J'ai honte. C'est mauvais, très mauvais...
Et je culpabilise vraiment d'écrire sur ce casting là. Mais je trouvais dommage d'avoir bossé sur un texte pour ne rien en faire. Alors voici, j'espère qu'il vous plaira néanmoins ou qu'il donnera des idées à certaines personnes...
L'histoire se passe durant le tournage de la saison II, dont certaines scènes avaient lieu à Cardiff, Pays de Galles. Inspirée par cette
photographie.
***
Etendu les bras en croix sur le lit, Rupert répétait inlassablement les mêmes répliques. A deux doigts de trouver le ton juste, il sursauta, interrompu par un bruit sourd sur sa porte. Ouvrant, irrité, à son visiteur nocturne, il haussa finalement un sourcil :
- Ben ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi à… une heures et demie ?
Visiblement blasé, l’acteur dégaina un paquet de cigarettes et l’ouvrit d’un seul geste du pouce. Vide.
- Mark a fumé ma dernière, sans rien me dire. Et il n’y a pas une foutue boutique à Cardiff qui soit ouverte après minuit. Je hais cette ville.
Un sourire prit la place de l’agacement sur le visage de l’aîné, l’amenant à revenir dans sa chambre pour fouiller les poches de sa veste. Benedict, lui, n’avait pas bougé d’un pas, se tenant raide et silencieux dans l’encadrement de la porte. Il bredouilla finalement quelques mots d’excuses :
- Il est tard mais j’ai vu de la lumière. Alors-
- Aucun problème, le rassura Rupert en lui tendant l’une de ses Malboro.
Peut-être cela venait-il des cheveux gris, de sa carrure honorable ou d’un fifrelin de charisme, mais Rupert s’amusa de cette timidité qu’il suscitait chez Benedict. Comment pouvait-il encore impressionner un collègue de longue date, un gars aussi talentueux ?
- Tu veux profiter du balcon ? suggéra l’aîné en désignant la fenêtre derrière lui. C’est une compensation pour l’eau chaude qui n’atteint définitivement pas ma chambre.
Sans un mot, le jeune homme lui signifia que sa proposition était la bienvenue et franchit le pas décisif, celui qui permit à son hôte de fermer la porte.
Penchés par-dessus la rambarde de fer, craquant à une ou deux reprises un vieux briquet patiné, les deux comparses exhalèrent une fumée grise et malsaine. Sous leurs pieds, quelques passants se pressaient vers une destination inconnue. Les réverbères envoyaient sur les murs gris des bâtiments une lumière froide et blanche. Gêné par ce silence, Rupert improvisa une amorce de conversation, priant pour que Benedict se révèle plus loquace que lui :
- Londres te manque tant que cela ?
- Londres me manque partout où je vais. Et spécialement dans cette ville.
- Il te reste deux jours à tenir, le réconforta l’aîné en récupérant son briquet, s’amusant à le fermer et l’ouvrir dans un claquement métallique. Tu n’aimerais peut-être pas autant Londres si on ne t’obligeait pas à en sortir parfois.
Le sourire qu’afficha le jeune homme interloqua son compagnon nocturne. Quelque chose de défait et de joyeux à la fois, un mélange surprenant fait de cette nostalgie qu’il traînait en cette longue nuit surprit son interlocuteur.
- C’est pour ça que j’adore traîner avec toi. Tu relativises tout.
- Je pensais que c’était pour mes clopes, railla Rupert en s’avouant touché du compliment. La sagesse vient avec l’âge. Ca y’est, je parle déjà comme un vieux con…
Ils éclatèrent de rire, recrachant en quelques nuages les relents tabagiques. La glace était brisée, s’amusa l’aîné tout en constatant que son invité maintenait une certaine distance. Distrait par la voix de celui dont il détaillait le comportement, il lui répliqua rapidement :
- C’est pas pour une, pas besoin de me racheter un paquet, le dissuada Rupert. Tu fumes plus que l’an dernier, non ?
Le jeune homme grimaça, résolument ennuyé de répondre que oui. Admettant que l’année avait été particulièrement éprouvante, il reçut les excuses de son comparse.
- Oui, j’ai entendu pour-. Tu retrouveras quelqu’un, assurément.
- Oui. Ou pas. Dans deux jours, trois mois ou six ans, énuméra Benedict, contrarié de se laisser aller mais incapable de réprimer cette frustration qui le minait. Désolé, je suis fatigué.
Rupert ne répondit rien, levant maladroitement le bras pour abattre sa main sur l’épaule du jeune homme, frottant vigoureusement l’une de ses épaules. Réalisant que celui-ci ne portait guère qu’une chemise, il craignit un instant pour sa santé. Mais Benedict était adulte, reprit-il en se dissuadant de lui prêter une veste.
- Mes dernières notions de séduction remontent à une baille. Et à l’époque, il n’y avait même pas encore de texto.
