Petit drabble écrit rapidement tandis que j'écoutais en boucle la chanson du même titre d'Avril Lavigne. Ce morceau me mine à chaque fois, alors je vous préviens, ce qui suit n'est pas particulièrement gai (mais rien de méchant non plus par rapport à d'autres choses que j'ai déjà pu écrire
)
POV Robert.
Bonne lecture
ooOoo
Soufflant dans mes mains avec l’espoir de les réchauffer, j’allume finalement une nouvelle cigarette en frissonnant, bataillant un moment avec mon briquet qui se refuse à fonctionner à cause de ce satané vent. Ce même vent qui s’insinue sous mes vêtements, me laissant transi de froid depuis plus d’une heure que je fais le pied de grue ici. Foutu climat londonien.
Il ne viendra pas ! Je crois qu’à poireauter dans le froid depuis aussi longtemps je suis parvenu à l’intégrer. Pourtant je refuse de repartir pour l’instant. Même la perspective d’un bain chaud et d’un lit confortable ne parvient à me motiver. Parce qu’à rester ici, je garde l’illusion, absurde je le sais mais pourtant bien réelle, que notre couple existe encore.
D’ailleurs nous n’avons jamais véritablement rompu, c’est probablement pour cette raison que je n’arrive pas à m’y faire. Sans jamais en parler nous nous sommes simplement vus de moins en moins, ne nous appelant que très occasionnellement pour échanger des banalités. Je n’ai jamais cessé de l’aimer mais peu à peu je suis devenu distant, sans en comprendre la raison finalement. Et de son côté il a agi de la même façon. Peut-être que si nous avions été capables de nous confier parfois sur nos sentiments respectifs aurions-nous pu éviter ce dénouement, mais s’agissant de deux machos comme nous, nous nous étions conduits en parfaits abrutis et c’était cela qui nous avait finalement séparés.
Jusqu’à ce que je réagisse enfin il y a quelques jours. Je ne savais pas si Jude attendait encore quoi que ce soit de moi, pas plus que je ne suis sûr qu’il y ait quoi que ce soit à sauver, mais j’ai envie d’essayer. Après m’être avoué cela, j’ai sauté dans le premier avion pour Londres et envoyé un sms à Jude, lui proposant de nous retrouver ici ce soir. Je n’en ai pas dit plus, je savais que je n’en avais pas besoin. Etant donné ce que représente cet endroit pour nous, je sais qu’il a compris ce que j’attends de cette confrontation.
C’est ici même que nous avons échangé notre premier baiser, et ironiquement il faisait aussi froid que ce soir, la pluie en plus. Il s’agissait de mon premier séjour dans la capitale britannique depuis la fin du tournage de
Sherlock Holmes, Jude m’avait proposé de prendre quelques jours pour venir chez lui. Déjà à cette époque plus attaché à lui que je ne voulais bien me l’avouer, je m’étais évidemment empressé d’accepter l’invitation. Depuis notre rencontre, notre relation était un drôle de mélange d’une amitié indéfectible et d’une attirance réciproque proche de l’obsession. Au programme du séjour, du tourisme bien sûr, mais l’un comme l’autre avions d’autres idées en tête. Le premier après-midi, après un passage sur le Tower Bridge, nous avions échoué dans un Starbucks proche où nous étions restés à bavarder un bon moment. Et en sortant, une averse nous avait surpris. Courant un moment en riant, nous avions fini, de toute façon déjà complètement trempés, par nous arrêter à l’endroit où je suis à présent, dans cette petite rue qui ne paye pas de mine. Nous reprenions lentement notre souffle, nous rapprochant peu à peu l’un de l’autre.
De ce premier baiser échangé alors, je garde le souvenir d’une tendresse, d’une douceur, que par la suite je n’ai plus jamais retrouvées qu’entre ses bras.
Pour parfaire un peu cette plongée dans mes souvenirs douloureux, voilà qu’il se met à pleuvoir. Pour autant je n’ai toujours pas davantage l’intention de m’en aller. Alors je commence à faire les cents pas toujours dans l’espoir de me réchauffer un peu, et celui, plus dérisoire, d’échapper à cette pluie glacée. C’est stupide, je suis en train de me faire du mal et je déteste Jude pour ça. Et je me déteste moi aussi. Quand à cet endroit, jusqu’à ce soir je l’ai aimé, à cet instant pourtant je le hais lui aussi par-dessus tout.
Jetant au loin ma cigarette à moitié fumée mais de toute façon bien trop détrempée pour m’être encore utile, je résiste de justesse à une soudaine envie de hurler. Mais merde, combien de temps encore il va me faire attendre ? Et puis cette putain de nuit qui n’en fini pas ! J’ai tellement mal que j’en suis à espérer crever sur place.
Au lieu de cela, je me contente de sortir mon portable de ma poche pour relire une énième fois le texto que Jude m’a envoyé hier en réponse du mien.
« Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Mieux vaut en rester là. » Bref, incisif, droit au but. Il devait penser je saurais à quoi m’en tenir. Comme il avait tort. L’idiot que je suis continue à espérer…
La pluie s’intensifie davantage, je suis complètement trempé, j’ai froid, mais je reste. Comme si faire demi-tour maintenant signifiait le perdre définitivement. Alors je m’accroche, malgré ma frustration je tiens bon et j’espère. Je le sens près de moi, ultime mirage d’un passé désormais révolu, et je sais que si je pars je perdrais jusqu’à ce petit lien que j’ai encore avec lui.
THE END.