Bon, autant que je l'avoue tout de suite, j'ai vraiment honte d'avoir écrit cette... hum, chose. Aucune idée de la façon dont ça m'est venu, j'en suis à me demander ce qu'il y avait dans mon thé ce jour-là, mais bon, le résultat est là.
A vous de me dire ce que vous en pensez
Bonne lecture
ooOoo
Assis à même le sol sur le carrelage froid des toilettes, Jude n’avait nul besoin de tendre l’oreille pour entendre ce qui se tramait dans la pièce voisine. Pièce qu’il s’était empressé de quitter quand l’orage qui menaçait depuis un moment avait finalement éclaté pour de bon. A présent il pouvait entendre les allers-retours incessants de Robert de l’autre côté de la porte close, de même que sa voix dure qui aboyait insultes et autres menaces pour le moins explicites au pauvre assistant qui avait eu la mauvaise idée de l’appeler au beau milieu d’une dispute conjugale. Cet intermède arrangerait plutôt Jude, qui en avait profité pour filer se planquer, se faire oublier plus certainement, sans demander son reste.
Ces derniers temps, Robert avait le sang chaud et vivre à ses côtés était plus que jamais héroïque, non pas que ça soit réellement facile en temps normal d’ailleurs. Sa vie partait un peu en vrille et la seule façon qu’il avait de gérer cela c’était en poussant une bonne gueulante à peu près dix fois par jour. Plus d’une fois le ton était dangereusement monté entre lui et Jude, les poussant alors à s’ignorer durant plusieurs heures jusqu’à ce que l’un des deux ne fasse le premier pas vers une réconciliation qu’ils savaient tous les deux précaire. Néanmoins, même s’il était de plus en plus exaspéré par cette situation, Jude n’était pas inquiet pour l’avenir de leur couple. La raison la plus simple étant qu’il n’était pas le seul à faire sortir l’Américain de ses gonds. Agent, assistants, journalistes à l’occasion, et même Susan jusqu’à ce qu’elle décide bien sagement de mettre une distance respectable entre elle et son tout récent ex-mari. Tout le monde était capable de provoquer chez Robert ce genre de réactions sanguines. Et Jude mieux que quiconque était le plus à même de lui pardonner ses écarts parce qu’il savait ce qui se tramait derrière ces sautes d’humeur. D’autant qu’il savait en être en parti responsable.
Lorsque les deux hommes avaient commencé à se fréquenter, ils avaient tout fait pour rester discrets, mais rapidement les rumeurs avaient commencé à courir. Presque immédiatement c’était Robert qui en avait fait les frais. Et une engueulade pour le moins banale avec Guy Ritchie sur le plateau malheureusement devant plusieurs reporters avait définitivement tout accéléré, le cataloguant au passage comme diva capricieuse, et râleur de première par-dessus le marché. A partir de là il ne s’en était pas fallu davantage pour qu’il devienne le méchant dans l’histoire. L’époux infidèle, l’aîné qui profitait d’un collègue naïf – terme au passage que Jude avait eu du mal à digérer, lui rappelant cruellement que pour beaucoup il n’était qu’une belle gueule sans cervelle. La presse à scandale prenait depuis plaisir à pointer du doigt ses travers, n’hésitant pas à inventer des anecdotes parfois bien excessives. Et Robert, plutôt que faire profil bas, en rajoutait dès que l’occasion se présentait en s’en prenant copieusement à tout paparazzi qui croisait sa route.
Las de cette mauvaise presse, les professionnels commençaient à faire la fine bouche et Robert avait récemment perdu deux contrats qui lui tenaient à cœur. Pas de quoi contribuer à lui remonter le moral. Jude pour sa part savait que tout ça n’était que temporaire, mais en attendant que Paris Hilton ne soit une nouvelle fois arrêtée pour conduite en état d’ivresse ou que Brad Pitt et Angelina Jolie ne se décident à se séparer enfin, dirigeant du même coup toute l’attention sur eux, reléguant ainsi Robert au second plan, il tentait au mieux de gérer la situation, même si bien souvent il avait la désagréable sensation de n’être qu’un fardeau aux yeux de son compagnon.
Et tandis que Robert continuait à passer bruyamment ses nerfs sur son interlocuteur, le jeune homme promena un regard vague dans la petite pièce tandis qu’un petit sourire apparaissait peu à peu sur ses lèvres. Pour la toute première fois il se rendait compte que les toilettes, bien que totalement dénués de glamour et de romantisme, avaient décidément une place à part dans cette relation qu’il tentait encore de construire au mieux avec l’Américain.
Aussi original et dénué de classe que cela pouvait l’être, c’était justement dans des toilettes que les deux hommes avaient fait connaissance, détail que personne, à part Ritchie, ne pouvait heureusement soupçonner.
