Parce que je suis retombée follement amoureuse d'eux, hier, en regardant Sherlock Holmes II, j'ai pris le temps de mettre les idées d'une vieille fic par écrit. Un petit drabble, sans grande prétention, sur une des visions qu'on peut avoir de leur amitié...
Bonne lecture !
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Ce soir là, le vent soufflait férocement sur les plateaux de tournage. Réfugié derrière une structure du décor, assis dans les sièges inconfortables mis à disposition par la production, je réfléchissais.
A quelques mètres seulement, une poignée d’hommes s’activaient à capter le meilleur de la prestation de Jude, replié dans une cahute en bois. Les expressions de peur, de surprise et de ravissement se lisaient avec facilité sur son visage. Captivé, je saluais la performance de l’acteur inestimable qu’il était. Chacun de ses gestes semblait imprégnés de l’essence du scénario, de l’ambiance britannique de notre œuvre. S’il présentait des dispositions à la base – sa nationalité en était une –, je pris le temps d’applaudir la prise au même titre que les autres assistants du plateau.
Essoufflé, les cheveux en bataille et le costume plissé, il me rejoignit sans un mot ou un regard. Je le savais diaboliquement incarné par son personnage dans ces moments là. Il était dès lors inutile que je perturbe son numéro. Familier de ses traits, de son expression la plus discrète, je discernais de la fatigue chez mon acolyte. Le rythme de tournage s’était intensifié dernièrement : les intempéries nous avaient contraints à enchaîner les prises.
Assis, côte à côte, nous respirions le même air empreint de la suave odeur qui émanait de la caravane du maquillage, toute proche. Ces demoiselles semblaient ressentir le besoin de partager les effluves de leurs dernières acquisitions.
Le regard voguant dans le vide, je m’amusais à considérer ma vie comme un film gigantesque. Cette ambiance, feutrée et pourtant si dynamique, contribuait à l’irréalisme de cette journée. Détaché du reste de l’équipe, je les regardais s’activer pour préparer la scène suivante. Jude, lui, fixait un point droit devant lui. Magnifiques, ses yeux clairs s’agitaient parfois, suivant les actes perpétrés par les sbires de notre réalisateur. Ses lèvres, objets de toutes les convoitises, étaient soumises aux mordillements de ses dents si blanches qu’elles semblaient fantasmées.
Une légère musique de fond provenait de l’attroupement qui étudiait et disséquait la prise précédente. Un peu plus loin, les conversations enthousiastes de publicitaires et journalistes contribuait à cette bande sonore rassurante.
Ne pouvant décider si le film de ma vie conviendrait plus à la rubrique drame, thriller ou comédie dramatique, je jetai un dernier coup d’œil à Jude. Entre lui, Susan et ma vie de père, les choses s’étaient grandement améliorées et adoucies ces dernières années.
Un brusque bruit de contestation s’éleva : au plus grand désarroi des techniciens, la pluie s’abattit sur le plateau extérieur. Jude, logé dans sa chaise, éclata de rire. Soulagé, il me glissa que cela signifiait assurément la fin de cette journée de travail.
- Nous pourrions profiter de ces deux heures pour manger un bout, à deux. Qu’en penses-tu ?
Ce que j’en pensais ? Que si cette vie est un film, je croyais profondément en une « happy end. » Le générique serait long, constitué du nom des personnes envers qui je ressens de la sympathie, de la reconnaissance, de l’amour.
Jude en ferait partie, je le reconnaissais sans aucune difficulté. La tête posée sur mon épaule, nous nous amusions des deux photographes qui capturaient ce moment. Ces rumeurs nous faisaient rire, ces malentendus contribuaient au succès du premier volet : car, en dépit de nos preuves d’affection, personne ne comprenait tout à fait.
Les cheveux trempés par la bruine qui continuait de s’abattre sur Londres, nous nous relevions pour nous mettre à l’abri. Nous précipitant, bras dessus, bras dessous, nous rejoignions le vaste préau installé en toute hâte.
Les yeux dans les yeux, nous ne ressentions pas le besoin d’expliquer notre connivence au journaliste qui s’amusait de nos postures et nos sourires complices. Non, nous ne sommes pas amants. Oui, nous sommes plus que des amis.
Tandis que Jude démarrait en trombe vers un taxi, m’emportant dans son sillage, je l’entendis se réjouir de cette soirée en tête à tête. A cet instant, je me voyais comme le héros des années cinquante, la gabardine nouée à ma taille et l’allure virile.
Réfugiés sur la banquette arrière du véhicule qui nous emmenait à Soho, dans l’un des meilleurs restaurants du quartier, j’accueillais volontiers Jude dans mes bras.
Je n'étais pas ce héros mystérieux, digne des plus grands policiers. Jusqu’ici, j’avais eu tord sur toute la ligne scénaristique.
Si nos vies étaient un film, elles seraient une comédie romantique. Sans scène de sexe.
Ses longs cils garnis de gouttes de pluie, je me surpris à rougir. Exténué, il enfouit son visage contre mon torse. Soudainement, je ressentis une chaleur diffuse et surprenante qui traversait mon corps entier.
Qu’avais-je dit, il y a trente secondes à peine ? Oh.
Je n’excluais rien : un film à succès connait parfois plusieurs suites.
Et, à n’en pas douter, notre histoire était faite pour durer.
The End.
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