Me revoici pour une autre fic Dwight/Dirk, le genre d'écrit qui me réchauffe un peu quand je ne sais pas trop quoi faire.
J'espère que MAPI et Glasgow apprécieront.
♣♣♣♣♣Pop ! Le bruit d’un bouchon qui sauta et quatre hommes qui firent contre mauvaise fortune bon cœur en ingurgitant le mousseux tiède et trop sucré. L’ambiance était néanmoins bon enfant : les tensions, les conflits avaient pu s’exprimer à leur aise durant cinq ans. En ce jour, tous avaient la décence de se tenir à carreau et de rester courtois.
- A nous… Aux cinq saisons de cette foutue aventure… Et à notre avenir, à chacun !
George était celui qui reprenait ses souhaits, la voix entachée de cet infâme accent du Michigan qu’il gommait à l’écran. T, d’ordinaire hostile, inclina la tête pour signifier qu’il en pensait autant. Un miracle, estima Dirk, en se souvenant des huit longs mois où les deux hommes étaient parvenus à ne jamais s’adresser la parole. Il sourit et fit tinter son verre contre celui de son voisin de droite, affalé contre l’une des étagères de cette caravane du plateau. Les yeux autrefois bien lumineux de Dwight semblaient éteints, ternes. Un tic agitait régulièrement sa joue et, Dirk l’aurait juré à l’époque, il était prêt à fondre en larmes à chaque anecdote amusante, à chaque pan d’histoire qui se détachait un peu plus pour appartenir bientôt au passé.
T abandonna vite son verre de mousseux tiède pour un carton de jus d’orange, considérant d’un œil condescendant la facilité avec laquelle George termina, en deux gorgées, sa boisson. Soucieux, Dirk passa un bras autour des maigres épaules de son loufoque compagnon déguisé en simple camarade et collègue. Dwight, complètement perdu, s’écrase volontiers contre ce corps qui se fait violence pour paraître rassurant. Dans le fond, Benedict craint autant pour l’avenir que son ami ne le fait. Aucun ne peut vraiment savoir de quoi demain sera fait : projets, vies personnelles, mariages au pluriel, divorces au pluriel aussi, enfants peut-être. La lèvre tremblante, Dwight profite de la conversation forcée qui s’installe entre T et George pour s’adresser à son partenaire :
- Tu restes avec moi, ce soir ?
Bien sûr. Qu’aurait-il pu faire d’autre dans un jour pareil ? Se balader dans l’une ou l’autre ville, ou ne rien faire et rejoindre l’hôtel, se perdre sous les draps, pleurer tout leur soûl ou regarder un film, s’enlacer, grignoter des chocolats et prétendre que rien ne changeait vraiment.
Cette série avait un petit goût d’éternité : cinq ans durant, revoir les mêmes visages, les mêmes plateaux et passer sous les mains magiciennes des mêmes maquilleuses. Des rituels, du petit matin aux heures de midi, des verres partagés entre amis, des disputes et des moments de doute. Cette incroyable aventure palpitait de ses derniers battements. Dans quelques minutes, lorsque les quatre hommes sortiraient de cette caravane, il s’arrêterait pour de bon.
Tous s’étaient entendus : rien ne servait de prolonger les adieux et d’entretenir la souffrance. S’accolant virilement, se serrant les mains avec vigueur, ils se sourirent et enfilèrent leur écharpe, relevèrent leur col et reprirent chacun un chemin différent. Ou presque.
Des doigts s’emmêlèrent, se raccrochant désespérément. Levant un peu les yeux, Dirk croisa le regard de son acolyte : omettant la nostalgie, il surprit la question impossible à formuler mais qui serrait le cœur de son compagnon. Vérifiant les alentours, il attira Dwight contre lui et l’embrassa, les mains saisissant le visage pour l’approcher du sien :
- On reste à deux coûte que coûte.
- Vrai ?
