Comme elle était finie et que j'ai décidé de la reprendre, je ne sais pas comment le signifier et marquer " en cours " puis " finie " quand ce sera le cas ... si quelqu'un peut me dire
Voici la suite donc, j'espère que ça vous plaira ( j'ai écrit jusqu'à ce que je sais pas quelle heure dans la nuit, alors !) Robert soupira et reposa son téléphone portable. Inutile d'insister, Jude ne répondrait pas. Il se laissa tomber sur le canapé, enfouit son visage entre ses mains et y noya un long grognement. Susan passa derrière lui et fit glisser ses bras autour de son cou, posa le menton sur le haut de son crâne.
- Susie...
Il ferma les yeux pour profiter du contact, se saisi des bras de sa femme et la fit basculer par dessus le dossier du canapé. Elle éclata d'un rire stupéfait et ils se retrouvèrent allongés l'un sur l'autre, lui au dessous d'elle. Ils fermèrent les yeux et se laissèrent aller l'un sur l'autre. Il lui caressait le dos, elle jouait doucement avec ses mèches de cheveux.
- Que se passe-t-il, Rob' ? Demanda-t-elle enfin sans ouvrir les yeux.
Elle le connaissait si bien...
- Rien d'important, mon amour, murmura-t-il d'une voix rassurante. Ne t'inquiète pas pour ça.
- Si ça te tracasses à ce point, répondit-elle, perspicace, après un silence, c'est que c'est important. Et je sais que ça te tracasses, n'essayes même pas de faire semblant avec moi, Rob, tu sais parfaitement que ça ne marchera pas.
Il se dégagea de leur étreinte et se redressa. Elle se pelotonna contre son dos, les mains posées sur ses épaules. Elle l'embrassa à plusieurs reprises entre les omoplates. Mais Robert était loin, elle le sentait. Le regard dans le vague, il attrapa le verre de whisky sur la table basse et se mit à jouer avec, distraitement, sans boire.
- J'ai blessé quelqu'un aujourd'hui, avoua-t-il enfin d'une voix grave et basse, et j'ignore si c'est encore réparable.
Elle comprit immédiatement, se détacha de Robert en poussant un profond soupir où se mêlaient, dans un cocktail étrange d'émotions, soulagement et détresse. Car Susan était une femme, et en tant que telle, elle comprenait beaucoup de chose. Cela faisait longtemps qu'elle avait deviné l'attachement qui unissait les deux hommes, mais une femme voit au delà, car elle est tout à fois le loup et l'agneau, le serpent et la biche, la catin et la sainte. Et ça l'avait rendu aussi furieuse qu'heureuse. En tant que la femme de Robert, l'arrivée de Jude dans leur vie l'avait évidemment blessé, réveillant en elle la flamme de la jalousie. Mais... mais Susan n'était pas une bonne épouse jalouse à la moindre déviation. Elle était marié à Robert pour la seule raison qu'il était son âme sœur et qu'elle l'aimait profondément, au delà de tout, d'un amour qui transcende la raison humaine. Elle l'aimait auprès d'elle comme elle l'aimait loin d'elle, malgré la douleur que ça lui pouvait lui causer et qu'elle préférerai largement l'avoir à ses côtés, car il était aussi lui-même lorsqu'il ne l'était pas.
Et puis Jude avait cette lueur de sensibilité féminine en lui, comme une force fragile. En cela, ils se comprenaient. Elle aimait réellement cet homme pour ce que Robert aimait en lui, car cet amour duquel elle était tenue à l'écart faisait parti de lui. Elle aimait aussi Jude car deux forces valait mieux qu'une, et elle savait qu'il saurait veiller sur Robert aussi bien qu'elle, et que sa présence serait même nécessaire.
Mais les démons de Jude, ce n'était pas à elle de les trouver ni de les combattre. C'était le travail de Robert. Sous le stresse de son silence, celui-ci but d'un trait son verre d'alcool. Il savait qu'elle avait comprit, aussi aucun des deux ne prononça le nom de Jude.
- Je ne sais pas quoi faire, Susan. Je suis perdu.
Ils se dévisagèrent tendrement.
- Mon amour, j'ai confiance en toi. Tu sauras parfaitement comment faire. Et quel que soit le problème, n'oublie pas que la sincérité est toujours la meilleur solution. Si la personne dont tu parles t'aimes, elle te pardonnera, mais tu dois prendre les bonnes décisions et surtout, Robert, laisser parler ton cœur.
