Merci pour ta review Loverafa!
Voilà la suite et fin cette fois. Merci beaucoup beaucoup beaucoup à Galou pour les encouragements qui m'ont convaincu de poster cette suite.
Près de toi
Rafael... Avant toi, j'étais un homme à femmes, ou à hommes, selon mes envies et mes rencontres. En dehors de quelques cas isolés, mes relations les plus sérieuses duraient une semaine, rarement deux, la plupart beaucoup moins, et étaient toujours dépourvues d'amour. Parce que c'était plus simple, parce que je n'avais pas besoin de plus, par lâcheté aussi, peut-être, parce que j'avais peur de m'attacher, et surtout de souffrir. Certains diront parce que je t'étais destiné, mais je ne crois pas vraiment à ce genre de choses.
J'aimerais pouvoir me souvenir de la première fois que je t'ai vu, de la façon dont tu es apparu dans mon champ de vision et mon existence, de ce que j'ai ressenti en découvrant ton visage. Mais j'étais loin de me douter de la place immense que tu allais occuper dans ma vie, car personne en dehors de ma famille ne tenait d'espace important dans mon cœur, alors ma mémoire n'a pas jugé essentiel d'enregistrer cet instant et l'a effacé comme des milliers d'autres. Ce que je sais en revanche, c'est que nous nous sommes croisés souvent dans les vestiaires et sur les terrains et que, au fil du temps, nous sommes devenus amis. Sans être très proches, nous buvions volontiers un verre ou frappions quelques balles ensemble. J'appréciais ta simplicité et la spontanéité qui prenait, rencontre après rencontre, la place de la timidité. Je n'étais pas ton meilleur ami, celui à qui tu te confies et sur lequel tu t'appuies, et tu ne l'étais pas pour moi non plus, nous partagions une relation simple, insouciante, et n'attendions rien l'un de l'autre. Nous parlions, nous riions, je passais de bons moments près de toi, et il n'y avait rien de plus. Ou du moins, c'était ce que je voulais croire.
Tout a changé le jour où tu as annoncé ta blessure au genou. Cela m'a fait de la peine, alors je suis venu frapper à ta porte. Je savais que tu étais là, mais tu ne répondais pas. Quelque chose en moi me poussait à insister. Je crois que je serais resté nuit et jour devant ta chambre jusqu'à ce que tu sortes, s'il l'avait fallu. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais j'ai continué à frapper, jusqu'à ce que la porte s'ouvre. Et alors, j'ai compris. Je voyais derrière toi que les rideaux étaient tirés et la pièce plongées dans la pénombre, seulement ce n'est pas ça qui a rendu mon cœur si lourd. Tes cheveux formaient un méli-mélo sinistre autour de ton visage, tes joues étaient humides de larmes, et puis, il y avait tes yeux. Rougis, soulignés de profondes cernes, ils exprimaient une détresse que j'avais rarement vue. J'ai senti mon cœur se fendre et j'ai réalisé que je me mentais en prenant mon affection pour toi pour de l'amitié, en refusant de voir que j'attendais avec impatience chacune de nos rencontre. Face à la douleur qui m'avait envahi et qui faisait écho à celle que je lisais sur ton visage, je ne pouvais plus nier. J'ai réalisé à quel point j'aimais ton regard chocolat, ton sourire, ta façon de hausser un sourcil quand tu es surpris ou que tu ne comprends pas, ta voix, ton humour, ta vivacité, ta démarche, chaque petite chose qui fait que tu es toi. J'ai réalisé à quel point je t'aimais et j'ai compris que je resterais près de toi jusqu'à qu'il n'y ait plus que de la joie dans tes yeux. A cet instant, j'ai oublié toutes les peurs qui m'avaient toujours empêché de m'attacher à quelqu'un. Je t'ai pris dans mes bras et je me suis occupé de l'être fragile que j'avais découvert, comme on prend soin d'un oisillon tombé du nid jusqu'à ce qu'il prenne son envol.
