Voilà que je renoue avec le drame avec ces deux-là. Que voulez-vous, j'adore ça
Bonne lecture
ooOoo
Robert entra silencieusement dans la maison sombre, bien décidé comme chaque soir à aller se mettre au lit sans réveiller son compagnon. Cela faisait des jours qu’ils se croisaient à peine et c’était très bien ainsi.
S’arrêtant dans le salon, il alla récupérer le paquet de cigarettes abandonné sur la commode plus tôt dans la journée. Et tandis qu’il fouillait ses poches à la recherche de son briquet, la lumière jaillit dans la pièce. Sursautant, il se retourna vivement pour trouver Jude assis sur le canapé.
« - Eh bien, tu ne dors pas ? s’enquit-il en esquissant un petit sourire triste.
- Je t’attendais. Je voulais te voir, souffla Jude.
- Ok, je suis là, tu m’a vu. Mais il est tard alors va te coucher. Je te rejoindrai après un passage par la salle de bain.
- Ouais, c’est ça ! grogna l’Anglais. Dis plutôt que tu vas traîner jusqu’à être sûr que je me sois endormi. Comme si ma présence consciente te répugnait.
- Jude…
- Laisse-moi finir Robert. Ce soir, aucune esquive. On doit parler, et ça fait un moment. Je crois que cette fois c’est la bonne. »
Robert esquissa une grimace en détournant le regard. Bien sûr qu’ils devaient parler, lui-même le savait depuis des semaines. Et cela lui faisait peur. Il n’était pas dupe, il savait très bien ce que cette confrontation risquait d’engendrer or il ne se sentait pas prêt pour cela. C’était pour cette raison qu’il fuyait Jude, faisant tout son possible, quitte à passer des heures en voiture après sa journée de travail, pour ne surtout pas passer de temps avec lui. Parce qu’ainsi il avait encore l’illusion que tout allait bien entre eux, que les choses n’étaient pas irréversibles.
Sa culpabilité y était également pour beaucoup, même s’il tentait le plus souvent de l’oublier celle-là tant elle le tuait avec petit feu.
« - Robert ? s'enquit Jude d’une voix douce.
- Je suis désolé, murmura l’interpellé. »
Sans relever la tête vers son compagnon, il alla s’asseoir sur la table basse. Jude pour sa part le fixait avec avidité, bien conscient qu’il avait ni plus ni moins ouvert la boîte de Pandore. Il ne pouvait plus faire marche arrière désormais. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière.
« - Pourquoi Robert ? Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que c’est devenu tellement difficile entre nous ? Tu ne m’aimes plus ?
- Quoi ? s’écria vivement Robert en relevant brusquement la tête, nouant son regard flamboyant au sien. C’est stupide comme question. Bien sûr que je t’aime. Tu en doutes réellement ?
- Y a de quoi, reconnaît-le. »
Hochant pitoyablement la tête, l’aîné baissa les yeux vers ses mains jointes.
« - Pardonne-moi Judsie, dit-il à vois basse. J’ai fait le con.
- Tu as fait… quoi ?
- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Que je suis un crétin ? Le pire qui soit probablement. Un connard ! »
Jude pâlit en l’écoutant parler. Ils avaient des problèmes, cela il le savait. Peu de temps à se consacrer l’un l’autre, une routine qui s’installait peu à peu, un manque de volonté de part et d’autre à continuer le jeu de séduction qui avait rythmé leur relation à son début… Bref, le lot de tous les couples finalement. Mais puisqu’il était toujours amoureux de Robert, il était resté convaincu qu’il ne leur serait pas très difficile d’améliorer leur situation avec quelques efforts si seulement ils parvenaient à mettre les choses à plat. Mais à présent qu’il entendait les propos de son compagnon, il n’était plus aussi sûr de lui. Pour que Robert réagisse ainsi, il y avait manifestement quelque chose de plus grave qu’il n’avait pas vu venir.
« - J’ai essayé, continuait Robert. Vraiment essayé. Je t’aime, j’ai jamais voulu te décevoir. Mais ces derniers temps c’était… tu l’as dit toi-même, plus difficile. J’ai jamais su gérer les difficultés. Pas plus que me montrer patient. Je fonce sans réfléchir, je fais le con. Et après je regrette. Et surtout je fais du mal. C’est pour ça que je ne voulais rien te dire, je voulais… te préserver.