Elle était penchée sur lui, les mains sur ses genoux. Les yeux humides, il la contempla, s'approcha lentement tandis que ses yeux glissaient vers ses lèvres et ils s'embrassèrent. Puis elle se redressa et l'enlaçant par les hanches, il reposa la tête sur son bas ventre en un geste régressif. Elle lui caressa les cheveux, puis se dégagea. Avant de quitter la pièce, elle ajouta avec un clin d'oeil :
- Dans tous les cas, c'est pas en restant ici à te lamenter que tu vas faire avancer le chmilblick, Rob ! Alors bouge tes fesses et va rejoindre Jude avant qu'il fasse une connerie !
Tandis qu'elle disparaissait dans l'embrasure la porte du couloir, il rougit violemment. Susan avait ça en elle, ce côté tendre et brut à la fois, cette ambivalence entre les émotions les plus profondes et l'humour le plus cru, presque masculin, tout cela dans le même espace temps.
Il se leva, fit quelques pas, décida d'aller dehors, même s'il ignorait encore où aller exactement et comment faire. Il enfila son blouson, mit ses chaussures et prit la sortie. L'air frais le rasséréna. Il alluma une cigarette et se mit à arpenter la terrasse. Devant lui, sagement garée, sa voiture l'attendait, prête à vrombir.
Où pouvait bien être Jude ? Robert jura devant le grand vide d'ignorance face à cette question, tout en se demandant ce qu'Holmes trouverait à y répondre. En désespoir de cause, il décida de commencer par l'hôtel où Jude logeait, sans se faire d'illusion pour autant. En effet, Jude ne s'y trouvait pas et n'y était pas revenu entre temps. Il remonta dans sa voiture et roula au hasard, revenant sur les lieux de l'interview, repartant. Perdu dans ses pensées, il roulait par automatisme. Les minutes, les heures passaient, et son inquiétude croissait de plus en plus. Il imaginait Jude perdu au milieu de nulle part, ou ayant pris la décision folle de rentrer sur le champ en Angleterre.
C'est trop bête, se dit-il,
il ne peut pas être parti comme ça... j'espère qu'il ne lui est rien arrivé …La radio tournait, mais aucune annonce d'accident quelconque, et aucune nouvelle qui aurait pu concerner Jude.
Judsie, où es-tu... Alors qu'il passait devant une boite de nuit, des fêtards complètement bourrés traversèrent juste devant ses roues. Il était si distrait qu'il n'avait pas fait attention à eux et vit venir le pire. Il sursauta brusquement et parvint à piler de justesse. Déjà sur les nerfs et prêt à sauter à la gorge du n'importe quel imbécile se trouvant sur son passage, il descendit furieux du véhicule en claquant la portière derrière lui.
- Bordel de merde, vous pouvez pas regarder où vous allez ?!
Ils éclatèrent de rire sans se retourner, et lui braillèrent quelques répliques incompréhensibles tout en le saluant de leur bouteille d'alcool dressée au dessus de leurs têtes. Fulminant, Robert jura alors qu'une voiture, derrière lui, le klaxonnait.
- Oui, oui, c'est bon ! Grogna-t-il au chauffeur impatient.
Mais alors qu'il démarrait et appuyait sur l'accélérateur, il crut apercevoir Jude par la porte ouverte du bar dansant. Il pila une seconde fois quelques mètres plus loin et se fit incendier par le chauffeur de derrière qui parvint à ne pas lui rentrer dedans mais le doubla furieusement, moteur vrombissant. En passant devant lui, il lui adressa par la fenêtre ouverte un magnifique doigt d'honneur en braillant une insulte que Robert n'entendit pas. Il se gara, descendit de voiture et le cœur battant se dirigea vers la boite de nuit.
Les odeurs mêlées et exaltés de tabac, d'alcool et de transpiration lui fit plisser le nez. Il chercha Jude – du moins celui qui lui avait paru lui ressembler – mais la foule grouillait et le bruit lui faisait mal à la tête.
Putain, Tu pouvais pas aller nouer ton chagrin avec une bouteille dans un cimetière, ça aurait été plus calme ?!Un brusque éclat de rire, plus fort que les autres, fit courir un frisson le long de son échine. Il reconnaîtrait le rire de Jude entre mille.