Seulement les jours passaient et, malgré ton rétablissement, tes ailes semblaient toujours aussi loin de se déployer. Les médecins étaient rassurants, tes entraînements se passaient bien et je faisais tout pour te distraire, mais rien n'y faisait. Tu étais toujours aussi mélancolique et la désolation qui se lisait dans ton regard me brisait le cœur un peu plus chaque jour. Tu me parlais peu de toi, quelques mots sur tes craintes à propos de ta carrière, mais rien de plus. Tu étais méfiant, ou parler était trop difficile, les deux sûrement. J'aurais pu le prendre contre moi, mais tu ne te confiais pas davantage aux autres, même à tes amis les plus proches. Tout cela m'a fait comprendre que tu cachais quelque chose de bien plus grave que ta blessure et j'étais décidé à veillé sur toi jusqu'à ce que je sache, jusqu'à ce que tu ailles mieux, même si j'étais profondément affecté de te voir si mal et que je me sentais complètement impuissant.
Tu ne pleurais jamais devant moi, mais tes yeux étaient presque toujours rougis quand tu m'accueillais. Dans les bons jours, nous discutions tous les deux ou faisions une quelconque activité à laquelle tu t'efforçais de mettre du tiens. Dans les mauvais, je faisais la conversation seul, me démenant pour trouver un sujet capable de te tirer de tes pensées, et tu refusais de t'entraîner. Et puis, petit à petit, laconiquement, tu m'as parlé de ton histoire avec Roger. J'étais heureux que tu te confies enfin à moi, mais toutes les peurs que j'avais enfouies en moi ont refait surface. Jusque là, je m'étais appliqué à faire tout mon possible pour t'aider, sans réfléchir à autre chose et peut-être, inconsciemment, dans l'espoir de me rapprocher de toi. Or, si l'amour t'avait détruit à ce point, tu allais avoir besoin de temps avant d'aimer à nouveau et surtout, je ne voulais pas profiter de ta faiblesse. J'ai compris que j'allais devoir taire mon amour pour toi, et en souffrir. Et c'est ce que j'ai fait.
Ta chute au classement ne t'a pas aidé. Puis tu as joué contre lui. Tu n'avais pas la force de l'affronter. Je ne t'ai jamais vu jouer si mal, le score était trop net, la souffrance se lisait sur ton visage à chaque seconde. Le lendemain, les journaux te déclaraient officiellement mort. Ce jour-là, tu as touché le fond. C'était une période difficile, mais, comme je l'ai compris plus tard, ce n'était pas si mal, car tu avais finalement cessé de tomber et tu ne pouvais que te relever. J'ai fait de mon mieux pour être ton appui.
Et puis, un jour, j'ai dérapé. Je n'ai jamais été du genre à cacher ce que je ressens, j'ai toujours aimé être franc et dire ce que je pense vraiment. Alors taire mes sentiments devenait de plus en plus difficile et je t'ai embrassé. Je pensais que tu m'en voudrais, que tu m'accuserais de profiter de ta faiblesse, pourtant ça a été le début de notre étrange histoire.
La première fois que nous avons fait l'amour, tu as crié son nom. Tu t'es excusé, mais tu n'as pas su voir à quel point cela m'avait blessé. Je savais que tu en aimais un autre, que tu cherchais seulement de la chaleur et un moyen de combler ta solitude et ton manque, mais je n'avais pas réalisé que c'était lui que tu voyais quand tu étais avec moi. J'ai songé un instant à tout arrêter, mais je ne pouvais pas. C'était comme si j'étais lié à toi jusqu'à ce que tu ailles mieux. Je n'allais pas t'abandonner quand tu avais besoin de moi. Et tant pis si je n'en ressortais pas indemne. J'ai redoublé d'attentions et je t'ai donné tout mon amour, tout l'amour qui te manquait, mais que n'était pas celui que tu recherchais.
Ça a été dur. Je ne veux pas qu'on me plaigne, qu'on me loue, ou quoi que ce soit. Je ne suis pas resté pour ça, je suis resté pour toi. Je te voyais faire des progrès, infimes, certes, mais réels, et cela me donnait du courage. Je me souviens de la première fois que je t'ai entendu rire. J'avais encore dit des bêtises en espérant t'arracher un sourire. J'ai obtenu tellement plus! Cela sonnait bizarrement, comme si ton corps ne savait plus vraiment comment si prendre, pourtant j'avais les larmes aux yeux. Et puis, tu avais cette façon de me serrer contre toi, si fort que j'en avais mal, comme si j'étais la dernière prise à laquelle t'accrocher pour ne pas tomber dans un précipice, comme si ta vie en dépendait, et peut-être en dépendait-elle vraiment. Quand je songeais à partir, c'est ce qui me gardait près de toi.
