Voici avec un petit one-shot sur les Chroniques des vampires. Ca faisait longtemps qu'il traînait dans mes fichiers. Ce n’est pas du slash, désolée ! C’est une song-fic avec Et si vieillir m’étais conté de Mylène Farmer. Il faut situer cette fic entre Lestat et le Voleur de corps.
Et si vieillir….
Je m’appelle Louis. Je pense que vous avez déjà lu les livres de mon ami Lestat ou même le mien dans lequel je raconte mon histoire. Je n’ai donc pas besoin de me présenter davantage.
Depuis quelques temps maintenant, je vis à la Nouvelle-Orléans, la ville qui signifie tant de choses pour moi. J’habite dans une petite maison, au fond d’un jardin abandonné, près de la vieille demeure victorienne où Claudia, Lestat et moi avons vécu au XIXe siècle. Je n’ai pas d’électricité, il manque des carreaux à plusieurs fenêtres et, quand il pleut, l’eau s’introduit dans mon salon encombré de bouquins et de meubles plus ou moins usés. Lestat ne comprend pas ce que je fais dans cette « cabane » comme il dit , alors que j’ai les moyens d’aller ailleurs. Je pourrais remettre la grande maison en état ou en acheter une autre ou même vivre chez lui, dans son appartement luxueux équipé de tout le confort moderne. Mais, contrairement à lui, j’ai toujours su me contenter de peu. Je me sens bien ici, à l’écart de toute activité humaine. En plus, il me serait trop difficile de revenir vivre dans la vieille maison avec tous les souvenirs que j’y ai.
Je passe mes nuits entre chasse et lecture. De temps en temps, Lestat vient me voir pour me demander en riant d’arrêter de vivre comme un ours. Je ne le lui ai jamais avoué franchement mais j’aime quand il est là. Je croyais le détester. Je l’ai cru pendant presque cent ans. Mais depuis qu’on s’est retrouvés, je me suis rendu compte à quel point je l’aime en dépit de tout ce qui s’est passé. C’est plus fort que moi. Je tiens à lui même si je ne lui ai toujours pas pardonné ma naissance au monde de la nuit. Je ne me ferais peut-être jamais à l’idée que j’ai été retranché du monde des mortels. Quand je marche parmi eux, je les observe. Je sens leur odeur et j’écoute leurs conversations même si elles semblent dénuées d’interêt. Elles parlent de problèmes et de bonheurs simples qui me sont à jamais étrangers. Je crois que je n’ai jamais autant aimé les hommes que depuis que je suis immortel, même si je dois en tuer pour survivre.
Il y a un endroit que j’appréciais particulièrement pour regarder les mortels. Je n’y vais plus, vous saurez pourquoi tout à l’heure. Il s’agit d’un café, dans les vieux quartiers de la ville. Il y a plusieurs tables dehors et d’autres plus grandes à l’intérieur. Il est fréquenté par une clientèle essentiellement jeune, des étudiants souvent. Il flotte dans ce lieu une atmosphère romantique au sens littéraire du terme. Des jeunes aux cheveux longs se réunissent pour jouer de la guitare ou pour discuter du monde qu’ils rêvent de changer. Certains ont des airs de poètes mélancoliques et parfois se mettent à griffonner quelques vers sous le coup de l’inspiration. Je ne pensais pas qu’il existait encore ce genre d’endroit aujourd’hui, à l’heure où les jeunes écoutent du heavy metal pendus à leurs portables. Il m’est arrivé là-bas une anecdote. Ce n’est pas grand-chose, du moins pas pour vous, mais en y repensant, j’ai envie d’en parler.
Une nuit, j’étais donc assis comme d’habitude à la terrasse de ce café. Il faisait incroyablement bon. C’était une nuit d’automne calme et claire. Je m’étais gorgé de sang avant de venir car jamais je n’aurais voulu attaquer les jeunes qui venaient ici. Je me sentais proche d’eux et je m’imaginais souvent, mortel, en train de discuter de tout et de rien devant une tasse de café.
J’observais discrètement une jeune fille avec son groupe d’amis. Je l’avais remarquée dès son arrivée car elle avait un charme incomparable. Sa main blanche appuyée sur sa joue, elle écoutait ses camarades sans participer à la conversation et en riant quelques fois. Elle devait avoir quinze ou seize ans. Plutôt petite et frêle, elle portait un large pull bleu marine qui la faisait paraître encore plus fragile et un simple jean avec des baskets. Ses longs cheveux châtains clairs retombaient lisses sur ses épaules sans aucun artifice pour les orner. Elle avait des yeux magnifiques, d’un noir profond avec de longs cils. Elle n’était pas maquillée et ne portait aucun bijou. Elle n’en avait pas besoin tant elle resplendissait dans son naturel.
Devant elle, se trouvait un papier sur lequel elle avait longuement écrit plusieurs jours d’affilés à cette terrasse. L’un de ses camarades y jeta un œil et je l’entendis lui demander quelque chose, approuvé par ses autres amis. Avec un petit sourire, la jeune fille acquiesça, reprit le papier et se mit à chanter doucement :
La nuit de ses doigts gantés Image inachevée Bientôt la Lune est pleine
A ma grande surprise, elle chantait en français sans le moindre accent. Sa voix était douce et claire, teintée de timidité. Elle osait à peine lever les yeux vers ceux qui l’écoutaient.
La nuit de ses doigts si frêles Sculpte l’aube et le ciel Dieu que cette femme est belle
Le charme qui émanait d’elle sembla se répandre jusqu’à moi. Mon cœur de vampire s’émut doucement. Ce n’étais pas la première fois que je tombais amoureux d’un ou d’une mortel(le). L’innocence et la fragilité m’ont toujours séduit et elle possédait les deux au plus haut point.