Planté là seul devant le bar, bras ballant, Robert se retourna.
Évidemment, qu'il était là. La peine et l'alcool avait déformé ses traits angéliques en un démon sarcastique, cruel et désillusionné. Son odieux sourire en coin, sa figure complètement défaite, sa posture même avait quelque chose de profondément mauvais et de vulgairement séducteur. Il avait abandonné écharpe, manteau, gilet, et ne portait qu'un tee shirt blanc à manche courte collé à son torse par la transpiration et l'alcool, sur son jean délavé. Une bouteille de vodka à la main, il titubait, deux filles déguisée en prostitué sous chaque bras. Elles le dévoraient du regard en gloussant, le tripotant et le bécotant d'une manière qui dégoûta Robert.
- Salut, Rob, lui lança-t-il sans le quitter un instant du regard en s'envoyant une nouvelle rasade d'alcool dans le gosier, tu t'amuses bien ? Celles-là c'est les miennes, va t'en trouver d'autres.
Et joignant le geste à la parole, il les attrapa par les fesses et les embrassa langoureusement l'une après l'autre.
Et Robert le fixait, la gorge nouée, le cœur serré, sans parvenir à faire quoi que ce soit. Ce tableau de débauche de seconde zone le pétrifia. Une des filles léchait sans retenue aucune l'épaule de Jude tandis qu'il la pelotait d'une main et de l'autre s'occupait du fessier de sa copine. Et alors, il fit quelque chose qui frappa Robert en plein cœur. Non pas par la crudité de la chose, mais parce que c'était Judsie.
Son Judsie. Reculant juste à peine du visage de la fille, celui-ci se mit à l'embrasser de façon à exposer pleinement leurs deux langues qui se tripotaient sans pudeur, sans le moindre amour même de la chose, et lentement, il leva vers lui un regard intense, provocateur, et le coin de sa bouche qu'il voyait se releva en un sourire démoniaque, tandis qu'il la léchait le plus grossièrement possible.
Ce fut comme un coup violent à la poitrine. Robert crut suffoquer. Il recula s'adosser au bar, sans quitter Jude des yeux malgré que ceux-ci deviennent dangereusement humides. Il avait beau être une star internationale désiré et adulée, l'objet de fantasmes de beaucoup de fan, il avait beau avoir une famille qu'il aimait par dessus tout et du succès... Jude tenait quelque chose de lui, que eux tous n'atteignait pas. Quelque chose qui avait le pouvoir de le détruire, d'effacer tout le reste pour qu'il n'existât que lui et même s'il savait cela terriblement réciproque, il se senti trahi, raillé, trompé, abandonné. Il se força à détourner le regard, commanda un verre de rhum qu'il ne toucha pas. Alors, une pensée lui apparut, claire et crue.
C'est exactement ce que Jude a ressenti il y a quelques heures... Il se demanda ce qui était le plus douloureux, entre souffrir soit même atrocement ou savoir que cette même souffrance est le reflet de celle que vous avez causé. Leur lien était fort, précieux. Il ne devait pas souffrir de pareils gâchis.
Alors, Jude s'approcha, les deux dindes toujours sous ses bras. Il posa avec fracas sa bouteille vide sur le comptoir et se plaçant derrière lui, l'obligea à se retourner pour lui faire face.
Il se dévisagèrent, Robert avec une fragilité tellement enfantine qui avait fait tomber son masque d'assurance débridée, Jude, avec un air ironique et séducteur. Une beauté qui pourtant n'ébranlait absolument pas Robert, une beauté vulgaire,
de seconde zone.
Jude, je suis désolé, je ne voulais pas te faire du mal, reviens, reviens-moi... Jude se rapprochait dangereusement, le regardant d'une manière qui ne présageait rien de bon.
- Qu'est ce qu'il y a, mon chou, t'es jaloux ? Chuchota-t-il, et il vit ses paupières se baisser tandis qu'il contemplait sa bouche, l'effleurait du bout des doigts, c'est ça que tu veux, hum ?
Lèvres retroussées sur une langue avide, Jude se pencha lentement, se colla à lui. Caché entre leur deux corps, ses mains le fouillaient, descendant perspicace vers son entre entre-jambe.
