Me revoici, entre deux chapitres d'histoires et deux leçons à boucler, pour un minuscule OS. J'avais envie d'écrire un petit quelque chose sur l'ancien et le nouveau casting du film de l'Agence tous risques. Voici le résultat !
J'ai eu le véritable déclic en regardant une interview de Dirk Benedict et Dwight Schultz sur la VRT, une chaine Belge, où ils assuraient qu'ils "était plus proches que jamais" et que rien ne pouvait les empêcher de prendre des nouvelles les uns des autres.
[Et que Dirk patrouille pour trouver sa résidence en Belgique, où son fils joue au foot. Gniiih. ]Puis, pour accompagner ces deux énergumènes, quoi de mieux que leur alter-ego 2010 ?
Bonne lecture à tous !
(La citation qui sert de "trame" à la fic est de Christian Bobin : «Une chose prend fin, une autre chose commence et c'est la même qui continue, autrement.»
Je l'ai propablement déjà utilisé dans une trentaine de mes fics. Mais elle est si belle !
)
ⱷⱷⱷⱷⱷA cette d’heure d’euphorie, la cantine du plateau semblait être un véritable havre de paix. Dans un silence religieux, Dirk chipotait le contenu douteux de son assiette, remerciant son régime de le prévenir d’une bouchée de plus de cette mixture étrange et orangée. Fatigué de cette journée de tournage, il se frotta les yeux. Il n’aspirait qu’à une et une seule chose : sa chambre d’hôtel, un long bain et un des films loués à la réception. Fugace, un parfum familier le fit sourire : bientôt, deux bras familiers se glissèrent autour de ses épaule, l’étreignirent un trop court instant. La voix posée qu’il aimait tant se déversa dans son oreille, lui envoyant des décharges de souvenirs aussi sucrés que le gâteau qui encombrait les mains de ce nouveau venu :
- Dirk ! Tu me manquais, vieux loup.
Benedict ne répondit rien. Son simple sourire résuma ce qu’une heure de conversation ne pouvait exprimer : sa joie de retrouver son vieil acolyte, Dwight, à quelques centimètres seulement. Les nouvelles technologies leur permettaient de garder le contact, mais aucun appel ou message électronique ne valait quelques secondes d’accolades discrètes. Assis face à face, Dwight promena sa main sur le bois usé de la table, pianotant pour effleurer, furtivement, la main de son ami :
- Que penserais-tu de délaisser ton repas pour une petite promenade ? Il me reste une petite heure avant nos prochaines prises. Comme au bon vieux temps.
Acquiesçant, il se releva avec impatience, plongeant un instant ses yeux dans les prunelles noisettes qui brillaient derrière la paire de lunettes : la nostalgie les grignotait toujours. Ce sentiment était l’excuse la plus plausible pour cette amitié ambigüe, cette complicité qui ne s’éteignait pas. Traversant le plateau, dissuadant les curieux de poser la moindre question ou de quémander quelques anecdotes, ils s’échangèrent quelques nouvelles. Les garçons allaient bien, résuma Dirk. Tout va pour le mieux à la maison, lui assura Dwight, précisant que sa fille unique venait de décrocher son diplôme.
Au détour de deux murs de carton, érigé pour compartimenter le plateau, les deux bouches se trouvèrent finalement, timides et gênées. Comme au premier jour. Ils se séparèrent rapidement, toujours tiraillé par cette sensation d’être observé, pris au piège. Les lèvres de Benedict frôlèrent néanmoins la joue mal-rasée tandis que les doigts de son ami s’entortillèrent dans les épais cheveux.
- Tu ne vieillis pas.
- Et toi, tu vieillis comme le plus parfait des vins de ma cave ! Lui assura Dirk, éclatant de rire devant la brusque timidité de son cadet. Alors, heureux de retrouver nos joyeuses aventures ?
- Ce sont celles d’autres lurons, maintenant. Ils sont sympathiques. J’aime le nouveau Looping ! Il est… fou. Peut-être plus que moi !
- C’est possible, ça ?
Redevenant brusquement silencieux, la main de Dwight s’égara dans le col de son comparse, examinant la chaîne qui pendait à son cou, reconnaissable entre mil :
- Mon cadeau te plait toujours autant ?
- Tout ce que tu me donnes me plait, répondit Dirk, d’humeur taquine, en rangeant le précieux bijou. Dwight… Cela ne te fait pas mal ?
L’homme visé s’attendait clairement à une question pareille ; il s’était lui-même demandé si sa participation était une bonne idée. Au terme de longues conversations avec sa propre personne et quelques fantômes, il avait tranché.
- Nous ne tirerons jamais un trait, tu le sais bien ! On… passe la main tout au plus.
- T n’a pas cru bon de venir, répliqua amèrement Benedict.
- Nous avions plus de chance de revoir George, je pense, osa Dwight en contournant le mauvais goût d’un ton affectueux. Il aurait aimé cette équipe, tu penses ?
- Je ne sais pas. Il aurait trouvé à redire sur tout, ça, j’en suis certain ! Et il aurait eu raison… C’était le meilleur. C’est le meilleur.
- Il te manque, n’est-ce pas ?
Dirk baissa les yeux, troublé d’être si facilement percé à jour :
- Comme tout ce que nous étions ou faisions à l’époque ! Il- Tu te rends compte, seize ans déjà ?
- Il ne s’ennuie certainement pas là où il est, répliqua sobrement Dwight en s’abaissant, captant le regard lointain de son acolyte. C’est ainsi que la vie va, mon cher. Et le plus beau, c’est qu’on ne peut rien y faire. Une chose prend fin, une autre commence… Et c’est la même qui continue, autrement !