La nuit de ses doigts de fée A effleuré l’image D’un bonheur de passage
Mais j’ai vu l’être emporté Elle n’a pas su s’aimer Le temps a fait ses ravages
Je trouvais cette chanson magnifique. En ce moment même, je me la repasse en écrivant. Elle est si triste…si bien adaptée à la condition mortelle.
Et si vieillir m’étais conté Serais-je là pour t’aimer D’autres nuits s’achèvent et la vie A tout donné, tout repris..
Vieillir…en entendant ces paroles, je ne pus m’empêcher de ressentir une pointe de tristesse. J’avais l’impression qu’elle s’adressait à moi. Elle si belle, si pure ne tarderait pas à se flétrir comme une jolie rose. Sa vie serait si courte. Cinquante ans ? Soixante ans ? Un bref éclair dans toute mon éternité. Une petite étincelle et on l’enterrerait bientôt dans le sol humide. Cette pensée me donna envie de pleurer d’autant plus que sa voix se faisait de plus en plus émouvante.
La nuit de ses doigts de fer A abîmé la chair De sa rouille cruelle
Quand le temps a déposé Son sourire familier C’est un pas vers la poussière
Et si vieillir m’était conté…
Elle était tellement impliquée dans sa chanson que son émotion s’entendit dans sa voix. Elle termina presque au bord des larmes. Tout autour, un silence complet régnait car elle avait ému tout le monde. Il fallut quelques secondes avant que les applaudissements retentissent. Mais elle n’y fit pas attention. Elle me regarda droit dans les yeux.
Je l’intriguais. C’est toujours comme ça avec les humains. Tout en me trouvant fascinant, ils se posent des questions en me voyant car ils sentent que je ne suis pas comme eux. Mais il y avait autre chose dans les yeux de cette fille. Peut-être une sorte de complicité, une compréhension muette. Nous avions sûrement pensé la même chose pendant la chanson.
En écoutant ses amis, j’appris son nom : Laura. Les jeune finirent par quitter le café. Mais je ne pouvais pas la laisser partir comme cela. Bien entendu, il était hors de question de lui faire le moindre mal ni de lui dire qui j’étais. Je voulais juste laisser quelque chose à cette jeune fille qui m’avait tant touché. Une idée me vint en voyant la rose blanche posée dans le vase sur ma table…
Je suivis le groupe comme une ombre. Il se divisa et Laura se retrouva seule sur le chemin de sa maison. Je me dirigeai vers elle en faisant un peu de bruit exprès pour ne pas lui faire peur en surgissant de nulle part. Elle se retourna, un peu inquiète. Je restai à distance respectueuse en la saluant d’un signe de tête.
- Oh c’est vous ? Pourquoi m’avez-vous suivie ?
Sa question ne trahissait ni peur ni agressivité. Elle était juste étonnée. Sans répondre, je m’avançais vers elle pour lui tendre la fleur. Une superbe rose blanche à peine éclose, au cœur de laquelle j’avais laissé tombé une goutte de sang. Ce cadeau lui ressemblait. Elle le prit entre ses doigts et caressa doucement les pétales avant de murmurer :
- Merci.
Ses yeux se posèrent à nouveau sur moi, pleins de douceur et de curiosité.
- Qui êtes-vous ?
Je fis un signe de dénégation :
- Rien d’autre qu’un homme que vous avez ému.
Elle m’observa encore puis, timidement, elle leva la main et effleura de ses doigts mes longs cheveux noirs. Je la laissait faire, le cœur battant. J’aurais tellement voulu la prendre dans mes bras. Elle retira sa main. Le sang monta à ses joues en les colorants d’une manière charmante. Il ne restait plus qu’une heure avant l’aube.
- Il me faut partir à présent.
- Déjà ? dit-elle. Ne pouvez-vous rester un peu ?
- Je regrette beaucoup mais c’est impossible.
- Est-ce que je vous reverrai ?
- Non je ne crois pas.
Non mon enfant, pensait-je, un ange comme toi n’a rien à faire avec une créature comme moi. Il valait mieux que je disparaisse de sa vie aussi vite que j’y étais entré. Elle parut triste de ma réponse. Ses yeux se baissèrent un moment avant qu’elle me demande d’une voix hésitante :
- Est-ce que…je peux vous embrasser ?
Elle était si adorable. Il n’y avait pas de risque qu’elle se rende compte de quelque chose car mon visage était encore chaud du sang de mes victimes. Elle se mit sur la pointe des pieds et ses lèvres fraîches se posèrent sur les miennes. Un baiser chaste qui me fit littéralement fondre. Je caressai doucement ses cheveux soyeux puis son petit visage. Je déposai encore un baiser sur son front avant de m’éloigner :
- Au revoir mon enfant.
- Au revoir… Monsieur.
Depuis cette nuit, je ne suis plus retourné au café. J’ai revu Laura dernièrement avec ses amis mais je suis resté caché. Voilà donc pour la petite histoire et Louis le vampire est retourné à sa solitude. Enfin, pas pour ce soir car Lestat vient d’arriver à pas de loup. Il croit peut-être que je ne l’ai pas entendu. Je n’ai pas ses pouvoirs mais j’ai l’ouie fine. Allez je vous laisse. Voyons ce qu’il a encore derrière la tête.
A la Nouvelle-Orléans, le 11 Avril 1991
Fin
_________________ On survivra au grand naufrage
On s'abîmera malgré notre âge
Sans regretter les grandes marées
On fera tout ce que l'on voudra
On ira là où l'on pourra.
Pas de conscience ou presque !
Dernière édition par Valiré le 03 Aoû 2006 11:09, édité 2 fois.
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