- C’est trop tard pour ça Bob. A présent tu dois me le dire. Alors quoi ? »
Voyant Robert hésiter, il ne put s’empêcher d’insister, malgré la peur qui distillait peu à peu son poison.
« - Dis-moi Robert ! Aie au moins le courage de me le dire ! »
Parce que Jude était loin d’être naïf. Avec la tournure que prenait la conversation il se doutait bien désormais de ce qui se tramait. Pour autant il n’entendait pas faciliter la tâche à Robert. Il entreprit alors de le fixer d’un regard sombre.
Enfin, l’aîné sembla réagir. Hochant la tête, il inspira profondément pour se donner contenance puis se jeta finalement à l’eau.
« - J’ai… couché avec un autre homme. »
Oui, Jude l’avait bien senti arriver. Cela ne rendit pas cet instant plus facile pour autant. Comme si jusqu’à la dernière seconde il avait espéré se tromper.
« - Quoi ? s’écria-t-il en se levant. Tu as… quoi ? Non, t’as pas pu faire ça ! »
Tout en parlant il avait entrepris de déambuler dans la pièce d’une démarche mal assurée. Il stoppa net en voyant Robert faire mine de quitter sa place à son tour.
« - Non, tu ne m’approches pas ! aboya-t-il.
- Jude…
- J’arrive pas à croire que tu aies pu faire un truc pareil. Putain, je croyais que tu m’aimais !
- Mais je t’aime, tenta Robert.
- Ne dis pas ça, souffla Jude d’une voix tremblante tandis que les larmes lui montaient aux yeux. Pas après ce que tu viens de m’avouer. Ça serait salir tout ce qu’on a vécu. »
Il s’interrompit, essuyant rageusement ses yeux, honteux de sa propre faiblesse.
« - Pourquoi t’as fait ça ? C’était pas toujours simple entre nous, mais ça allait quand même, non ?
- Mais oui ça allait, confirma tristement l’Américain. J’te l’ai dit, je suis un con. T’étais pas là, tu me manquais, j’me sentais seul. Je te jure que c’était pas prémédité. On a passé la soirée entre potes… Et puis ça c’est fait tout seul. Mais c’est arrivé qu’une fois et ça ne se reproduira jamais. »
Jude laissa échapper un grognement en secouant la tête. Deux ans ! Deux putains d’année et voilà qu’il lui lâchait une bombe pareille ! Il devait être en plein cauchemar, c’était forcé. En tout cas il l’espérait de toute son âme.
« - Robert, merde !
- Je sais. Je suis tellement désolé.
- C’était qui ? s’enquit soudain Jude. »
La question les surpris autant l’un que l’autre, mais si Robert se pétrifia à ses mots, le cadet au contraire campa sur sa position. Autant que possible tout du moins.
« - C’est peut-être pas une bonne idée Judsie.
- Non Rob, ce qui n’était pas une bonne idée c’était de coucher avec ce type. C’était qui ?
- Adrien, avoua Robert dans un souffle.
- Ben voyons ! Putain, mais tu le connais depuis des années, t’étais vraiment obligé d’attendre qu’on soit ensemble pour aller baiser avec lui ?
- Jude…
- Quoi ? C’est le fait que j’utilise ce terme, baiser, qui te met mal à l’aise ? C’est pourtant ce que tu as fait.
- C’était pas prémédité, répéta Robert. J’aurais jamais cru que ça puisse un jour se passer comme ça entre nous. »
Jude retourna vers le canapé, mais s’assit cette fois sur l’accoudoir, restant volontairement le plus loin possible de l’autre homme.
« - Et je devrais te pardonner parce que ça n’est arrivé qu’une fois et que c’était pas prévu ?
- Non, tu…Enfin, je voudrais que tu me pardonnes pour ce qui existe encore entre nous.
- Mais est-ce qu’il existe seulement encore quelque chose entre nous ? Avant, quand on était séparés, on s’appelait plusieurs fois par jour pour se raconter ce qu’on faisait… Maintenant si pour supporter ça tu dois aller voir ailleurs, sincèrement je sais pas ce qu’on va devenir.