Lorsqu’ils avaient été engagés pour jouer dans
Sherlock Holmes, Guy les avait invités à passer une soirée dans son pub afin qu’ils fassent connaissance. Mais l’avion qui emmenait Robert depuis New York ce soir-là avait eu un peu de retard, forçant les deux autres hommes à commencer dans lui. Après avoir avalé le contenu d’une pinte de bière – qui n’était jamais meilleure qu’en Angleterre – Jude s’était vu contraint d’abandonner un instant son metteur en scène pour aller se soulager. Comme un fait exprès, Robert, venu directement de l’aéroport, était arrivé sur ces entrefaites. Laissant ses bagages aux bons soins de Ritchie, il s’était excusé et avait filé à son tour vers les toilettes. Il n’avait remarqué qu’un peu plus tard que l’homme utilisant l’urinoir près du sien n’était autre que son nouveau collègue. Un peu gênés par l’originalité de la situation, les deux hommes s’étaient rapidement salués, remettant les effusions plus chaleureuses pour leur retour en salle.
L’excentricité de ce premier contact les avait par la suite énormément amusés, à plus forte raison que ces toilettes-ci n’avaient pas été les seuls témoins de l’une de leur première fois.
Quelques mois plus tard, alors que les deux hommes étaient en pleine promotion du film, ils passaient la journée dans la suite d’un palace new yorkais, où se succédaient devant eux à un rythme effréné des journalistes avides de potins et autres révélations croustillantes. Tout à fait le genre de journées que les deux acteurs avaient en horreur, mais se devaient tout de même de mener à bien. Heureusement, chacun pouvait compter sur la présence de l’autre pour parvenir à supporter l’épreuve.
Car Ritchie avait vu juste en les réunissant, ils s’étaient rapidement entendus à merveille au moment du tournage, développant peu à peu une drôle de relation basée sur un jeu de séduction et d’ambiguïté. Ce lien leur avait d’ailleurs par mal facilité le travail lorsque les journées se faisaient trop longues, la pression trop importante. Et c’était une fois de plus ce qui les aidait à tenir en face de tous ces gens de la presse. Et tant pis si ensuite des rumeurs quelconques voyaient le jour du fait de leur comportement.
Le dernier entretien avant une pause amplement mérité s’était plutôt mal passé. Le journaliste, d’une finesse sans égale comme le nota ironiquement Robert par la suite, cita à plusieurs reprises le mariage heureux de l’aîné avant de demander à Jude comment il gérait son énième rupture avec Sienna. L’Anglais, qui dans son esprit n’était là que pour parler du film, avait été totalement pris au dépourvu par la question. Perdant tous ses moyens, d’autant qu’il s’agissait là d’un sujet diablement sensible pour lui, il n’avait dû son salut qu’à Robert, qui avait remis l’importun à sa place d’une remarque acerbe dont lui seul avait le secret. Le journaliste était reparti sans demander son reste, un sourire tout à fait satisfait sur les lèvres, ayant bien l’intention de faire ses choux gras de la réaction de Jude dans son article. Puis avant que Robert ne puisse réagir, son ami avait discrètement filé.
Il n’avait fallu à l’Américain que quelques minutes pour le retrouver dans les toilettes où il s’était réfugié, le cœur gros. Robert l’avait alors apaisé de son mieux, lui assurant que ce type ne savait pas de quoi il parlait. Rien n’était évidemment plus éloigné de la réalité, mais cela fit tout de même du bien à Jude. Il s’était alors blotti contre lui, l’avait embrassé, ce qu’ils avaient déjà fait à l’une ou l’autre occasion. La suite en revanche avait été nettement plus originale pour eux, et bien vite ils s’étaient retrouvés à moitiés nus, à faire l’amour avec une brutalité qui allait clairement à l’encontre de la tendresse des sentiments qui les unissaient depuis le début.
Le dernier épisode, et non des moindres, s’était déroulé près de six mois plus tôt. Au retour d’une soirée particulièrement bien arrosée, Jude s’était retrouvé à genoux devant la cuvette de ces mêmes toilettes, à rendre tripes et boyaux, et, bien qu’il n’ait nul besoin de quelqu’un pour lui tenir les cheveux, Robert était resté tout du long près de lui. Assis à ses côtés, une main tendre dans son dos, à lui murmurer des paroles de réconfort. Malgré son état et son cerveau encore embrumé, Jude avait alors pleinement pris conscience à cet instant-là combien son compagnon tenait à lui. Il avait alors vécu la plus belle gueule de bois de sa vie, rien de moins.
C’était à présent dans ces mêmes toilettes qu’il réalisait toute l’importance de cette relation qu’ils étaient peu à peu parvenus à construire malgré les obstacles. Et si c’était justement ce genre d’endroits qui avaient résumé les grandes étapes de leur vie à deux, eh bien soit, rien dans leur vie n’était de toute façon conventionnel.
Tout à ses pensées, il ne remarqua que le silence régnait à nouveau que lorsque trois petits coups timides furent frappés à la porte. Heureux de voir que la tempête était passée pour cette fois, il se leva d’un bond souple et ouvrit le battant pour se retrouver face à un Robert apparemment bien penaud. Le repoussant légèrement à l’intérieur, ce dernier se blottit tout contre lui.
« - C’est un enfer Judsie, gémit-il. Heureusement que toi tu es là. Tu es le seul truc qui tourne rond dans ma vie en ce moment. »
Tandis qu’un grand sourire illuminait son visage, le cadet glissa sa main dans les cheveux ébouriffés de son homme. Et dire qu’un peu plus tôt il avait craint d’être un poids pour lui… Décidément, cette magie pour le moins douteuse des toilettes opérait toujours.
THE END.