Un grand merci à Glasgow pour la bêta
Disclaimer : Je ne les connais pas et je ne raconte absolument pas la vérité...
Le chevalier triste.Il était une fois dans un royaume où tout allait toujours bien et dans lequel deux arcs-en-ciel à vingt-six couleurs brillaient de jour comme de nuit, un chevalier qui n’arrivait pas à entrer dans son armure, ou plutôt qui y entrait un peu trop bien.
En effet, le chevalier Pete, Comte de Wentz, un pays dans lequel il pleuvait parfois des hommes, ne mesurait qu’un mètre soixante-dix alors que les armures standard étaient conçues pour de vaillants guerriers arborant un bon mètre quatre-vingt-dix.
Pete, désespéré de ne trouver aucune armure à sa taille et donc de ne pouvoir aller combattre aux côtés de ses compagnons de la garde royale, était sous antidépresseurs depuis environ trois ans. Chaque matin il prenait quatre petites pilules colorées sensées le rendre heureux. Malheureusement leurs effets euphorisants n’avaient duré qu’un temps et il était à nouveau déprimé.
Déterminé à changer coûte que coûte sa situation il était allé voir le meilleur marchant d’armures du royaume pour s’en faire faire une sur mesure. Le marchant en le voyant entrer dans sa boutique avait cru que Peter était son nouvel apprenti, et lorsque le jeune Lord lui avait expliqué la véritable raison de sa présence, l’homme s’était moqué de lui et l’avait jeté dehors.
Ensuite Pete, toujours tenace, était allé voir son docteur pour lui demander de lui prescrire des hormones de croissance mais le praticien avait gravement secoué la tête et seulement doublé ses doses de
Jevaisbienouentoutcasj’enail’impression.
Autant dire qu’il ne restait plus cinquante solutions à ce pauvre et triste Pete.
C’est alors qu’en rentrant chez lui, la tête basse et la gorge serrée, il eut une illumination. Si le commerce et la médecine traditionnelle ne pouvaient rien faire pour lui alors il irait trouver ailleurs l’aide dont il avait besoin.
Fort de cette résolution inébranlable il attendit le lendemain matin pour se présenter devant le mage le plus puissant du royaume voisin. Timothy le Magnifique, puisque c’était de lui qu’il s’agissait, avait la réputation d’être aussi beau que puissant. Pas un seul sort ne lui résistait, pas une seule incantation ne lui était inconnue, et surtout pas un seul souhait ne pouvait être exaucé s’il le décidait.
Lorsque Timothy vit Peter arriver sur son blanc destrier il fut séduit par sa coupe de cheveux. Bien plus que le laïus décousu d’environ une heure et demie que le jeune homme lui servit entre deux supplications et quatre remerciements, c’est ce qui le convainquit de lui venir en aide…
Tim lui jeta donc un sort et Pete devint assez grand pour entrer dans son armure.
Ce conte aurait pu s’arrêter là par la mention suivante : Pete et son armure vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Mais elle aurait été inexacte. D’une part parce que les humains et les armures ne peuvent concevoir d’héritiers, d’autre part parce que Pete n’était pas heureux (l’armure, elle, ne peut rien dire donc on ne sait pas si elle se porte bien ou pas… et on s’en fiche complètement).
En prenant des centimètres Peter avait aussi été envahi par les ténèbres cachées derrière les nuages. Et désormais il tenait à se faire appeler Pete le sombre, alias Dark Pete, alias Bad Pete, alias Pete le méchant terrible (ça c’était juste les jours fastes).
Etant devenu un vilain vilain chevalier, Peter prit une décision qui traumatisa le royaume tout entier. Il démissionna de son poste de chevalier de la garde royale, créant ainsi un événement sans précédent. Il venait d’inventer le chômage. Certes un garde chômeur sur deux cents gardes cela ne fait que 0.5% de taux de chômage mais c’est toujours trop dans un royaume où tout va toujours bien.
Les conseillers royaux, totalement affolés par cet électron libre et rebelle, avertirent au plus vite le Roi Shannon. Celui-ci faillit tomber de son trône (au demeurant pas très haut) quand il apprit que son royaume était victime de la crise. Oui oui, la crise. Un chômeur peut vite faire des dégâts dans l’esprit de ses concitoyens et entraîner des effets redoutables et surtout imprévisibles.