Non, Jude, non, je t'en supplie, pas comme ça, pas maintenant,non, non, non. Ne me fais pas ça!Robert eu envie de pleurer. Comme un gosse, oui, au milieu de ce délire qui lui échappait. Il n'aimait pas ce Jude là, rôle créé de toute pièce, séducteur et sans règle, ce Jude-prostitué qui n'éprouvait aucun respect pour les autres, et encore moins pour lui-même. S'il devait l'embrasser, il voulait que ce soit avec amour, pas avec violence, pas avec vengeance.
Ce baiser-là, c'était une claque. Une bonne grosse claque dans la figure. Quelque chose de sale.
Tu vois, sale type, tu es exactement comme ces filles à mes yeux, tu veux une gâterie, tient, je vais t'en donner une, mais moi, tu ne m'auras jamais. Tu ne me connais pas. Tu veux mon corps, salopard ? Très bien, je te le donne, de toute façon, moi je n'existe plus, je n'existe pas, je ne suis qu'un jouet, et je prends mon pied putain, à n'être que ça, rien que ça, un objet de désir qui passe de bras en bras, de bouche en bouche, de corps en corps, et vous salie, oui, vous salie bien plus que vous ne me salissez... Robert saisi brusquement le poignet de Jude, à un cil de son sexe. Il reculait, raide, pour tenir ses lèvres loin des siennes.
- Jude, prévint-il fermement, arrête.
Celui-ci le regardait toujours, avec cet odieux sourire qui était le sien sans l'être vraiment.
- Quoi, t'aimes pas qu'on te chatouille ? Non c'est vrai, tu préfères manipuler toi-même... Et bien,
manipule-moi. Je me laisserez faire. Je serai sage... comme une image !
Et il se lécha les lèvres, éclata d'un rire dément qui le plia en deux. Robert avala sa salive, décida de prendre les choses en main, il ne supportait plus la situation. Il se leva, essaya prudemment d'approcher Jude qui titubait au milieu du bar-et heureusement que tout le monde était bien trop pété pour sortir les portables et jouer les paparazzis !
- On va y aller, Jude.
celui-ci se tourna difficilement vers lui.
- Ooooh pourquoi ? Tu t'amuses pas ?
Robert ne répondit pas. Il ne voulait pas rentrer dans son jeu. Il lui mit sa veste sur les épaules et essaya de le diriger vers la sortie.
- Encore un veeeeeerre ! Beugla Jude
- Non, Judsie, soupira Robert en regardant autour de lui, tu as suffisamment bu pour aujourd'hui.
Robert ne s'attendait pas à ce que Jude s'énerve. Celui-ci se tourna brutalement vers lui et le bouscula violemment. Surpris, Robert ne parvint pas à se rattraper et s'étala comme une masse au milieu des clients qui s'écartèrent brusquement et éclatèrent de rire. Relevé sur les coudes, horrifié, il leva la tête vers Jude, au dessus de lui, enragé.
- Mais t'es qui, crevard, pour me donner des ordres ?
Profondément blessé et humilié, Robert se releva pour lui faire face.
- Oh, je ne suis personne, répondit-il d'un ton terriblement neutre en le fixant droit dans les yeux, mais tu vas me suivre quand même.
Il n'y a pas pire solitude que celle que l'on éprouve auprès d'un être aimé et qui devient un monstre. Il n'y a pas pire solitude que ce sentiment de trahison atroce, d'incompréhension, qui comprime le cœur. Il attrapa fermement Jude par le bras et le traîna de force à l'extérieur. Le visage dur, des larmes pleins la gorge, il marcha à pas vif jusqu'à sa voiture, sans prêter attention aux vociférations de Jude qui se débattait derrière lui. Il ouvrit la portière arrière de sa voiture et le fourgua sans ménagement à l'intérieur avant de la claquer derrière lui. Alors qu'il s'asseyait au volant, Jude se redressa et posa un avant bras sur chacun des sièges.
- Pourquoi tu me mets à l'arrière comme un gosse ?
Robert démarra, passant les vitesses avec des gestes brusques et énervés. Sans lui accorder un seul regard, il répondit simplement :
- Parce que tu te comportes comme un gosse.
Dans un éclat de rire mauvais, Jude s'écrasa sur le siège arrière.
Et parce que je n'ai pas envie que tu me sautes dessus quand je conduis, ironisa sombrement Robert pour lui-même même s'il savait au fond de lui que Jude ne recommencerai plus.
- T'es complètement raide, se crut-il obligé de constater alors que la voiture entrait sur l'autoroute.