Rupert dissimula un sourire, appréciant la voix et les mimiques de son invité. Il n’existait que deux options : soit Benedict savait très bien ce qu’il faisait et son pouvoir de séduction n’avait pas pris une ride, soit il agissait en parfaite innocence et ce garçon était irrésistible sans en avoir conscience.
Redoutant ses intensions, Rupert choisit néanmoins de représenter son paquet de cigarettes au jeune homme. Celui-ci hésita, les doigts posés sur l’un des tubes :
- Tu souhaites me filer un cancer du poumon ?
- Non, répliqua posément l’aîné sans quitter le regard vert pétillant des yeux. J’ai simplement envie que tu restes. Encore un peu.
Constatant le rouge qui montait aux joues de Benedict, il se garda d’éclaircir l’ambiguïté de cette dernière déclaration. L’homme marié qu’il était lui recommandait de fuir, de mettre son invité à la porte et d’oublier soigneusement chacune de ses pensées dissolues. Le jeune adulte qu’il avait été, autrefois insouciant, se rappelait à lui à mesure qu’il observait, captivé, les volutes s’échappant des lèvres roses de son comparse. Un retour à un âge où la découverte était de mise, où les convenances ne régissaient pas encore sa vie sentimentale.
Peu importe que cette vie rangée lui ai apporté satisfaction, stabilité et le plaisir de la paternité. Il s’agissait peut-être simplement de renouer, l’espace de quelques heures, avec cette sensation délicieuse de conquérir.
- Rupert ?
Plus l’aîné se glissait hors de sa réflexion, plus ses désirs devenaient dangereusement réels. Il ne répondit rien et se contenta d’allumer sa deuxième cigarette, récupérant dans l’une des mains élancées le briquet prêté à son collègue.
- Prends un peu de temps pour toi. Ca permet de mieux se consacrer à une autre après.
- Profiter pour faire des expériences ? Tenta timidement Benedict, le sourire aux lèvres. J’ai été… Jeune. Je n’ai peut-être pas autant de bouteille que toi mais-
Ce fut au tour de Rupert d’éclater de rire, un coude posé sur la balustrade et l’autre bras volant dans l’air au gré de ses paroles :
- Que moi ? Enfin- Qu’est-ce que tu as entendu à mon sujet ?
L’espace d’un instant, un silence de mort régna sur le balcon. Se jetant quelques regards à la dérobée, ils prirent la parole en même temps :
- Ecoute, je suis désolé-
- Benedict, ponctua simplement l’aîné en barrant la porte. Il n’y a rien de mal… Je me suis déjà épanché dans deux ou trois interviews. Ce n’était sûrement pas une bonne idée mais-, j’y ai effectivement dit que j’avais eu quelques aventures avec des hommes.
Les choses dérapent carrément, songea Rupert en se mordant la lèvre. La meilleure solution était peut-être de laisser tomber l’affaire et de limiter la casse. Impossible, regretta-t-il en réalisant que cette angoisse était bien trop grisante.
- Peut-être plus que quelques unes, en réalité.
Le ton était embarrassé, légèrement nostalgique. Le mégot, abandonné depuis longtemps, grésillait près de la main de Benedict ; c’était là pour lui une occasion de partir.
- Ce n’est pas exactement le genre de choses dont on discute avec un collègue…
Rupert attendit, silencieux et calme, que son invité poursuive. La machine était lancée, et il pouvait difficilement envisager de l’arrêter à partir de cet instant.
- Disons que j’ai… exagéré quand j’ai dit que j’avais que j’avais un minimum d’expériences. J’ai- Olivia était ma première petite amie. Avec ce que ça implique.
- C’est mignon, admit simplement Rupert, impressionné de la confiance que le jeune homme plaçait en lui. Il n’y a rien de gênant avec ça.
Les deux hommes se regardèrent, incapables d’aborder le problème de fond. S’approchant légèrement de son cadet, Rupert choisit d’abréger au plus vite cette fébrilité qu’il ressentait chez lui et chez son visiteur.
- Tu n’es pas venu à l’improviste, n’est-ce pas ? Je veux dire- Pour plus qu’une cigarette.
- Je ne sais pas ce qu’il m’a prit… En connaissant très bien ta situation. Je n’aurais jamais dû venir.
- Et je n’aurai pas dû te proposer une deuxième cigarette. Mais je l’ai fait.
Par quel tour de magie s’étaient-ils rapprochés à ce point ? Rupert n’en savait rien et se sentit incapable de battre en retraite. D’une voix assurée, il continua son raisonnement :
- Parce qu’à cet instant précis, je n’avais pas envie que tu t’en ailles.
- J’ai pas vraiment envie de partir non plus, répondit doucement Benedict. Je ne veux simplement pas te causer des ennuis ou… un cas de conscience, demain matin.
Rupert répliqua par un sourire défait, capitulant totalement devant le charme timide et l’attention que lui portait son comparse.
- J’ai l’âge de faire mes propres erreurs et de ne pas les regretter. J’assumerai les conséquences si, un jour, j’y étais obligé.
