En regardant une partie de Love Actually, j'ai une nouvelle fois craqué sur Liam. Ce gars-là a quelque chose de pataud, de touchant et je ne pouvais faire autrement que le reprendre dans l'une de mes fics, ce soir ! Très courte, très triste aussi mais que j'espère plein d'espoir !
Merci à ceux qui liront !
POV BradleyⱷⱷⱷⱷⱷJe cohabitais depuis quelques temps avec mon compagnon et un adorable fantôme. C’était la seule manière acceptable et suffisamment juste, à mes yeux, pour expliquer cette situation pour le moins étrange. Ainsi, même plusieurs mois après sa disparition, Liam ne parvenait pas à se défaire des effets qui appartenaient à sa défunte épouse. Je trouvais cette manie tout à fait normale et même plutôt touchante. En effet, je ne voyais rien de morbide au fait de trouver le peignoir, brodé au nom de Natasha, aux côtés de celui de Liam ou de ma propre sortie de bain. Mon compagnon avait longtemps guetté mon ressenti à l’égard des nombreuses photographies qui garnissaient les murs de la villa dans laquelle il m’avait accueilli : je lui avais aussitôt assuré qu’elles ne me gênaient nullement.
Il m’avait gracieusement ouvert son cœur et la porte de sa demeure ; je n’avais guère l’envie et l’égoïsme de chambouler son quotidien boitillant. Mieux encore : le visage enjoué de cette charmante inconnue, ses cheveux dorés qui encadraient l’expression même du bonheur, m’apaisait, me renseignait sur le passé du colosse qui évitait soigneusement d’exposer ses failles au reste du monde. Parfois même, quand nos rapports devenaient tendus, je m’adressais à elle : toujours, je gardais l’impression d’un ménage à trois et me référait à cette troisième entité comme si celle-ci pouvait surgir de l’un des cadres accrochés. Elle pouvait le comprendre, l’aider. Pas moi. J’étais tout bonnement impuissant lorsque les vieux démons de l’Irlandais resurgissaient, le terrant dans un mutisme douloureux et une indifférence cruelle. Comme cette après-midi, par exemple.
Je m’y faisais : je l’avais accepté avec ses qualités et ses défauts, son amour inconsidéré et cette vilaine cicatrice encore fraîche et mal soignée. Les premiers jours de cohabitation furent les plus difficiles : comment aurais-je pu rester de marbre alors qu’endormi, il murmurait le nom de la disparue ? Comment pouvais-je ignorer que, deux années après le drame, il en pleurait encore lorsque le dernier verre de vin était celui de trop ? Ou simplement qu’avant de quitter la maison, avant même avoir prit ses clés, il portait la photographie près de l’entrée contre ses lèvres ? Qu’il cherche sa main dans son sommeil, et non pas la mienne, ne me faisait pas tant souffrir que sa détresse. J’aurai volontiers vendu la peau de mon union pour lui ramener sa belle et ce sourire qu’il ne quittait jamais à l’époque.
Emmitouflé dans le peignoir, le col en cashmere remonté jusqu’au menton, je m’aventurai sur la terrasse à peine éclairée. Tassé dans l’un des sièges, Liam caressait du pouce le pied d’un verre de vin. Vide, bien évidemment. M’approchant doucement, je passai mes bras autour de ses épaules, murmurant quelques paroles et embrassant son cou :
- Tu devrais passer un pull, il fait frais.
Hagard, il tourna ses yeux humides vers moi : cette vision me brisa le cœur. Il pensait à elle, à n’en pas douter, mais ce n’était certainement pas l’image d’anniversaires ou de ballades à Central Park qui animait ainsi cette lueur sombre qu’il portait dans le regard. Balayant ses funestes pensées, je renonçai à lui demander ce qui avait pu l’agiter de la sorte : m’asseyant à cheval sur ses cuisses, face à lui, je passai mes bras et me pendis à sa nuque. L’embrassant délicatement, je détournais le visage : ses moments intimes avaient toujours quelque chose de maladroit. Nous en étions chacun à notre première expérience du genre et le fait de trouver, en lieu et place d’une femme, un homme aussi imposant que notre propre personne nous mettait toujours mal à l’aise. Cette ressemblance nous satisfaisait cependant le reste du temps : nous pouvions nous reposer sur l’épaule de l’autre et recueillir sa peine ; nous étions amis au moins autant qu’amants. Les années qui nous séparaient ne nous gênaient guère. Liam m’avait prévenu : il serait mon compagnon, pas un ersatz de figure paternelle. Vingt-trois ans nous séparaient : je devais en prendre conscience et les accepter. Ce que je fis, bien entendu, dans le bonheur et l’idée d’effeuiller ce personnage intriguant, infiniment plus complexe qu’il n’y paraissait.
Prolongeant l’un de mes baisers, Liam laissa échapper un grognement sourd, étouffé par ses dents serrées, ses lèvres posées sur ma gorge. Les yeux fermés, il me gratifiait de quelques élans de tendresse, de passion, devenus bien trop rares à mon goût. Ragaillardi, les prunelles sèches, il me fit l’amour, avec patience, savoir-faire et douceur, comme à chaque fois. Tremblant de délivrance dans le fauteuil, au beau milieu du silence nocturne, dans ce jardin plein de souvenirs, Liam ne remarqua sûrement pas ce qui me sauta aux yeux : cette bougie qu’il allumait chaque soir vacilla longtemps, mais ne s’éteint pas. L’adorable fantôme acquiesça à ma pensée : il était temps de débarrasser Liam de sa culpabilité, de lui rendre ce sourire d’antan qui lui collait tant aux lèvres. Il était temps de cohabiter paisiblement, lui, moi et l’esprit qui n’avait rien de mauvais.
Natasha était dans l’air qu’il inspirait, dans les souvenirs qui encombraient sa mémoire, dans les mains grandes et rêches qui avaient bercés une jeune femme puis une dame et deux magnifiques bambins. Elle était en lui, en dehors, partout et pour toujours. Mais, débarrassé de sa tristesse et de sa tension, ouvrant péniblement les yeux sur mon visage éclairé, il me murmura qu’il m’aimait, sous-entendant «
malgré que j’appartienne à une autre ».
Je ne vis alors que moi dans le regard de Liam. Moi et personne d’autre.
ⱷⱷⱷⱷⱷJ'espère que ceci n'était pas trop déprimant !
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Kami 2.0 || «Il ne faut jamais faire de littérature, il faut écrire et ce n'est pas pareil.» C. Bobin