Voilà (enfin) mon petit os sur la défaite de Rafa à RG. J'espère que ça vous plaira (et que ça ressemble pas trop à mes derniers os). Attention guimauve! (il me faudrait un panneau comme le "attention lemon"
)
Je les connais pas, je ne raconte pas leur vie, je ne gagne pas d'argent avec cette fic
RéconfortEnfin seul! C'est fou ce que les gens peuvent s'intéresser à vous quand vous perdez! Justement au moment où vous avez le moins envie de voir du monde. J'ai perdu. J'ai toujours de la peine à y croire. J'ai perdu. Contre Söderling. En huitièmes d'un tournoi que j'ai toujours gagné. Ce constat est désolant.
Je passe ma carte magnétique dans le lecteur, mais une lumière rouge clignote. Je soupire et réessaye. Nouvelle lueur rouge. C'est pas vrai, la porte va pas s'y mettre aussi?! Merde, je sais que c'est pas mon jour, pas besoin de me le rappeler! Je glisse une troisième fois la carte dans l'appareil et la lecture échoue une nouvelle fois. Mon poing vient cogner violemment la porte. Je ne suis même plus capable d'entrer dans ma chambre.
C'est comme si cette soudaine colère avait libéré quelque chose que j'ai enfoui depuis la fin du match. Je sens les larmes me monter aux yeux et laisse tomber ma tête contre le bois. Elle le heurte avec un bruit sourd et la douleur s'empare de mon front. C'est le dernier de mes soucis. Je la voulais tellement cette coupe! Et je ne serai même pas en finale.
Les larmes coulent sur mes joues à présent. L'idée que je devrais réessayer d'ouvrir cette fichue porte avant que quelqu'un me trouve dans cet état me traverse l'esprit, mais je n'en ai pas la force. J'ai juste envie de disparaître.
Je sens justement quelqu'un s'approcher. Une voix douce teintée d'un accent russe prononce mon nom, mais je ne réagis pas. Il saisit délicatement ma carte magnétique. Le contact de sa main contre la mienne envoie une décharge électrique dans tout mon corps, mais cela ne suffit pas à me sortir de ma léthargie.
La porte s'ouvre et une main se pose sur mon épaule, me poussant doucement à l'intérieur. Mes yeux n'ont pas quitté le sol. J'avance et me laisse tomber sur le canapé, la tête entre les mains. Marat s'assied à côté de moi et passe un bras autour de mes épaules, sans dire un mot. Il veut probablement seulement me montrer qu'il est là. Je lui en suis reconnaissant.
Mes pensées repartent vers le match. Je revois mes erreurs, je revois cette balle de match et le sourire de Soderling. Cette coupe, ce Grand Chelem s'effacent. Un rêve s'envole. Je suis profondément déçu. Déçu de mon jeu, déçu de moi-même.
- Merde, si au moins j'avais perdu contre Nole ou Rogelio! Mais Söderling…
Je réalise que j'ai pensé à voix haute quand l'étreinte de Marat se resserre. Il approche son visage du mien et murmure à mon oreille:
- Je sais que c'est dur, Rafa, je sais. Mais c'est qu'un match, il y en aura d'autres.
Son souffle chaud contre ma peau envoie un frisson dans mon échine. Je sais qu'il a raison, c'est ce que j'essaye de me dire depuis la fin du match, mais je n'arrive pas à m'en convaincre. Je savais que ça arriverait un jour, mais je n'imaginais pas que ce serait si tôt, et surtout pas comme ça.
- Je sais.
C'est tout ce que j'arrive à répondre, mais ma voix est si faible que je ne sais même pas s'il a entendu.
- Tu veux que je te laisse?
- Non!
Je me rends compte que j'ai dit ça un peu trop fort et avec un peu trop d'empressement. Je rajoute d'une voix timide:
- Reste, s'il te plaît. Si ça… Si ça ne te dérange pas.
- D'accord.
Je me blottis contre lui et pose ma tête contre sa poitrine. Sa chaleur et le rythme de son cœur me calment un peu. Il caresse doucement mes cheveux. Je sais que bientôt, j'aurais un grand sourire et qu'il ne quittera pas mon visage pendant deux mois au moins. Je n'ai jamais osé rêver que Marat prenne soin de moi comme ça. Chaque jour j'espère avoir un regard, un sourire, une conversation si brève soit-elle. Et c'est un miracle que je ne rougisse pas à chaque fois qu'il est là.
La tranquillité de cet instant contraste avec l'agitation qui m'a entouré depuis la fin du match. Tous ces journalistes et leurs questions, se ruant comme des vautours sur l'objet de leurs gros titres de demain. Ils vont tous analyser mon jeu, mon parcours pour trouver une raison à cette défaite. Ils auront tous des explications différentes, mais ils en tireront tous la même conclusion. Cette pensée me fait frémir.
- Ils diront tous que je suis fini, que je vieillis et que mon meilleur jeu est derrière moi. Ils sont prêts à m'enterrer. Et chacune de mes défaites leur prouvera qu'ils ont raison.
- Et quand tu gagneras Wimbledon ils diront que ce n'était qu'une légère baisse de régime. Ne les écoute pas, aucun d'entre eux supporterait le dixième des sacrifices et des efforts que tu fais pour être à ton niveau.
- Ils voulaient tous me voir perdre.
- Simplement parce que ça fait sensation. Les gens sont bêtes.