- C'est ça, démenti ce dernier, pitoyable.
- Jude, je sais ce que c'est qu'être raide, et pas qu'à cause de l'alcool, crois moi.
Il ignora ses grommellement ensommeillés, chercha d'une main son téléphone portable dans la poche arrière de son jean pour appeler Susan. Après plusieurs longs bips, elle décrocha enfin.
- Rob ?
Il déglutit sans parvenir à répondre.
- Est- ce ça va ?
- Susie, je suis avec Jude... il a bu. Je préférerai que tu prennes le petit avec toi et que vous alliez dormir chez ta mère ou à l'hôtel pour ce soir, tu veux bien ?
Elle ne répondit pas tout de suite.
- D'accord. J' y vais. Et, Rob'... Prend soin de toi. Et de lui aussi.
- OK.
Il raccrocha, et conserva le plus grand silence tout au long du trajet. Jude non plus ne pipa mot. Il arriva enfin à destination, se gara et, contournant la voiture, entreprit de faire sortir Jude. Heureusement, il était à présent dans un état de somnolence et ce fut facile. Il passa un bras ferme autour de sa taille, l'aida à marcher, tournant la clé dans la serrure d'une main en poussant la porte du pied. Il l'entraîna jusqu'à la salle de bain où il l'assit par terre pour faire couler un bain chaud, se pencha de nouveau vers lui pour lui retirer ses vêtements, sans lui enlever son slip, les jeta à l'autre bout de la pièce pour les laver. Il avait une mine affreuse, mais le fixait d'une manière étrange. Lui évitait à tous prix son regard et essayait de garder la tête froide. Il le fit entrer dans la baignoire, remonta ses manches, alla chercher un gant dans le placard qu'il enduit de gel douche à la vanille. Il jeta un coup d’œil à Jude, assis paupières closes dans la baignoire, tête en arrière, tanguant légèrement de droite à gauche. Robert s'accroupit sur le carrelage, commença à lui savonner le dos, les épaules, les bras, la gorge, la poitrine, le ventre. Jude se laissait faire voluptueusement, avec des petits soupirs de biens êtres. Robert se sentait bizarre, en proie à des émotions contradictoires. Les images de la soirée, pour ne pas dire de Jude, le hantaient, destructrices. Et à la fois, il revoyait son expression de Jude, juste après l'interview, son air perdu, blessé.
Mais que suis je à tes yeux, Robert ? Un faire valoir ? Tout cela n'est-il que... du marketing ?Un jeu de plus, une manipulation extrêmement bien menée destinée à faire de la pub ? Depuis le début... ne suis-je qu'un outil, pour toi ?Bien sur qu'il était terriblement en colère contre Jude, mais aussi aussi extrêmement malheureux – et honteux – du mal qu'il lui avait fait. car c'était de sa faute. Il essayait d'imaginer, en boucle, les différents scénarios qui avait pu se produire durant les heures où ils avaient été séparés. Il aurait voulu pouvoir le prendre dans ses bras, lui demander pardon et qu'ils s'expliquent une bonne fois pour toute. Ca aurait évité qu'il se sente si... En fait, Robert ne savait pas comment s'était senti Jude, ce que ça avait réveillé en lui. Mais il savait que ça lui avait fait mal, et qu'il aurait dû être à ses côtés pour l'aider à surmonter à son angoisse, le consoler. Mais il ne l'avait pas fait. Et à l'instant, à tous ses autres sentiments se mêlait aussi une forme de réconfort à pouvoir s'occuper de lui, à le sentir si fragile et nu sous ses mains. Car il avait besoin de ça pour se sentir fort. Cependant, les images, les mots, l'assaillaient encore et encore, comme un film terrifiant se ressassant en boucle dans son esprit et le surprenant, sadique, au moment où il était le plus vulnérable.
Il fit couler de l'eau sur le visage de Jude qui rejeta la tête en arrière pour la poser dans sa main, lui offrant son visage, sa gorge. De ses doigts, il lui effleura la nuque, le reposa pour s'emparer du shampoing et massa son cuir chevelu, enduisant délicatement les pointes. Il descendit sur la nuque, eu envie de le masser, de la caresser, de descendre plus bas, au creux des reins. Il hésita. Jude était dans un état avancé et ne se rendait pas compte de grand chose, à part du fait, peut-être, que ça faisait du bien. Saisi par la colère alors que l'image de l'autre Jude reprenait le dessus, il se reprit, le rinça, l'aida à sortir et lui enfila un long peignoir blanc avant de le frictionner. Il décida finalement de lui enfiler un autre slip - il y était bien obligé, lui enfila un vieux pantalon de jogging à lui, un grand tee shirt, et le coucha sur le lit de la chambre d'ami après lui avoir fait avaler un médicament.
