Comme vous le savez probablement tous maintenant, Robert va être papa dans quelques mois et pas grâce à l'intervention de Jude évidemment. Celui-ci a beau avoir un côté féminin assez exacerbé, je doute qu'il soit capable de porter un enfant^^ Bref, rien de slash donc dans cette, néanmoins très bonne, nouvelle mais je n'ai pas pu m'empêcher de mêler tout de même Jude à l'affaire. Voici donc un petit OS bricolé hier soir en une heure.
Bonne lecture.
ooOoo
Les deux hommes regagnaient la maison du cadet après avoir dîné dans un restaurant où ils avaient leurs habitudes. Jude proposa un café à son compagnon, qui hocha la tête avant de se poser sur le canapé. Le propriétaire des lieux se rendit donc dans la cuisine, s’occupant les mains à la préparation de leur boisson à défaut de s’occuper l’esprit. Depuis le début de la soirée ses idées tournaient à plein régime et son inquiétude n’avait de cesse d’augmenter. Lorsque Robert était arrivé en fin d’après-midi après plusieurs semaines de séparation, les retrouvailles ne s’étaient effectivement pas vraiment déroulées comme prévues. Après une brève étreinte quoi que tout de même chaleureuse, l’Américain s’était réfugié dans un mutisme qui ne l’avait quasiment plus quitté. Durant tout le repas ensuite Jude s’était fait un devoir d’entretenir la conversation, qui avait peu à peu tourné au monologue tant il devenait difficile de parvenir à faire desserrer les lèvres à Robert. Las, le jeune homme avait demandé l’addition avant le dessert, abrégeant cette sortie qu’il avait pourtant attendue avec tellement d’impatience.
Le trajet de retour en taxi s’était déroulé en silence, Jude ne faisant plus le moindre effort pour sauver les apparences alors même que l’inquiétude se faisait plus sourde. Pour mettre Robert dans un tel état, la situation quel qu’elle soit, était forcément grave. Etant enfin parvenu à s’entendre dire que Susan et Indio allaient parfaitement bien, l’Anglais ne voyait plus qu’une seule raison qui aurait pu provoquer ce malaise. Fatigué de cette relation clandestine, Robert allait le quitter. Il ne voyait pas d’autre explication possible. Et s’il était reconnaissant à son amant d’avoir fait tout ce chemin pour le lui apprendre de vive voix plutôt que par téléphone ou, pire encore, par mail, il n’en était pas moins malheureux. Si l’Américain était marié et parfaitement heureux dans ce couple légitime, lui n’avait que Robert justement. Certes il n’y avait jamais eu de véritables promesses entre eux, mais il n’avait pu s’empêcher de croire leur relation éternelle à défaut d’être exclusive.
La mort dans l’âme il retourna finalement au salon avec deux tasses, retrouvant son compagnon, qui semblait n’avoir pas fait le moindre geste en son absence. Il déposa les cafés sur la table basse puis s’installa à ses côtés, laissant tout de même une certaine distance entre eux, détail infime qui faciliterait peut-être les choses. Ou pas.
Robert le gratifia d’un regard lointain agrémenté d’un bref sourire, et Jude constata à quel point ses yeux étaient triste. Il fallait que cela cesse, décida-t-il. Ils étaient tous les deux adultes, ils sauraient faire face à cette situation.
« - Bien, je t’écoute Bob, commença-t-il donc.
- Tu… quoi ?
- Eh bien je suis prêt, tu peux ouvrir le feu. Tu ne crois quand même pas que je n’allais rien remarquer ? D’habitude quand on se retrouve tu es heureux, intarissable Mais aujourd’hui tu es juste… éteint. Alors, qu’est-ce qu’il y a ? »
L’aîné soupira profondément en fermant un instant les yeux. Lorsqu’il prit finalement la parole, sa voix était calme, à l’exact opposé de ce qu’il ressentait réellement.
« - Le pire dans tout ça c’est que c’est censé être une bonne nouvelle, commença-t-il lentement. »
Une bonne nouvelle ? Comment une rupture pouvait-elle être considérée comme une bonne nouvelle ? Peut-être pour Susan, même si elle était parfaitement consciente de l’effet bénéfique qu’avait l’Anglais sur son mari, mais à part ça… Décidément Jude était de plus en plus perdu, aussi préféra-t-il ne pas dire un mot, se contentant d’attendre bravement.
« - La nouvelle sera rendue publique dès mon retour à L.A mais je ne voulais pas que tu l’apprennes ainsi. Tu mérites que je te le dise moi-même, alors je n’ai plus le choix… »
Robert s’interrompit une nouvelle fois, manifestement à la rechercher des ses mots. Et pendant ce temps Jude bouillait d’impatience tout en crevant de trouille.
« - Bien, je me lance, décréta l’Américain, semblant à cet instant bien peu sûr de lui. Susan est enceinte.