Face à ce séisme imminent, le Roi dut se résoudre à ordonner à ses meilleurs chevaliers de pourchasser, capturer et emprisonner Pete. C’est durant la période de sa cavale que Peter acquit ses nombreux alias. En effet il est toujours plus simple de passer inaperçu en changeant de nom…
Les mois passaient et les gardes royaux ne parvenaient toujours pas à mettre la main sur Pete le sombre. Celui-ci, selon la version de la police, vagabondait dans la campagne, détruisait quelques récoltes et égorgeait les poulets croisés sur son chemin. Selon la propre version de Peter, il errait comme une âme en peine en volant de quoi manger pour survivre. En effet il est bien connu qu’un chômeur n’a que peu d’argent et à l’époque les Resto du Cœur n’existaient pas encore.
Après des jours et des jours vint l’hiver. Certes les flocons de neige qui tombaient portaient les mêmes couleurs que les arcs-en-ciel du royaume, mais ils n’en étaient pas moins froids. L’armure de Pete n’ayant pas le chauffage intégré (c’était une armure bas de gamme), ce dernier se les pelait grave et commençait à s’inquiéter sérieusement pour l’intégrité de ses bijoux de famille.
Il décida donc de trouver refuge dans la forêt, espérant pouvoir se loger dans une cabane abandonnée. Là au moins il pourrait allumer un feu et se réchauffer un peu.
Dark Pete s’enfonça donc dans la masse touffue et sombre de la futaie la plus proche. Après deux heures de marche, il découvrit au détour d’un bosquet assez haut une toute petite cahute, de la cheminée de laquelle s’échappait de la fumée. L’air autour de la masure sentait si bon le ragoût d’agneau et le pain fait maison qu’il en eut l’eau à la bouche.
N’écoutant que son estomac le tiraillant méchamment, il ouvrit la porte sans frapper et entra sans y être invité. L’homme qui vivait là eut un sursaut de peur et recula vers le fond de la pièce. Peter, ne voulant pas traumatiser celui à qui il comptait demander asile, leva les mains dans un geste d’apaisement qui eut pour seul effet de faire effroyablement grincer son armure.
Les regards des deux hommes se croisèrent et le propriétaire de la cabane lut dans les yeux de son invité imprévu toute la tristesse du monde. Cela lui brisa le cœur et tout à coup non seulement il n’eut plus peur mais sa seule raison de vivre devint celle-ci : rendre le bonheur à ce pauvre chevalier errant.
S’approchant de Pete le sombre, Tomo (mage des bois de son état) sourit doucement.
- Je serais honoré si vous partagiez mon humble repas noble voyageur, dit-il d’une voix douce tout en lui présentant une chaise. Ma solitude est si grande, je n’ai jamais de visites. Je m’appelle Tomislav. Et vous ?
- Je suis Peter le som… Je m’appelle Pete, finit par balbutier l’ex-chevalier en poussant un soupir de lassitude.
- Laissez-moi vous débarrasser de votre armure, vous serez plus à l’aise pour vous asseoir.
Pete hocha la tête et Tomo, d’un geste de sa baguette magique, lui retira son armure et la remisa en tas dans un coin de la pièce. Aussitôt le jeune homme se sentit beaucoup mieux, comme si un poids lui avait été ôté des épaules, et pas seulement au sens littéral du terme.
- Que… que m’arrive-t-il ?
- Votre armure n’était pas faite pour vous, elle vous empêchait d’être heureux. Est-ce que je me trompe si je vous dis que vous auriez dû en porter une plus petite ?
- No… Non…, bredouilla l’ancien chevalier en s’asseyant lourdement sur la chaise offerte par le mage des bois.
La tête basse il se sentait submergé par l’émotion et la honte de ces mois passés à errer sans but, et sans s’en rendre compte, la prise de conscience de ce qu’il avait fait et vécu lui rendit sa taille réelle, soit un mètre soixante-dix.
- Que vais-je devenir ? murmura-t-il tristement.
- Pour le moment vous allez manger, vous laver et vous reposer. Demain sera un autre jour, je vous présenterai mon ami Jared, il se débrouille comme personne pour trouver quelle est la vraie vocation des gens, le rassura Tomislav de sa voix douce et confiante.
Tout en parlant, le maître de maison avait servi deux grands bols de ragoût et découpé une miche de pain et avait posé le tout sur la table. Il tapota la main de Pete, s’assit lui aussi et lui souhaita un bon appétit.
Et c’est ainsi que Pete se réinséra doucement dans la société, en acceptant sa condition d’homme de taille moyenne et en apprenant à l’utiliser au mieux au lieu d’essayer à toute force de changer quelque chose qui ne peut l’être. C’est grâce à cette nouvelle façon de vivre que le jeune homme retrouva toute sa joie et mit son expérience au service des autres, rendant ainsi au royaume son statut de royaume où tout va toujours bien.
FIN