Sur le pas de la porte, il hésita, s'arrêta et le regarda. Couché en chien de fusil, déjà prêt à s'endormir, Jude poussait de petits gémissements-grognement tout en palpant la couette et cherchant du nez une place sur l'oreiller. Et Robert, quel que soit ce qu'il éprouvait, ne put se résoudre à passer cette porte et à le laisser. Il s'assit par terre juste à côté de lui, posa son menton sur le matelas dans une attitude totalement enfantine – canine, à la rigueur – et levant le bras, caressa son cou, ses joues, sa mâchoire, ses lèvres, remonta sur le front et suivit le creux entre les sourcils, la ligne du nez. Dans son sommeil naissant, Jude grogna de plaisir et sourit. Son vrai sourire d'ange, un peu diabolique c'est vrai, plutôt félin aurait dit Robert, mais d'ange tout de même, pas de démon travesti en ange. Il tendit son menton pour offrir sa gorge à la caresse et faisant basculer sa tête dans son bras replié sur le drap, Robert s’exécuta, le grattouillant gentiment. Il resta là un moment à le contempler et le regarder sombrer dans le sommeil, puis il s'adossa au matelas, attrapa le calepin et le stylo qui traînaient sur la table de nuit, et essaya d'écrire. Le meilleur moyen d'être sincère. On ne peut jamais tout à fait se fier aux paroles qui sortent, parfois intruses, de notre bouche.
Judsie, je voulais te dire que si je t'ai blessé tout à l'heure, ce n'était absolument pas mon intention...Il raya, recommença.
Judsie, je suis vraiment désolé pour ne pas t'avoir annoncé la naissance de mon fils, et pour toutes les gaffes que j'ai enchaînées tout à l'heure... Il raya encore.
Judsie, je pourrais te dire de toutes les façons possibles à quel point je m'excuse pour le mal que je t'ai fait, à quel point je me sens mal moi-même de t'avoir blessé. Il y a bien des choses que j'ignore encore de toi, et je ne t'oblige pas à m'en parler, seulement, je sais ce que c'est, les démons lovés sous les lits de nos conscience et qui à la moindre défaillance, surgissent des ténèbres. Je sais ce que c'est, Jude, de souffrir, d'avoir peur et d'être désespéré au point de vouloir s'éclater la tronche.
Mais jamais je ne t'ai considéré comme un faire-valoir, et encore moins comme un outil, j'ai bien trop de respect et d'affection pour toi pour me permettre ça. Je ne t'ai jamais menti, ni manipulé, ni trompé. Le lien qui s'est tissé entre nous dans le bar de Guy, et depuis ce jour à chaque moment passé ensemble que ce soit sur le tournage ou en dehors, je ne l'ai pas joué, je l'ai comme toi réellement ressenti et moi aussi ça m'a bouleversé.
Il faut aussi que tu comprennes quelque chose, je suis moi-même dans chacun des visages que j'affiche, que ce soit pour une interview ou n'importe quoi d'autre. Je joue oui peut-être, je manipule, mais je me manipule moi-même, car mon être est le jeu. Je me suis entier offert à lui, car il n'y a que ça qui donne un sens à ma vie et me retient de me faire éclater la tronche. Quand je joue une scène, je ne la joue pas bien, parce que je ne la joue pas, pas comme vous la jouez vous, je n'ai aucun truc, je la ressens. Pleinement, complètement. Je m'offre à elle, sans retenue, sans peur, car je n'ai pas peur de ne plus exister. Je vis pour m'abandonner à l'extase du jeu, à l'extase du ressentir, et je ressens vraiment, Jude, ces émotions, ces moments, comme s 'ils étaient ma vie. Une partie de ma vie, une partie de moi.
Je sais que tu comprends, car il ne peut en être autrement.
Bonne nuit, Judsie. Robert relu sa lettre, plutôt satisfait, et soudain envahi par l'épuisement, posa le papier sur le lit, et quitta silencieusement la pièce.