Se rencontrant pour un deuxième baiser, ils se perdirent en souvenirs, en flashs percutants de fou-rires ou de tristesses partagées à plusieurs, sur un tournage qui était devenu un foyer, aux côtés de personnes qui se comportaient comme une famille. Une entreprise à l’ancienne, déclarait souvent pompeusement Dirk en rejetant ces nouvelles rivalités Hollywoodiennes.
Un bruit les interrompit hâtivement : sursautant, ils reculèrent à un bon mètre l’un de l’autre. Surprenant deux silhouettes, ils observèrent la soudaine animation et le curieux cirque qui se tramait près d’autres décors, dans des soupirs et des éclats de rires à peine dissimulés. Plus grand d’une tête, Dwight serra son acolyte dans ses bras, conscient d’être à l’abri de regards indiscrets.
Près de quelques chaises et divers fournitures, celui qu’il identifia comme Bradley Cooper, le nouvel éphèbe de la bande, glissait ses mains sous le vêtement du petit comique de la troupe, Sharlto Copley, digne héritier de la lignée Looping. Amusés, les deux jeunes hommes se collaient, s’embrassant voracement et oubliant le monde qui grouillait et tournait autour d’eux.
Le cœur chargé de tendresse, il resserra son étreinte : enserrant le torse impeccable de son ami, il posa son menton sur son épaule. Se positionnant pile à la bonne hauteur, il souffla quelques mots à l’oreille :
- Ils ne te rappellent personne ?
Dirk sourit. Evidemment, ces scènes lui étaient familières ! Oh que les pauses entre chaque prise et la clandestinité donnaient un piquant inestimables aux caresses entre deux amants, fraîchement découverts et se découvrant franchement. Les baisers volés dans les loges, les regards langoureux durant ces scènes où ils devenaient impossible de ne pas rire, s’attirant les foudres du réalisateur et des partenaires à l’écran. Ceci datait bel et bien mais ces visions lui semblait tellement vivaces. Vingt-cinq ans avaient filés en une seconde, les laissant pantelants et hagards : la vie ne s’écoulait jamais aussi vite que lorsqu’ils s’y plaisaient ou s’amusaient. La vie était courte, la vie était belle. Et cette vitesse lui donnait une saveur exceptionnelle.
Se reculant doucement vers le plateau, ils abandonnèrent les deux amants : Cooper dégustait chaque parcelle de peau nue avec avidité ; les mains de Sharlto dessinaient les contours des muscles avec une netteté étonnante : ces deux là n’étaient pas à leur première fois. La rage avec laquelle ils se mesuraient faisait chaud au cœur ; englués l’un contre l’autre, il menait un bal où les soucis, la complexité de l’existence et les tracas quotidiens n’avaient pas leur place. Ils étaient entre deux mondes, inconscients des deux regards aînés qui s’en amusaient.
Reprenant cette promenade trop courte, la main de Dwight trouva celle de son ami à plusieurs reprises, prenant leur folie respective comme une excuse à cette preuve d’affection. Perdus entre deux scènes, invités à se séparer pour satisfaire leurs prises respectives, Dirk se précipita sur son acolyte une dernière fois, se hissant pour lui murmurer son ultime requête :
- Ce soir, ma chambre ? Tu ne rentres pas avant demain soir, n’est-ce pas ?
- Mon vieux, je te préviens, je n’ai plus la forme de mes trente ans !
Benedict sourit : son partenaire l’amusait par ces allusions à la fois perverses et contenues. Lui assurant que cela ne poserait aucun problème, il lui décrivit son projet de soirée idyllique avec un demi-sourire :
- Un Bordeaux, une assiette de fruits … Un film. Diamants sur canapés, peut-être ? Ces deux rigolos ont peut-être la moitié de notre âge et la passion, mais… On a la tendresse à notre âge, non ? J’ai juste envie de tes bras, de t’entendre. De dormir avec toi.
- Je signe tout de suite, M. Benedict, murmura, transporté, Dwight en rêvassant à cette charmante proposition. A tout à l’heure. Fais attention à toi.
S’écroulant, seul, dans l’une des chaises placées à son intention, Dirk fouilla l’une de ses poches. Son ancienne vision d’une soirée pénible et solitaire s’était muée en joyeuse perspective. Allumant son cigare, il inspira profondément le parfum du Cubain avant de le recracher en une longue bouffée grisâtre. Fermant les yeux, il crû entendre l’espace d’un instant l’accent du Michigan, les sarcasmes et la voix enrouée par le tabac de George. Plus loin, Mister T se plaignait du froid qui régnait sur le plateau. Les températures étaient si basses que Dwight déposa une couverture sur ses épaules, veillant à ce que le divin Futé ne vire au bleu glacial. Il sourit et rouvrit les yeux : autour de lui, il n’y avait personne.
Personne, sauf Bradley, essoufflé et légèrement débraillé, se débattant contre le zèle de la maquilleuse. Passant derrière lui, Dirk eut un sourire amusé, lui assénant une remarque équivoque :
- Vous approfondissiez votre jeu ? Je vous cherchais.
- Mon jeu ? Heu… Oui ! Oui, si on veut. Mon jeu. Excusez-moi.
- Ce n’est rien, petit ! Répliqua Benedict, perçant la soudaine gêne du jeune homme, sa crainte d’être démasqué, cette pulsion et l’adrénaline qui devait courir dans ses veines, la bouche sèche, les mains froides et les joues brûlantes.
Il ressentait tout ça. Mieux que personne. Peu importe le temps et la vie qui braillait ou qui filait sous ses yeux ; les mots de Dwight lui revinrent en mémoire : une histoire s’achevait, une autre débutait. Et c’était, au fond, la même qui continuait. Autrement.
ⱷⱷⱷⱷⱷJe cherchais à faire quelque chose de doux, de tendre et de nostalgique. J'espère que j'ai réussi...