Seulement, je ne suis pas un héros. A toujours donner sans rien recevoir, à souffrir pour ton bonheur, je déclinais lentement. Je ne supportais plus de ne pas savoir si c'était lui ou moi que tu voyais, si tu n'allais pas me jeter une fois remis. J'avais l'impression que tu ne voyais pas mon amour et ma douleur, que tu te contentais de profiter des mes attentions, de me vampiriser mon énergie. Jusqu'à ce que je me retrouve vide. Je ne voulais pas me laisser détruire. Près de toi, j'étais bien, mais, près de toi, je mourais. Mon instinct de survie a pris le dessus et, malgré tout mon amour et mon besoin d'être à tes côtés pour veiller sur toi et t'aider, je suis parti. Ton regard si triste a failli me faire changer d'avis, mais j'ai résisté. Tu as fait un geste pour me retenir, mais tu as laissé retomber ta main en soufflant "je comprends". Je crois qu'il m'a fallu plus de courage pour te quitter que pour affronter ces longs mois à tes côtés. Et rien ne s'était arrangé pour ce qui était de la douleur.
Quelques jours plus tard, j'ai reçu une lettre qui m'a profondément touché et j'ai compris que je m'étais trompé sur tes sentiments. Et sur les miens. Car loin de toi, je souffrais plus encore qu'à tes côtés. Le lendemain, tu étais à ma porte. Ça m'a surpris que tu viennes, jusque là, c'était toujours moi qui venais là où tu te trouvais. J'ai tant relu tes mots que les connaissais par cœur le soir-même où je les avais reçus et ils m'ont donné la force de t'attendre, de t'aider, de souffrir encore. Tu m'as écrit exactement ce que j'avais besoin d'entendre et tu ne t'es pas contenté d'écrire. Tu as commencé à me montrer ton affection et plus les jours passaient, moins notre relation était à sens unique. Tout n'a pas changé du jour au lendemain, tu as pris ton temps, mais je voyais que je comptais pour toi et cela me suffisait. Petit à petit, tu as eu quelques attentions, quelques gestes tendres, cela m'a rendu plus léger. Il y a deux semaines, j'ai trouvé une photo de moi sur ta table de nuit, et je crois en avoir aperçu une dans ton portefeuille. Tu n'imagines pas combien cela m'a fait plaisir.
Aujourd'hui, tu m'as demandé de t'accompagner pour marcher un peu et à présent, tu es au bord de la falaise, tes cheveux flottant dans le vent, et je t'observe de loin, comme tu me l'as demandé. Il y a quelque temps encore, je ne t'aurais pas laissé faire, de peur que tu ne sautes, mais à présent, je sais que tu ne risques rien. Tu sors une pile de photos de ta poche, je n'ai pas besoin de les voir pour savoir qui elles représentent. Tu les as toujours gardées dans une boite de cerisier que tu emportes partout, comme un trésor. Autrefois, tu les contemplais souvent, mais cela fait si longtemps que je n'ai pas vu ce coffret que je l'avais presque oublié. Tu saisis un briquet et mets le feu à l'un d'entre elles, regardant les flammes la consumer et le vent emporter les cendres. Lorsqu'il ne reste plus rien de l'image de la cause de tes souffrances, tu enflammes la suivante et tu recommences jusqu'à ce qu'elles aient toutes disparu.
Tu restes face à la mer pendant quelques instants encore et je m'apprête à affronter une de tes crises de mélancolies, mais quand, enfin, tu te retournes, tu arbores un sourire radieux. Tu me serres contre toi et ta main se perd dans mes cheveux qui ont poussé depuis que tu as banni ma tondeuse. Je souris en repensant à ce moment et m'emplis de ton odeur que j'aime tant. Tu déposes un baiser dans mon cou, puis sur ma joue, et tu t'éloignes un peu pour saisir mon regard. Tu es toujours si rayonnant et cela me remplit de joie. D'une voix tendre, tu dis:
- Je t'aime, Marat.
Je suis trop ému pour réagir, alors tu répètes ces deux mots, comme si je n'avais pas entendu.
- Je t'aime.
Malgré le vent qui transperce mes vêtements, je sens une douce chaleur se répandre dans tout mon être. Je ne pensais pas que deux mots pouvaient me faire tant d'effet, faire battre mon cœur si fort, me rendre si léger, m'emmener si près du paradis. Nos bouches se trouvent, nos langues se mêlent avec tant de tendresse et d'amour que je dois m'accrocher à toi pour ne pas défaillir. Près de toi, je veux vivre chaque seconde.
Fin
_________________
|