- Hey, mais c’est une bonne nouvelle ! s’écria spontanément Jude. Félici… »
Il s’interrompit brusquement, comme si les mots étaient enfin parvenus à son cerveau. Non, ce n’était pas une bonne nouvelle. Pas pour lui en tout cas. Parce qu’avec un évènement pareil, la relation des deux hommes changerait forcément. Et certainement pas en bien.
« - Je sais, dit Robert en se tournant vers lui. Tu es en train de te demander ce que ça va impliquer pour nous deux et…
- Ne réponds pas tout de suite à cette question, le coupa Jude. Ecoute-moi d’abord parce que c’est important. Oui, c’est une bonne nouvelle pour toi, je sais combien tu voulais un autre enfant. Et je suis ravi que cela puisse se réaliser. Je suis très heureux pour toi mais… je crève de jalousie. Parce que cet enfant j’aurais voulu pouvoir te l’offrir moi-même. Parce que je réalise aujourd’hui combien Susan t’est essentielle. Parce qu’avec elle tu as un lien que nous deux n’aurons jamais malgré tous mes efforts… »
Tandis qu’il parlait, ses larmes avaient commencé à couler sans qu’il ne puisse rien faire pour les retenir. C’était tellement injuste ! Dès le départ il avait considéré Robert comme son âme-sœur et maintenant il allait le perdre parce qu’il n’était pas une putain de femme.
Touché par sa détresse, Robert l’attira à lui, le serrant fermement dans ses bras.
« - Je suis désolé, articula difficilement le cadet. Je devrais te féliciter, je devrais sauter de joie parce que je ne veux que ton bonheur. Mais en ce moment j’ai plutôt envie de prendre un flingue et d’aller descendre ta femme. Pourtant je ne ferais jamais un truc pareil… Elle te rend heureux, plus que je n’y parviendrais jamais. Pour ça je la respecte. Pour ça je la déteste. »
Tout en l’écoutant, l’aîné essuyait délicatement les larmes qui baignaient son beau visage, comme si les effacer était nier leur peine à tous deux.
« - Tu as tort sur un point Judsie, elle ne me rend pas plus heureux que toi. Elle n’y parviendra jamais. Elle me rend simplement heureux d’une façon différente. »
Jude hocha la tête en serrant les lèvres, se forçant de tout son être pour ne pas recommencer à pleurer. Il se blottit plus fort contre son compagnon et ils restèrent un moment ainsi, immobiles, parfaitement silencieux tandis que près d’eux le café qu’ils avaient définitivement oublié refroidissait lentement.
« - Et nous ? finit par demander le plus jeune.
- Ça ne changera rien. Je serai peut-être un peu moins disponible au début, mais si tu veux encore de moi je serais toujours là.
- Bien sûr que je voudrais toujours de toi, dit Jude, parvenant enfin à esquisser un sourire. Tu sais, si c’était ce que tu voulais, on aurait pu adopter tous les deux. »
C’était une réflexion stupide dans la mesure où ils n’avaient même jamais envisagé d’assumer leur relation au grand jour, mais Robert l’accueillit avec le plus grand respect parce qu’à cet instant il savait que Jude le pensait sincèrement.
« - Eh bien rien ne nous empêche de le faire un jour, décréta-t-il avec le plus grand sérieux. »
L’un et l’autre savaient que c’était bien improbable, mais ils gardèrent le silence sur ce détail, simplement parce que cela leur faisait du bien d’y croire. Quoi que dise Robert, cette grossesse changerait tout entre eux alors c’était une bonne chose, vitale même, de laisser croire, encore pour un soir, que rien ne serait différent.
Resserrant ses bras autour de la taille de l’autre homme, Jude attira son visage à lui, l’embrassant doucement.
« - Merci, murmura Robert à son oreille lorsqu’ils se séparèrent. J’avais tellement peur de te l’annoncer et tu as su me faciliter la tâche. Au moins un peu.
- C’est mon rôle. Je suis peut-être incapable de porter ton enfant, mais te faciliter la vie ça je sais faire. Et je continuerais à le faire aussi longtemps que tu en auras besoin. »
Touché par une telle déclaration, Robert, qui ne savait jamais trouver les mots dans des moments pareils, se contenta de hocher la tête, se fendant d’un sourire qui cette fois n’avait plus rien de triste. Alors qu’il avait craint le perdre, il savait maintenant que Jude serais toujours là. C’était bien plus rassurant que tout ce qui l’attendait dans les mois à venir.
Lorsqu’ils firent l’amour cette nuit-là, tandis qu’il accueillait son amant de la plus intime des façons, Jude ne put s’empêcher de songer à ce petit être qui grandissait là-bas, quelque part de l’autre côté de l’océan et étrangement il n’y avait plus de jalousie, seulement de la sérénité. Parce que ce qui rendait Robert heureux le rendait heureux lui aussi. Et tant que cela demeurait vrai, rien ne pourrait jamais se mettre tout à fait entre eux.
THE END.