En jetant un coup d’œil au-delà des premiers entrepôts de la ville, Rupert désigna les rues illuminées et les lumières qui s’échappaient du centre-ville.
- J’aimerais avoir la chance de te donner quelques bons souvenirs de Cardiff.
- Et que dois-je t’offrir en échange ?
Un air de connivence anima les traits de l’aîné, visiblement amusé par sa requête :
- Mes trente ans. Pour un soir.
Jouable, murmura Benedict en collant ses lèvres à celle de son compagnon. Hésitant quelques fractions de seconde sur la position à adopter, il accueillit avec plaisir l’initiative de Rupert. Ce-dernier enveloppa son cadet de ses bras, le pressant contre lui pour un baiser tendre.
Frissonnant, le jeune homme geignit faiblement lorsque les lèvres chaudes de son complice se posèrent sur sa gorge, sa nuque et, finalement, le haut du torse laissé découvert par sa chemise. Front contre front, les boucles noires mêlées aux mèches grises, ils sourirent tout en reprenant leur souffle.
- Qu’est-ce que serait la vie sans quelques erreurs, après tout, souffla Rupert, le pouce brossant la joue de son cadet. On ferait mieux de rentrer.
Emportés, ils déplacèrent vers la chambre exigüe, s’administrant quelques caresses timides et baisers chastes en riant, parfois, lorsque leurs pieds se prenaient dans les affaires éparpillées sur le sol. Benedict fut le premier à s’affirmer, passant ses mains sous le tee-shirt de son amant pour finalement demander la permission de l’en débarrasser. Rupert intervint à la dernière seconde, visiblement gêné :
- Je- J’ai pas exactement un corps aussi parfait que le tien-
Malgré les protestations, le dessus rejoignit les effets qui jonchaient le sol. Réalisant avec un soulagement que le jeune homme prenait un malin plaisir à parcourir chaque centimètre de son corps, il sourit en le sentant y poser ses lèvres, décrivant ensuite à quel point il n’y avait rien d’hideux ou de méprisable sous l’étoffe de tissu.
- Oh… Continue.
Un gémissement à peine, voilà tout ce dont Rupert fut capable à l’instant où Benedict mordit, avec maladresse, son épaule avant d’y poser un baiser aussi apaisant qu’agréable. Le jeune homme se laissa finalement aller à un compliment direct, essentiel aux yeux de son amant :
- Tu es parfait.
Cette fois, ce fut un sourire qui se posa les lèvres de Rupert. Rassuré, il redoubla de vitalité et d’enthousiasme et partit à la découverte de son compagnon, à la recherche de vieux souvenirs. Il se sentait alors la force de tenir jusqu’à l’aube, de profiter de la ravissante créature qui l’attendait dans le lit, quitte à hériter de quelques courbatures. Insouciant, comme il l’était à trente ans.
***
Serrés l’un contre l’autre, les draps rabattus jusqu’aux milieux des ventres douloureux d’avoir trop ri ou de s’être risqué à des postures improbables, Rupert embrassa la tempe de son amant, humant la marée de boucles noires qui envahit son visage.
- Si une erreur peut être aussi douce, je suis prêt à en faire beaucoup d’autres, avoua-t-il, taquin lorsqu’il caressa, de la pointe de la langue, le lobe de l’oreille de Benedict. Celui-ci, chatouilleux, remua et fronça les sourcils, l’accusant de profiter des points faibles qu’il avait dévoilés malgré lui durant leurs ébats. Le jeune homme reprit finalement sa place, la tête posée sur le torse de l’aîné.
- Cardiff est finalement une très belle ville.
Cette nuit devait être la première et la dernière. Secrètement, ils espéraient qu’elle marque le début d’une longue série. Intimement, ils étaient convaincus que leurs vœux se réaliseraient, sous peu.
Lovés l’un contre l’autre, ils refusèrent de céder au sommeil, quitte à gagner quelques cernes le lendemain. Personne ne suspecterait la réelle raison de leur teint gris et de leur mine éteinte, après tout. A une exception près, grimaça Rupert.
- J’ai peur que Martin se doute de quelque chose à présent…
- Même si je reconnais qu’il est plutôt doué, il n’a pas encore la capacité de lire dans l’esprit des gens.
Les deux amants se regardèrent, inquiets. Benedict reprit la parole sur un ton troublé :
- Il n’est pas télépathe, n’est-ce pas ?
- Non, mais je sais que-
- Que quoi ?
Un bruit sourd résonna de l’autre côté de la cloison, les faisant sursauter tous les deux :
- Si vous pouviez seulement faire un peu moins de bruit, je pourrais peut-être
dor-mir et
igno-rer ce que je viens d’entendre ! Pitié pour les voisins !
The End. ***
Pour les fameuses déclarations de Rupert dans la presse, elles existent bel et bien. Il y disait simplement qu'il avait commencé une aventure homosexuelle mais que cela ne lui avait pas vraiment plu. (On y croit...
)