Jude étant à Cannes encore pour deux jours comme membre du jury pour le festival, je ne pouvais évidemment pas ne pas mettre à profit cette actualité pour un os, pour une fois assez guimauve,
(Robert pour sa part vient de commencer le tournage de "The Avengers")
Bonne lecture
ooOoo
Allongé au milieu de ce lit inconnu dans cette chambre impersonnelle, Jude se tournait et se retournait sans fin entre les draps d’un blanc immaculé, cherchant en vain un sommeil qui semblait bien décidé à ne pas venir. Dans son esprit il revoyait sans cesse des images tirées des films qu’il avait vu durant la journée, images qui se battaient la primeur de son attention avec celles, nettement plus entêtantes, de son amant.
Il avait pris comme un honneur d’être choisi comme membre du jury de ce nouveau festival de Cannes et s’était empressé d’accepter l’invitation. Et à la réflexion il n’avait pas lieu de se plaindre. Les films qu’on leur projetait étaient dans l’ensemble de grande qualité, il s’entendait bien avec les autres membres du jury, l’hôtel où il était descendu était des plus accueillants. En clair d’autres auraient très certainement tué pour être à sa place. Même Robert lui avait conseillé de foncer sans hésiter. Alors il l’avait écouté.
Il n’avait jamais rien regretté autant que cela. Robert était coincé aux Etats-Unis pour son dernier tournage, il était donc tout seul ici, ce qu’il ne gérait que difficilement lors de ses quelques périodes d’inactivité. Durant la nuit c’était pire que jamais.
Il consulta son réveil en grognant. Dans moins de deux heures il devait être sur le pont, et si possible frais et dispos, ce qui était loin d’être gagné pour le coup. Etouffant un juron, il se força à s’allonger sur le dos, bien au milieu du matelas, les deux mains croisées reposant sur l’estomac, s’efforçant de respirer lentement. Mais lorsqu’il se sentit enfin partir, la sonnerie stridente du téléphone raisonna dans le silence de la chambre sombre. Toujours immobile, il attendit plusieurs sonneries avant de se décider à réagir
Tendant la main à tâtons vers la table de chevet, il décrocha le combiné et le porta à son oreille sans ouvrir les yeux.
« - Allo ? »
Pas de réponse. Il pouvait simplement entendre une respiration profonde. Et tandis qu’un petit sourire satisfait se dessinait sur ses lèvres, il resta parfaitement silencieux un moment, profitant de ce son qu’il aimait tout particulièrement
« - Bonsoir Robert, dit-il finalement
- Comment tu as su que c’était moi ? s’enquit l’interpellé. »
Jude devina un sourire dans sa voix et ne put s’empêcher d’en esquisser un à son tour. Ce coup de fil il l’attendait depuis si longtemps. La raison pour laquelle il n’était parvenu à fermer l’œil.
« - Eh bien tu es l’un des seuls à avoir le numéro direct de ma chambre. Et… je crois pouvoir me vanter être capable de reconnaître le son de ta respiration.
- Tellement romantique, se moqua gentiment Robert.
- Mais tu adores ça toi aussi. Sinon tu ne m’aurais pas appelé à cette heure-ci, prenant le risque de me réveiller et de te faire passer un savon.
- Alors ? Je t’ai réveillé ?
- Même pas. T’as eu de la chance, s’amusa Jude.
- Apparemment. Je suis désolé, j’ai hésité à te téléphoner en rentrant, mais… enfin, il fallait que je le fasse, bafouilla l’aîné, décidément bien peu à l’aise dans les tendres déclarations.
- Parce que je te manquais ? tenta Jude, compréhensif.
- Ça se pourrait. »
Jude répondant par un grognement, Robert s’empressa de reprendre.
« - Oui, tu me manques. Je sais que je t’ai poussé à partir, et je suis content pour toi, j’te jure. Mais j’en suis plutôt à regretter de ne pas t’avoir plutôt retenu ici.
- Merci Robert. Je n’ai aucun doute quant au fait que tu tiennes à moi, mais j’aime t’entendre le dire.
