Voici une petite suite à cette courte fic, reprenant cette fois le point de vue de Watson. Ecrite il y a un moment, je pensais l'avoir déjà poster ici. Oui, parfois je crains
ooOoo
Un dernier regard, voilà tout ce à quoi il avait eu droit. Un dernier regard empreint d’amour, de culpabilité, mais également d’une conviction sans égale, en revanche certainement pas de frayeur. Ainsi le grand Sherlock Holmes, qui reposait quelque part dans ce tombeau d’eau glaciale, avait agi de son plein gré en basculant de cette terrasse avec son alter-égo. Mais au nom de quoi ? En avait-il fait une simple affaire d’égo ? Périr avec Moriarty pour ne pas être vaincu? Ou était-ce pour des raisons plus altruistes ? Watson se désolait de ne pouvoir le savoir, presque davantage qu’il ne souffrait de cette perte. Il aurait tout donné pour connaître les derniers propos échangés entre les deux grands hommes. Cela dit, si cela pouvait fonctionnait aussi simplement, il aurait plutôt souhaité pouvoir arranger cette situation dramatique.
Désormais le voici seul au pied de cette chute mortelle, à se refuser à accepter la vérité. Non, Holmes n’était pas mort ! C’était ainsi ! Même sans la moindre preuve son cœur à vif ne pouvait ne pouvait admettre le contraire. Il le sentait dans ses tripes. Si Holmes avait péri, lui l’aurait senti au plus profond de son être. C’était impossible autrement, ils étaient bien trop liés, leurs deux âmes en osmose.
Alors il l’appelait, répétait sans cesse son nom, se faisant implorant. S’il était en vie, pourquoi ne répondait-il pas ? Par égoïsme ? Improbable. Même lui ne pouvait être aussi inconséquent. Peut-être était-il blessé, inconscient quelque part. C’était là la plus grande peur de Watson. D’être tout prêt, à portée, sans même le savoir, laissant ainsi passer sa dernière chance potentielle de le trouver. Avec soin il fouilla donc les environs, aidé en cela par une équipe de secours mise en place par Mycroft, décidément plus efficace que les autorités locales même si lui n’était pas sur le terrain.
Mais ils ne trouvèrent rien. Nulle trace exploitable, nul indice. Le néant. Ce même néant qui emplissait le cœur malmené du médecin. Celui-ci s’immobilisa un instant en frissonnant. Qui de la peur ou du froid était le plus intense ? Il n’en avait aucune idée et s’en fichait bien. Tant que l’espoir l’animait il n’avait besoin de rien d’autre. Et pourtant… Fermant brièvement les yeux tandis que la fatigue de cette nuit de recherches le rattrapait, il étouffa un râle. Dormir dans un avenir proche semblait bien compromis, chaque fois qu’il baissait les paupières il voyait ce même regard. Toujours cet ultime regard si expressif et en même temps tellement secret, indéchiffrable. Tel que Holmes l’était lui-même, ce qui n’avait jamais contribué à rendre leur relation aisée. Tout entre eux était compliqué, alors lui avait cédé à la facilité, l’abandonnant pour mieux se marier. Espérant du même coup se débarrasser de l’emprise qu’avait sur lui le détective. Absurde ! Désormais qu’il ne pouvait être plus loin de lui, il comprenait enfin que davantage que dans sa vie, c’était dans sa tête et dans son cœur que Holmes avait une place privilégiée, là il serait impossible de le déloger. Car contre cela il ne pouvait rien, pas plus que Mary. Ne lui restait donc qu’à pleurer les restes de cette histoire pas banale qui avait été la leur. Et essayer peut-être de reprendre sa vie. Sans pour autant oublier. De cela il se savait de toute façon bien incapable. Et un jour, lorsque son compagnon reparaîtrait, il saurait l’accueillir comme il se doit. En attendant il n’y avait plus guère grand-chose qu’il pouvait faire, sinon attendre.
« Docteur Watson, c’est inutile d’insister, s’écria près de lui un homme à l’accent indéfinissable. Son corps a disparu… »
Watson secoua vigoureusement la tête. Oui, c’était très certainement inutile de poursuivre, à moins de risquer d’attraper la mort, mais il se refusait à écouter cela. Aucune mention à ce corps pouvant laisser entendre qu’il n’était plus. C’était au-dessus de ses forces. Seul l’espoir importait. Ce même espoir qu’il avait nourri des mois durant tandis que son compagnon demeurait si froid à ses côtés. Sa patience avait fini par payer, Holmes s’ouvrant finalement petit à petit, répondant à chacune de ses attentes au-delà de ses espérances.
Il agirait donc de la même façon cette fois encore. Patientant, attendant son heure. Et cela il devait le faire savoir au principal intéressé. Récupérant papier et crayon au fond de sa poche, il griffonna quelques mots. Nulle déclaration fort mal à propos dans ces circonstances, ils étaient des hommes après tout, mais il se contenta plutôt d’aller doit au but. Holmes apprécierait certainement ce détail.
La note soigneusement disposée en vue, le médecin fit ce qu’il avait à faire. Quoi d’autre de toute façon ? Il ne pouvait pas passer sa vie ici. Il y avait fort à parier que Mycroft n’aurait eu nul besoin d’encouragement pour le ramener à la raison. Avec un dernier regard en arrière, il s’éloigna finalement, tentant de faire taire la douleur qui s’insinuait partout en lui, tenace, intense, à en faire perdre la raison. Respirer n’avait jamais paru aussi difficile, alors réfléchir… Ne restait donc qu’à se concentrer tout entier vers le futur où ils seraient forcément réunis, parce qu’il ne pouvait en être autrement. Sans cela, sans cette ultime conviction, il pouvait tout aussi bien se tirer une balle dans la tête immédiatement.
THE END.