Bon, j'ai très honte de vous livrer une suite aussi courte, mais c'est tout ce que je suis arrivée à produire... Chapitre 17Johnny ralluma sa lampe de chevet. Pourquoi s’obstiner ? Il était clair que tant qu’il n’aurait pas soulagé son cœur, il ne trouverait pas le sommeil. Même avec une boîte complète d’Ambien. Et les mémoires de Bill Clinton.
Il fallait qu’il prenne son courage à deux mains… et qu’il appelle Evan.
Là. Tout de suite.
Et qu’il lui dise enfin ce qui lui brûlait les lèvres, et le corps tout entier, depuis l’instant où Evan l’avait embrassé à l’aéroport.
Que… enfin que…
Qu’il l’aimait, quoi.
Qu’il était raide dingue de son tannage, de sa bedaine naissante et sa raie au milieu de la tête.
Qu’il irait au bout du monde, qu’il se ferait teindre en blonde s’il lui demandait… tout ça, tout ça, comme dans les vieilles chansons françaises que sa tante écoutait la main sur le cœur…
Ping, Pong et le nounours Chanel approuveraient, s’ils pouvaient parler.
Sans trop réfléchir, Johnny composa le numéro d’Evan. C’était grâce à Tara qu'il l’avait obtenu. Car avant de se quitter, Evan et lui n’avaient même pas échangé leurs numéros de téléphone.
Ils faisaient décidément tout de travers.
À la dixième sonnerie, Johnny commença à s’impatienter. Mais qu’est-ce qu’Evan attendait pour lui répondre ? Il le boudait, ou quoi ?
Une idée traversa l’esprit de Johnny. Quelle heure était-il déjà ? Ah ouais, quand même…
« J’te dérange pas ? tremblota Johnny quand il entendit qu’on décrochait.
– Grurmouf », grogna à l’autre bout du fil une créature mal identifiée.
Evan avait bondi de son lit et couru comme un dératé pour décrocher.
Et maintenant, en caleçon hawaïen au milieu de son salon, il grelottait. Il n’aurait pas dû baisser le chauffage avant d’aller se coucher.
« C’est moi », précisa Johnny d’une voix de garçonnet timide.
Il entendit qu’on se raclait la gorge.
« J’t’ai reconnu, ‘spèce andouille. Tu sais qu’il est quatre heure du mat’ ? »
Evan tentait d’enfiler un gilet sans lâcher le combiné.
« Je suis désolé…, s’excusa platement Johnny. Mais… il fallait que je te parle.
– Et ça pouvait pas attendre demain ?
– J’ai déjà trop tardé, soupira Johnny. Et puis maintenant que t’es réveillé…
– Très bien…, grommela Evan, qui s’était laissé tomber sur son canapé. Je t’écoute.
– Voilà, en fait, je… je… je… je voulais te dire…
– Si tu pouvais me le dire plus vite, ça m’arrangerait. »
Mais Johnny butait obstinément sur la suite. Ça ne voulait pas sortir. Il n’avait pas l’habitude de prononcer ce mot :
« Merci », finit-il par expirer.
Il sentit le mot "merci" lui écorcher les lèvres. La reconnaissance, décidément, ce n’était pas son truc.
« Ah, répondit Evan, narquois. Et c’est pour me sortir ça que tu me réveilles en pleine nuit ?
– J’étais au fond du trou, ajouta Johnny, avec un petit trémolo. Et mes parents aussi. Si tu savais comme…
– Je sais, ponctua sobrement Evan. Tu m’as expliqué.
– J’espère pouvoir te rendre l’argent très vite, rebondit Johnny. Tara m’a téléphoné tout à l’heure : elle est sur un super coup ! Une comédie musicale en Russie avec toutes les vieilles gloires des années 2000 et un budget pharaonique…
– Je ne te demande rien… », murmura Evan.
Johnny n’en croyait pas ses oreilles : comment ça ? Evan n’attendait pas qu’il le rembourse ?
Il lui avait vraiment donné tout cet argent ?
Les larmes lui montèrent aux yeux : il s’en voulut à mort de l’avoir si bêtement dépensé la veille.
« De toute manière, soupira Evan, tu es totalement incapable de faire des économies. L’argent te brûle les doigts. Et sinon, tu avais autre chose à me dire ?
– Oui, s’empressa de répondre Johnny. J’appelais parce que… il fallait que je te dise que… que… que je… enfin… »
À nouveau, les mots se bloquèrent dans sa gorge.
Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas fait une déclaration d’amour à quelqu’un. Il croyait même que cela ne lui arriverait plus jamais.
« Que… que…, répétait Johnny.
– Je suis fatigué. Si tu pouvais urger… », souffla une voix lasse.
Evan feignait de vouloir raccrocher. Mais en vérité, son cœur battait à tout rompre. À l’altération de la voix de Johnny, il avait très bien deviné ce que ce dernier voulait lui dire.
Dans un sursaut de hardiesse, Johnny finit par lâcher :
« Tu me manques, Evan. »
Voilà, il l’avait dit.
Il espérait qu’Evan avait bien entendu, car il ne comptait pas répéter ce qu’il venait d’avouer. Il ne voulait pas avoir l’air transi, non plus !
Il attendit la réponse d’Evan. En vain. La repartie de ce dernier ne s’améliorait pas avec l’émotion. Et puis sous ses dehors de brute épaisse, il avait toujours été d’une timidité maladive.
Comprenant qu’Evan ne ferait pas le premier pas, Johnny reprit la main :
« Ça serait sympa que qu’on se revoie, lança-t-il d’une voix guillerette. Nan ? »
Cramoisi, les lèvres tremblantes, Evan luttait pour conserver un reste de dignité :
« Aheuh…, répondit-il, évasif.
– Ça te dit pas ? insista Johnny, qui n’avait jamais vu un boulet pareil.
– Ouais, super idée, répliqua Evan sur un ton de camaraderie. Appelle-moi quand tu passes à Chicago. On se ira se prendre un verre. »
Ah, merde, il n’aurait pas dû répondre ça. Johnny allait s’imaginer qu’il ne voulait pas de lui…
Evan tenta de se rattraper aux branches en ajoutant :
« P’t-être bien que j’irai faire un tour à New York… un de ces jours… »
Johnny comprit qu’il devait se montrer plus persuasif :
« Tu fais quoi ce week-end, Evan ?
– Ha… ben euh…, réfléchit ce dernier avec les deux neurones qui lui restaient. Rien, je crois.
– Moi non plus, quelle coïncidence ! »
*
Johnny sauta dans un legging en cuir, enfila un top en dentelle noire, puis courut se montrer à la webcam. Sous toutes ses coutures.
Cinq secondes plus tard, le commentaire de Patti s’affichait sur MSN :
« Il est pas trop moulant, ton pantalon ?
– Pas du tout, tapa Johnny, un peu contrarié. J’arrive à me baisser sans le faire craquer. Et pis c’est pas un pantalon, c’est un legging.
– Même sur mon écran tout sombre, je ne loupe aucun détail, le taquina sa mère, qui postait plus vite que son ombre. Et ton haut, il est transparent ou je me trompe ? Tu vas donner de mauvaises idées à ton copain en t’habillant comme ça…
– Je mettrai ma veste Chanel. Mais sinon, je suis beau ?
– Évidemment, puisque tu es mon fils ! »
Rassuré, Johnny prit congé de Patti et éteignit sa webcam.
Il s’aspergea de parfum et retoucha son make-up.
Evan ne serait là qu’à 19H. Chouette, ça lui laissait le temps de se cramer les cheveux au fer à friser.
A suivre...