- Je sais. Tu vois, je fais des efforts. »
Les deux hommes restèrent un moment silencieux tandis que Jude se contentait de hocher doucement la tête, jusqu’à que le bruit bien caractéristique d’un bâillement qu’on tenterait d’étouffer ne le ramène à la réalité.
« - Tu es fatigué ? s’enquit-il, sincèrement inquiet.
- Epuisé, tu n’as même pas idée.
- Le tournage est si dur que ça ?
- Plutôt oui, confirma Robert. J’avais oublié à quel point c’était dur de porter cette satanée armure. Mais finalement c’est pas le pire. Le problème c’est qu’en rentrant le soir, je passe des heures sur le net à chercher toutes les vidéos que je trouve retraçant la journée à Cannes. J’te vois parfois, alors ça vaut le coup.
- Oh, c’est adorable Bob. Mais tu devrais t’occuper de toi. »
N’obtenant subitement plus de réponse, Jude craignit un instant que la ligne avait été coupée.
« - Rob ?
- Ecoute- moi Judsie, c’est important, reprit enfin l’interpellé d’une voix hésitante. »
Inquiet quant à ce qui allait suivre, l’Anglais se figea, déglutissant avec difficulté. Pourtant, lorsque la voix de son compagnon raisonna une nouvelle fois à son oreille, il sut qu’il n’avait pas à s’en faire. Robert semblait moins sûr de lui que d’ordinaire, pourtant il ne donnait pas l’impression de vouloir reculer.
« - Tu me manques, dit-il. En fait je me sens tellement seul que si je m’écoutais j’aurais déjà demandé à Ruffalo de rentrer avec moi un soir. Mais je suis un adulte, responsable et tout… donc je vais faire avec. Ça, et compter les heures jusqu’à ce que tu reviennes. Je t’aime Judsie. »
Eberlué, Jude s’était redressé et restait figé, immobile au milieu de son lit, à fixer le clair de lune filtrant par les persiennes de la fenêtre en face de lui. Une déclaration pareille dans la bouche de Robert, habituellement si avare de compliments une fois sorti d’un lit, c’était… inattendu, perturbant et sacrément plaisant pour le coup. A cet instant plus que jamais son absence se fit douloureuse.
« - Robert ?
- Hmm ?
- Je ne t’ai jamais aimé autant qu’à cet instant. Et tu n’es même pas là…
- Bébé, un mot de toi et je plaque le tournage pour sauter dans le premier avion. »
Un instant, Jude pesa réellement le pour et le contre de cette proposition avant de décider qu’accepter serait une décision purement égoïste.
« - Je voudrais te dire oui Bob, mais… non. Tu l’as dit, nous sommes responsables, alors faisons ce que nous avons à faire chacun de notre côté. Et ensuite les retrouvailles n’en seront que meilleures. Ça te va ?
- Ben, j’ai pas le choix. Alors oui, faisons comme ça. Mais promets-moi que tu renteras au plus tôt.
- C’est promis, souffla Jude en se rallongeant. J’ai déjà mon billet d’avion. Dernier dîner avec les membres du jury dimanche après la cérémonie de clôture, genre dîner d’adieu, et ensuite je file à l’aéroport.
- Ça me semble bien, confirma Robert.
- Bien. Et maintenant tu files dormir, tu as besoin de te reposer. »
Jude savait les risques qu’il prenait avec ce conseil, Robert avait horreur qu’on le materne ainsi. Mais cette fois, puisque c’était clairement la vérité, l’aîné ne trouva rien à y redire, se contentant d’émettre un vague grognement.
« - Merci pour le coup de fil Robert, reprit l’Anglais. Tu ne peux même pas imaginer comme il m’a fait du bien. Je t’aime.
- Je t’aime aussi bébé. On se voit lundi, ok ?
- Ok. Bonne nuit.
- Bye. »
La mort dans l’âme, Jude raccrocha puis contempla un moment le combiné. L’instant était unique, il en avait conscience. Robert, pour la toute première fois, venait de se mettre à nu. Il était certain que cela contribuerait à changer la donne pour l’avenir de leur relation et il avait hâte d’en découvrir les effets.
Un grand sourire aux lèvres, il se réinstalla confortablement au milieu du lit, enfin serein. Il se laissait enfin glisser vers le sommeil au moment où son réveil sonna.
THE END.