Malgré les dix centimètres qui lui faisait défaut, ce sourire ravissant qui, étrangement, nuisait à sa crédibilité, Dirk acquiesça, sûr de lui : aujourd’hui, il prendrait son rôle d’aîné à cœur. Prévoyant mil et un plans pour conforter son cadet dans l’idée que rien ne changerait vraiment – pas entre eux, du moins --, il lui prit le bras et le tira vers le parking où l’attendait sa voiture de sport flambant neuve.
- Et si on profitait un peu du temps qu’il nous reste ?
♣♣♣♣♣Une lasagne végétarienne, deux verres de vin sublime, de longues œillades et le sentiment de revenir quelques années plus tôt, lors de leur premier réel rendez-vous galant. Les ingrédients du début de soirée ravirent déjà Dwight. Les yeux de ce-dernier paraissaient moins ternes, plus vifs : il riait gaiement aux blagues de Dirk, en racontait de nouvelles et, au final, ils pouvaient estimer qu’ils partageaient un agréable moment.
Ce restaurant ne fût cependant pas à la hauteur de ce qui suivit : regagnant l’hôtel, Dirk attendit devant la porte de son compagnon que celui-ci ne l’invite à rentrer. La proposition ne tarda guère et, traînant son ami à travers la chambre, Dwight s’écroula avec lui sur le matelas, l’enlaçant de ses bras et rampant pour acquérir une place confortable, collé l’un à l’autre, entourés d’une montagne de coussins. Dans les roulades et les baisers, l’un d’entre eux roula sur la télécommande. S’abandonnant à comprendre la trame de ce film inconnu, Dwight sentit les mains crispées de son ami sur ses vêtements, la poigne un peu hésitante. Il lui adressa un long regard compréhensif : ils craignaient l’un comme l’autre pour l’avenir de leur relation.
Un index se posa immédiatement sur ses lèvres, Dirk le regardait, les yeux brillants :
- Nous verrons. Et si on redevenait un peu insouciants, l’espace d’une soirée ?
Ce projet fut unanimement accepté. Entre sachets de friandises éventrés, sodas et longs câlins, Dirk retrouva un peu ce qui l’avait autrefois charmé chez son comparse : son attitude détendue, la facilité avec laquelle il lui tirait des sourires, le faisait rire aux larmes ou cette envie qu’il transmettait toujours, celle de passer ses bras autour du frêle torse pour le protéger, pour sentir cette sensation qu’il en retirait toujours : celle d’être utile, nécessaire à quelqu’un. Dwight était loin du maigrelet qu’on s’attendait à découvrir derrière les T-shirts colorés ou les vestes cintrées : embrassant les muscles secs des bras, mordillant les biceps, Dirk remua légèrement le bassin, frottant l’une contre l’autre les étoffes tendues. Avec ce sourire mutin, celui qui lui collait à la peau, il baissa les yeux et souffla, les lèvres humides contre l’oreille de son partenaire :
- Dwight, j’ai besoin de toi.
Besoin parce que ce sentiment était au-delà de l’envie. C’était une pulsion, une émotion qu’ils ne retrouvaient que lorsqu’ils se collaient, bouches entrouvertes et regards fiévreux. Fraîchement unis, Dwight se suréleva sur ses coudes, admirant un instant les traits crispés de son acolyte. Caressant la joue, comme toujours, il attendit que Dirk ne se détende, ne soit prêt à l’accueillir complètement. Les mèches collées au front, les mâchoires contractées, le sourire encourageant, Dirk bascula la tête en arrière. Ebloui par ce spectacle, Dwight lui glissa un premier compliment, profitant de ce moment de parfait raccord entre eux :
- J’ai jamais rien vu d’aussi beau que toi, tu sais ça ?
♣♣♣♣♣Essoufflés, serrés l’un contre l’autre, les deux hommes s’embrassèrent avant de se glisser sous les draps. Croquant dans l’un des carrés de chocolat que lui tendait son ami, Dirk jeta un coup d’œil au réveil : pourquoi les chiffres défilaient-ils aussi vite ? Riant nerveusement lorsque deux mains vinrent le chatouiller au niveau des côtés, le tirant de ses pensées nostalgiques, il se sentit stoppé net par la question de Dwight :
- Est-ce que tu souhaites continuer ? Comme maintenant ? Avec… nos épouses, les rendez-vous en cachette.