Je sais tout ça, mais l'entendre le dire me rassure. Comme si j'avais besoin que quelqu'un le dise pour que j'y croie. Mais une douleur dans mon genou me ramène à la réalité.
- Et s'ils avaient raison?
- De quoi tu parles?
- Et si j'étais fini?
- Mais qu'est-ce que tu racontes? Tu n'as que vingt-trois ans et tu es numéro un, c'est pas parce que tu viens de perdre un match que tu ne vas plus jamais rien gagner. C'était pas ton jour, c'est tout.
- Je suis blessé, Marat. Je ne sais même pas si je serai là à Wimbledon. Qui me dit qu'à mon prochain entraînement je ne vais pas m'effondrer sur le court et ne plus être capable de marcher? Qui me dit que la prochaine fois que je verrais mon médecin il ne va pas me dire que je ne peux plus jouer?
- Rafa, je sais ce que c'est, crois-moi, mais tant que tu peux encore jouer, ça ne sert à rien de te ronger les sangs avec ça. Et puis même si tu devais arrêter demain, ça ne changerait rien à tout ce que tu as accompli, à toutes tes victoires. Et surtout, ça ne changerait rien à ce que tu es. Tu es quelqu'un de bien et même sans le tennis tu le serais, n'oublie jamais ça.
Nous restons quelques instants silencieux, le seul son qui me parvient est le battement de son cœur. Sa main se perd dans mes cheveux. Sa présence me rassure. Je crois que je ne me suis jamais senti aussi bien.
Mes sanglots ont complètement cessé, je crois que je les aurais déjà oubliés si le picotement de mes yeux ne me les rappelait pas. Je veux juste penser à l'instant présent, à Marat contre moi.
- Ca va mieux?
- Oui. Merci.
J'aurais peut-être dû répondre non, histoire de faire durer cet instant. Mais il ne semble pas vouloir bouger. Tant mieux. Je lève les yeux vers lui et le voit sourire. Il accroche mon regard et d''un ton moqueur, il demande:
- Qu'est-ce que tu ferais sans moi?
Je plonge dans ses prunelles et d'un ton sérieux, je réponds:
- Je ne sais pas.
Son sourire disparaît et il détourne les yeux. Je sens le rouge me monter aux joues. J'ai peur de ce qu'il a pu lire dans mes yeux, de ce qu'il a pu entendre dans ma voix. Bon sang, pourquoi j'ai dit ça? Je m'attends à ce qu'il parte, mais il reste là à contempler le sol. Je me blottis à nouveau contre lui et son bras se resserre autour de ma taille.
J'essaye de m'emplir de son calme, de sa chaleur, de son étreinte, du bien-être que m'apporte sa présence. Je veux graver ça dans ma mémoire, pour m'en souvenir à chaque fois que j'irais mal. Parce que je sais qu'il n'y aura pas beaucoup d'autres moments que nous passerons seuls cette année. Et que l'année prochaine il ne sera plus là. A cette pensée, ma mélancolie revient, mais je la chasse. Ce n'est pas le moment d'être triste, je ne veux pas gâcher cet instant.
- Rafa?
Sa voix est douce, mais elle est emplie d'une émotion que je ne saisis pas. Je lève yeux vers lui.
- Oui?
- Promets-moi de ne jamais oublier que tu es un homme avant d'être un sportif et de ne jamais laisser tout ça te monter à la tête. Promets-moi de vivre.
- Je te le promets.
Il a l'air mélancolique et ses yeux sont voilés de tristesse. Mon cœur se serre.
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Rien.
- Marat…
Il semble soudain passionné par l'accoudoir noir d'encre du canapé. Il finit par répondre d'une voix mal assurée, sans tourner les yeux vers moi:
- Je… Je n'aime pas l'idée que je ne pourrais plus veiller sur toi.
Mon cœur bat si fort que je ne m'entends plus penser. Est-ce qu'il vient vraiment de dire ce que j'ai cru entendre? Oui, je crois que oui. Je ne pensais pas qu'il se faisait du souci pour moi, je ne pensais pas qu'il voulait prendre soin de moi. Cela va tellement au-delà de mes espérances que je suis incapable de répondre quoi que ce soit. Après quelques minutes, probablement inquiet de mon silence, il pose un regard timide sur moi. J'essaye de lire dans les miroirs de son âme et ce que j'y vois fait encore augmenter le rythme de mon cœur. J'en reste pétrifié. Et si je me trompais? Et si c'était juste mon imagination qui me jouait des tours? Ou mon inconscient qui mettait dans ses yeux ce que j'aimerais y voir?
Ma main tremblante se pose sur sa joue. Je vois une lueur de surprise traverser ses prunelles, puis il a un petit sourire hésitant. Mon pouce caresse tendrement sa peau et il pose sa main sur le dos de la mienne. J'écarte les doigts pour les mêler aux siens et les serre fort. Nos regards ne se sont pas quittés. Doucement, il se penche vers moi et nos lèvres se frôlent avant de demander un contact plus franc. Ma langue trouve la sienne et l'emmène dans une danse tendre et sensuelle qui nous laisse à bout de souffle. Nous nous sourions un instant, puis nos bouches se rencontrent à nouveau. Son étreinte se resserre, affectueuse et protectrice. Je souffle à son oreille:
- Je serais ravi que tu continue à le faire.
J'ai trouvé ma place. Et s'il fallait une défaite pour cela, je suis déçu de ne pas avoir perdu plus tôt.
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