoin de vous exprimer. Vous étiez heureux pour moi mais jaloux. Et déçu qu’avec elle je me sente capable de former un couple alors même que je vous avais toujours refusé cela. Cruelle lâcheté de ma part. Mais pour ma défense, avec elle c’était tellement plus simple et naturel que cela ne l’aurait été avec vous. Même ce baiser désespéré que vous m’avez arraché à l’abri derrière la maison, le premier depuis tant d’années, n’a pu me faire changer d’avis. Pourtant j’ai apprécié cet échange, il m’a cruellement fait défaut par la suite, je ne pouvais néanmoins me résoudre à vous choisir.
Et tandis que je me refusais à vous, une nouvelle fois nous avons repris le combat côte à côte, luttant contre cette inégalité qui faisait rage dans le royaume. Dans cet engagement politique au moins étions-nous main dans la main et personne n’aurait pu être meilleur que nous. Ce qui me fait d’autant plus regretter votre absence parmi nous en ce jour victorieux. Car cette victoire dont tous m’honorent est autant la votre.
Oh Billy, comme je vous comprends aujourd’hui. Je vous prenais pour fou durant notre jeunesse, nourrissant le même amour que vous mais tentant de me le cacher sans fin. Et pourtant vous avez dicté chacun des actes de ma vie, vous m’avez inspiré chacune de mes batailles. Nos liens sont tellement plus forts que tout ce que j’ai bien voulu m’avouer. Plus fort que l’amour même. J’en prends conscience enfin, comme si je recouvrais la vue après tant d’années dans l’obscurité. Vous m’avez ouvert à la vie. Sans vous à mes côtés je n’aurais jamais eu la force de me battre comme je l’ai fait.
Et pourtant, cette victoire d’aujourd’hui, la mienne, la notre, n’est rien en comparaison des nombreux autres changements qui doivent se faire. Je vais devoir continuer la lutte aux côtés des hommes de bien qui m’entourent. Plus que jamais votre présence aurait été utile. C’est peut-être la raison de ma présence ici, auprès de vous. Une volonté de nous rapprocher l’un de l’autre comme au bon vieux temps, même si cette fois c’est tellement illusoire…
Et puis qui sait, peut-être finirons-nous par nous retrouver. Je sais parfaitement que vous n’avez jamais partagé mes croyances, mes convictions, celles-là même qui m’ont apporté paix et sérénité tout en m’éloignant de vous, mais je ne peux le résoudre à accepter vous avoir perdu définitivement. Alors je reviens ici, inlassablement, dernier lien avec vous, et je le ferai sans faute tant que j’aurais un souffle de vie. Cette même vis qui m’apparaît bien fade sans vous, cher Billy.
THE END.