- Ce sera pire, mon grand. Les projets à des endroits différents, les horaires-
- Est-ce que tu en as envie ?
Les yeux assombris témoignaient de la réponse de l’auteur de cette dernière réplique : oui, il ne voulait que ça. Peu importe qu’ils soient malheureux, se bercent d’illusions ou abandonnent le navire dans une semaine, six mois, deux ans. Peu importe.
- Evidemment. Mais est-ce que-
Un doigt barra ses lèvres, l’empêchant de formuler une unième inquiétude. L’heure n’était pas aux complications, aux doutes ou au chagrin. Non, tout ça viendrait bien à temps.
Le lendemain matin, les coquilles se fendillèrent à l’heure de se défaire : enfermés dans un cocon, ils se sentirent soudainement bien angoissés devant cet avenir incertain, la distance meurtrière pour ceux qui s’aiment et les aléas de la vie.
Après deux tickets, une dernière embrassade, un train et un sourire sur les lèvres, ils reprirent une route différente en se promettant avec l’énergie du désespoir qu’il ne tarderait pas à se revoir. Mais tiendraient-ils seulement cette promesse ?
♣♣♣♣♣Trois enfants, un divorce, des projets, des catastrophes, des réussites et des centaines de semaines plus tard…♣♣♣♣♣- Deux tickets s’il-vous-plait.
Amusé de la situation dans laquelle ils se retrouvaient, Dwight attendit patiemment que son ami revienne avec deux sésames pour la projection d’un des derniers films Hollywoodiens dans cette vieille salle miteuse de Brooklyn. Filant dans les couloirs, dénichant un sachet de pop corn et deux boissons, ils s’installèrent dans les sièges étroits de la pièce venteuse et presque vide.
- Refuser les invitations d’une première pour se retrouver … ici, c’est vraiment un plan à la Benedict, ironisa Dwight en étudiant les deux autres membres du public : une vieille dame et un garçon d’une dizaine d’année.
Un baiser lui cloua le bec aussitôt. Plongeant la main dans les friandises, Dirk fronça les yeux :
- Ici, j’peux t’embrasser à mon aise, vieux loup.
- J’suis bien d’accord. Recommence pour voir !
Les lèvres frôlèrent les siennes avant de se détourner, le regard pétillant d’excitation devant les premières images du film.
- Tu l’aurais cru, toi, vingt-cinq ans plus tard de-
- Quoi, l’adaptation ou nous ?
- Les deux, conclut Benedict, un brin de nostalgie dans la voix. J’crois que-
- Allez, tais-toi, ça commence, l’interrompit Dwight, prêt à retomber à retrouver des souvenirs abandonnés deux décennies plus tôt.
Lorsque le générique bien connu débuta, deux mains se serrèrent, les visages émotifs. Si on ne pouvait pas parler de retrouvailles – ils ne s’étaient jamais vraiment quittés --, ce film remuerait certainement de nombreuses anciennes anecdotes au cours du week-end qu’ils s’apprêtaient à passer en tête à tête.
Riant aux éclats, se retournant avec émotion l’un vers l’autre, encensant ou critiquant certains détails, ils se réveillèrent, deux heures durant, plus jeune qu’ils ne l’étaient en entrant. Lorsque les dernières images défilèrent, Dirk se pencha et cueillit les lèvres de son compagnon, calculant parfaitement l’instant où ce laïus qu’ils connaissaient par cœur résonna dans la salle :
«
Accusés d'un crime qu'ils n'ont pas commis, n'ayant aucun moyen d'en faire la preuve, ils fuient sans cesse devant leurs poursuivants. Aujourd'hui encore, moyennant quelques subsides, ils apportent leur aide. Si vous avez un problème, si vous êtes seuls, si la justice ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l'Agence tous risques. »
FIN.