- Ça n’arrivera plus ! plaida Robert.
- C’est ce que tu dis ce soir. De toute façon ça ne change rien, je ne pourrais plus avoir confiance en toi. Tu sais, finalement j’en suis à me dire que j’aurais peut-être préféré ne rien savoir. Je me posais pas mal de questions, j’avais peur mais au moins j’avais pas… mal. »
La fin de la phrase fut à peine murmurée, comme si reconnaître cela lui était d’autant plus douloureux. Fixant alors un point invisible en face de lui, le jeune homme se mura dans un silence méditatif, que Robert eut le bon sens de ne pas interrompre, se contentant de le fixer avec angoisse.
Aucun des deux ne sut combien de temps passa ainsi, ils s’en fichaient d’ailleurs, bien trop conscients que lorsqu’ils reprendraient la parole, quelque soient les décisions qu’ils prendraient, tout changerait forcément.
La mort dans l’âme, Jude se releva finalement en un mouvement volontairement lent.
« - Je pars, dit-il.
- Comment ça, tu pars ? s’enquit précipitamment Robert. Quoi ? Tu as besoin d’un peu de temps pour réfléchir ? Oui, je pense que c’est une bonne idée. Quelques jours ça pourra nous faire que du bien. »
A son débit de parole, Jude pouvait deviner ses craintes, mais si d’habitude cela l’aurait attendri, cette fois il n’en éprouva rien. Pas bon signe, pensa-t-il avec un pincement de cœur.
« - Non Rob, je pars. Je me connais, je n’arriverai pas à te pardonner. Tu m’as trahi et… non je pourrai pas te pardonner. Ça va nous détruire, alors autant arrêter les frais immédiatement. »
Et tandis qu’il se dirigeait vers la porte, Robert se leva à son tour, une lueur mauvaise dans le regard. Comme si à mesure que son cœur se brisait une part plus sombre de lui prenait peu à peu le dessus. Une façon maladroite de se protéger sans nul doute.
« - T’es gonflé de me le reprocher quand même ! grogna-t-il. Par le passé tu t’es pas gêné pour faire la même chose. T’étais même pas célibataire quand on a commencé à sortir ensemble.
- Toi non plus je te rappelle ! s’insurgea Jude en se retournant pour l’affronter du regard. C’est dégueulasse de me jeter ça en plein visage. C’est vrai que j’ai fait des erreurs dans le passé, ce que je ne t’ai jamais caché. Mais toi je ne t’ai jamais trompé. Jamais ! Et je ne l’aurais jamais fait Et toi, au lieu d’assumer, tu me sors ça… C’est bas. T’es minable. Mais c’est pas plus mal en fin de compte, ça ne fait que me conforter dans ma décision. Je m’en vais. »
Les larmes aux yeux, il se détourna.
« - Jude, pardon ! Tu as raison, je n’aurais pas dû te parler comme ça. Excuse-moi bébé.
- Ne… ne m’appelle plus comme ça. Ecoute, pour l’instant il faut que je parte, tant que j’en ai encore la force… Je repasserai demain dans l’après-midi pour chercher quelques affaires. Ça serait bien que tu ne sois pas là. Pour l’instant je ne veux plus te voir.
- D’accord, souffla Robert en hochant pitoyablement la tête. Tu vas aller où ce soir ?
- Je vais me débrouiller. A l’hôtel probablement puisque mon appart est vide. J’ai bien fait de pas le vendre en fin de compte, je retournerai m’y installer.
- Reste ! Prends la chambre d’amis, proposa Robert avec espoir. Et demain on en reparlera.
- J’me sens pas prêt pour ça, dit Jude. »
Et il quitta la pièce sans un mot de plus. Un instant Robert fut tenter de le suivre, de le retenir de force. Mais aucun d’eux ne méritait cela, alors il resta immobile, sursautant simplement en fermant les yeux lorsqu’il entendit la porte d’entrée claquer. Une larme unique roula sur sa joue, qu’il ne prit pas la peine d’essuyer. Il n’était pas sûr de pouvoir faire un quelconque geste d’ailleurs tant il se sentait vide.
THE END.
Et en supplément, voici la photo qui m'a inspirée à la base cet OS.
Prise l'été dernier lors de l'avant-première de "Splice''