Depuis un petit moment je voulais écrire un OS sur les réactions de Watson après la chute de Holmes et Moriarty, mais finalement tandis que je revoyais "Game of shadows", je me suis finalement concentrée sur Holmes plutôt. Je ferai peut-être une suite avec Watson une prochaine fois
En espérant que ceci vous plaise évidemment
Bonne lecture
ooOoo
Encore sous le choc de sa chute et transi de froid dans ses vêtements mouillés, qui ne risquaient pas de sécher avec la bruine tombant depuis le milieu de la nuit, Sherlock Holmes, parfaitement dissimulé, fixait la scène qui se déroulait en contrebas. Et la culpabilité le rongeait.
Bien sûr il avait agi dans le seul but de sauver Watson en agissant de la sorte. Ne laisser aucune chance de survie à Moriarty afin que jamais il ne mette à exécution son projet d'assassinat à l'encontre du médecin, c'était là l'essentiel, quitte à se sacrifier dans l'opération. Ce n'était pas un secret pour Holmes, sa propre vie ne lui était pas aussi essentielle que celle de son compagnon. Néanmoins, en tant qu'homme capable de tout calculer, tout prévoir, il avait songé à mettre toutes les chances de son côté pour tenter de survivre à sa chute. La chance avait fait le reste. Il avait été prêt à mourir, il était malgré tout en vie, pourtant au lieu de savourer sa victoire, sa survie, il souffrait.
Il souffrait de voir Watson l'appeler, le chercher en vain depuis des heures. Sa voix tremblait, était suppliante, ne pas lui répondre était une torture. Mais encore et toujours il fallait le protéger, quitte à lui infliger du même coup la pire des douleurs. La même que Holmes éprouvait à cet instant en lui mentant, en le trahissant. Un mal nécessaire. Parce qu'ils n'étaient pas seuls. Moriarty n'avait pas donné signe de vie et à mesure que les heures passaient le détective se permettait d'espérer qu'il avait bel et bien péri noyé. Mais Moran rôdait encore. Holmes l'avait vu quelques heures plus tôt, telle une ombre menaçante, dissimulé entre les arbres. Un miracle qu'il ait pu le repérer. Il n'avait pas attaqué Watson, n'en voyant probablement plus l'intérêt désormais que son mentor n'était plus, mais si lui se montrait il y avait fort à parier que le sniper n'hésite pas cette fois.
Alors Holmes demeurait en retrait, frissonnant chaque fois que son compagnon prononçait son nom. Et tout en rêvant à le rejoindre, le prendre dans ses bras, il préparait du même coup son plan d'action. Se cacher, rester discret et mettre hors d'état de nuire toute la filière du Napoléon du crime. Après seulement il pourrait espérer retrouver sa vie. Cela serait certainement long, mais il n'avait guère le choix. Au moins pouvait-il se rassurer en se rappelant que John ne serait pas seul durant cette période, il aurait Mary à ses côtés pour l'aider à faire son deuil. Et même si cela devait prendre plusieurs années, le détective se fit la promesse qu'il le retrouverait. Il ne pouvait l'abandonner, même si à cet instant cela y ressemblait étrangement.
« Holmes ! Holmes ! »
Son nom encore et toujours crié, répété, telle une litanie désespérée et pourtant lui ne se montrait toujours pas. Tenir encore, résister à l'envie qui l'étreignait. C'était la fin de toute façon. Autour du médecin les équipes de secours semblaient résignées. Ces hommes qui avaient commencé leurs recherches durant la nuit à la lueur de torches, qui avaient continué vaillamment tandis que le jour se levait sur une journée grise et froide, ils avaient enfin compris qu'ils agissaient en vain. Seul Watson se refusait à l'admettre, mais Holmes savait pourtant que lui aussi finirait par se résigner. C'était inéluctable. Aussi déterminé soit-il, il était avant tout un homme de raison.
Alors il quitterait les lieux, rentrerait à Londres, reprendrait sa vie malgré la peine, et peut-être oublierait-il avec le temps ce compagnon trop tôt disparu. Comme toujours c'était cela le plus dur pour Holmes, savoir exactement ce qui se passerait ensuite, prévoir chacun des gestes à venir, chacune des pensées même, de l'autre homme. Et surtout se savoir responsable de la souffrance.
Déjà la voix en contrebas faiblissait. Bientôt ce serait terminé, le retour au calme, chacun passerait à autre chose. Bientôt lui serait seul au monde dans ce pays étranger, avec pour unique but de continuer à se faire passer pour mort. Ne lui resterait alors plus qu'à apprendre à vivre avec l'absence… Mais pas tout de suite, pour quelques instants Watson était encore là. Il continuait donc à le fixer, à puiser une force salvatrice à le voir ainsi s'agiter.
Le plus jeune finalement se tut. Il sortit son crayon et son calepin de sa poche, griffonna quelques mots sur une page qu'il arracha ensuite pour la poser, soigneusement plié, sur un rocher, glissant un caillou dessus autant pour la laisser au sec que l'empêcher de s'envoler. Un message pour lui, Holmes le savait. Juste au cas où. Homme de raison certes, mais qui ne perdait pas espoir, aussi mince que soit celui-ci. Et enfin il partit, quittant la clairière, s'éloignant inexorablement de son compagnon, sans même un regard en arrière même si ses épaules étaient basses.
Sentant un grand vide en lui, Holmes se força à patienter quelques heures supplémentaires en claquant des dents – ce serait un miracle qu'il n'attrape pas la mort, ironique maintenant qu'il n'avait plus de médecin à ses côtés, songea-t-il avec un sourire dépité. Malgré l'inconfort, malgré le froid, et surtout l'impatience, il devait être sûr que Moran soit bien parti lui aussi. Finalement, tandis que le jour déclinait lentement, il redescendit précautionneusement et récupéra enfin la note qui lui était adressé.
Je n'abandonnerai jamais.
Votre John.La situation ne s'y prêtait guère, mais Holmes esquissa un sourire radieux en fourrant le morceau de papier dans sa poche. Pour Watson il ferait ce qu'il faudrait. Et surtout pour Watson tôt ou tard il reviendrait. Il s'en fit la promesse. Et tandis que la température baissait encore davantage, il se mit en route, pas encore vraiment certain de sa destination, mais plus déterminé que jamais.
TBC...