Petit OS dont l'idée m'est venue au beau milieu de la nuit, un bon moyen pour moi finalement de patienter jusqu'à la prochaine fic de Kami
C'est pas joyeux joyeux, mais généralement c'est toujours ainsi de mes créations nocturnes. A croire que les insomnies ne me réussissent pas
Bonne lecture
ooOoo
"Connerie !" Voilà le terme qui tournait en boucle dans l’esprit de Robert concernant tous les évènements de cette soirée. Ce dîner était une connerie. Faire semblant que tout allait bien, sourire bêtement alors qu’il avait plutôt envie de hurler, tout cela lui était insupportable. Sa rupture avec Jude avait été une belle connerie. Et tenter de préserver l’amitié qu’il y avait eu entre eux à l’origine était pire encore. Mais à présent, alors qu’il était assis à table aux côtés de Susan et en face de Jude, à tenter de noyer son amertume dans le vin, il réalisait que sa plus grosse erreur avait été à la base d’entamer une relation avec l’Anglais. La complicité qui les avait unis dès leur rencontre aurait dû leur suffire et leur aurait de fait évité pas mal de souffrance. Mais Robert n’avait jamais été particulièrement réfléchi dans ses relations avec autrui. Et puis il estimait avoir des excuses. Jude était un homme séduisant, au top de sa forme… Devenir son amant avait eu un côté grisant. Et par-dessus tout terriblement excitant. Robert gardait avec nostalgie le souvenir d’étreintes intenses, passionnées, presque sauvages, tant ils étaient fous l’un de l’autre. Mais cette attirance physique n’avait été que l’un des aspects de leur relation. Ils étaient si complémentaires sur tous les plans qu’il ne leur en avait pas fallu plus pour se considérer comme de véritables compagnons de route.
Robert n’était pas sûr du moment où ce tableau idyllique avait commencé à s’effriter, mais cela avait rapidement pris des proportions dramatiques. Parce que mentir à leurs compagnes respectives était devenu moins facile. Parce que se cacher à chaque instant était devenu pesant. Alors le simple fait de passer du temps ensemble avait perdu de son attrait. Même les conversations téléphoniques, à passer leur temps à regarder derrière eux pour s’assurer que personne ne les écoutait, étaient devenues contraignantes. Alors ils s’étaient conduits en adultes, probablement pour la première fois depuis le début de leur relation, et avaient fait la seule chose qu’il leur restait à faire. Une chambre d’hôtel, une conversation aussi sérieuse que déprimante, un dernier corps-à-corps empreint d’amertume, et finalement une rupture assumée tant d’un côté que de l’autre.
Un mois déjà. Un mois à sursauter dès que son téléphone sonnait. Un mois à tenter de trouver des excuses pour refuser le dîner à quatre que Susan tenait à organiser. Un mois à tenter de faire semblant que tout allait bien, alors qu’à chaque fois qu’il tombait sur une photo de Jude dans la presse ou sur le spot publicitaire Dior à la télévision, son cœur saignait. Et le summum de l’enfer était évidemment pour ce soir. Parce que Susan était coriace. Et après quatre semaines de forcing elle était finalement parvenue à obtenir gain de cause.
Tandis qu’elle bavardait gaiement avec Sienna, Robert osa un bref coup d’œil vers Jude, qui ne semblait guère en meilleur forme que lui. Et pourtant, lorsqu’il l’avait appelé pour relayer l’invitation de sa femme, l’Anglais s’était montré plutôt enthousiaste. Après tout, ce genre de soirées allait dans le sens de leur volonté de sauver au moins leur amitié. Mais à présent qu’il était devant le fait accompli, il semblait plus proche de l’état d’esprit de Robert. Egoïstement cela rassurait celui-ci, au moins n’était-il pas le seul à être affecté.
Ignorantes de ce qui leur passait par la tête, Sienna et Susan partirent dans un fou-rire suite à une remarque de l’aînée, puis se tournèrent chacune vers leur conjoint, perdant du même coup une partie de leur enthousiasme.
« - Oh, allez les gars ! lança Sienna. On passe une bonne soirée, non ? C’est quoi ces têtes d’enterrement. »
La jeune femme n’essuya qu’un haussement d’épaules de la part de son compagnon tandis que Robert lui n’esquissait pas le moindre geste.
« - Ça fait un moment que Rob est comme ça, renchérit Susan, posant néanmoins un regard inquiet sur son époux. Mais j’ai beau faire, il s’évertue à me dire que tout va bien.
- Mais tout va bien, confirma l’Américain avec un sourire aussi peu à sa place que triste.
- Vous voulez qu’on vous laisse entre vous ? proposa Sienna avec compréhension. Peut-être qu’en parlant tous les deux… »
Tandis que les deux hommes échangeaient un regard paniqué, aussi peu enclin l’un que l’autre à se retrouver seuls, Susan avait quitté sa chaise d’un bond souple.
« - Bonne idée. Sienna et moi allons préparer du café. Et je suis sûre que nous trouverons un ou deux potins à échanger loin des oreilles indiscrètes. »
Robert lui lança un regard suppliant, mais en retour elle se contenta de serrer brièvement sa main dans la sienne en lui souriant tendrement. Elle n’avait bien évidemment pas compris qu’elle était justement en train de faire ce qu’il ne fallait pas. Mais comment aurait-elle pu comprendre ? Après tout il n’avait pas cessé depuis sa rencontre avec lui de dire à qui voulait l’entendre qu’il considérait Jude comme un véritable confident. L’attitude présente de Susan dans ces conditions ne pouvait être différente.
Désormais seuls, les deux hommes échangèrent un regard gêné, puis Robert avala d’un trait son reste de vin avant de jouer distraitement avec le verre vide.
« - Je n’aurais pas dû venir, dit Jude après quelques minutes d’un silence pesant.
- Je confirme. En même temps, jamais je n’aurais dû t’appeler. J’aurais dû mieux tenir tête à Susan.
- Je suis content que tu m’aies appelé, avoua Jude d’une voix douce. Ça m’avait manqué de ne plus pouvoir entendre ta voix. »
Levant la tête, Robert lui adressa un bref sourire avant de reporter toute son attention sur son verre.
« - Ça m’avait manqué à moi aussi. Mais il faut se rendre à l’évidence, ça ne sera plus comme avant, quoi qu’on fasse. Mener une vie normale aussi tôt après ce que nous avons partagé… C’était stupide de croire qu’on y parviendrait. »
Jude hocha tristement la tête, découvrant de même coup qu’ils étaient deux à partager cet avis.
« - Tu veux qu’on en parle ? tenta-t-il malgré tout.
- Non. Y a rien à dire, constata Robert. On a fait ce qu’il fallait. »
Il planta un regard brûlant dans celui de Jude pour livrer la suite. Il n’avait jamais été un grand optimiste, pourtant il tenait plus que tout à cette petite touche d’espoir, la seule probablement qui l’empêchait de sombrer définitivement.
« - Et puis qui sait ? Peut-être que ça s’arrangera avec le temps, dit-il avec un petit sourire. »
Ou peut-être pas, ne put-il s’empêcher de penser en même temps. Cela ils ne pouvaient le savoir, seul l’avenir le leur dirait. Une seule chose était sûre pour Robert, si aujourd’hui il souffrait et demain semblait bien incertain, pour rien au monde il ne changerait ce qu’ils avaient vécu, ni n’échangerait les souvenirs de leurs moments à deux, seuls vestiges désormais de leur amour.
THE END.