Avis important à la population: la fin n'est absolument pas relue! En plus, je la trouve pas super mais tant pis... Merci à Nasty, elle saura pour quel détail
Un rayon de soleil réveille Billy. L’astre chatoyant a envahi son corps et grimpé progressivement à son visage pour y ouvrir une paupière paisible. L’iris vert se déploie à la claire lumière, mais aussitôt après se cache à nouveau sous la minuscule courbe de chair terminée par de courts cils bruns. Légèrement contrarié par cette agression lumineuse, Billy se hisse un peu plus haut sur le gros oreiller, tenant sous son bras encore endormi une forme ferme. A peine réveillé, flottant encore dans le bain tiède du sommeil, il relève la tête qu’il a appuyée sur un coussin exhalant une douce chaleur et entrouvre à peine les yeux, juste pour entrevoir et reconnaître celui qui est assoupi à son côté. Un pâle sourire de bienheureux s’invite naturellement sur son visage somnolent. Dom est juste là, allongé à moitié sur le dos, à moitié sur le côté, appuyé lui aussi sur l’oreiller moelleux, les yeux simplement clos et la bouche ouverte. Billy sourit un peu plus de ce cocasse instant volé et le resserre de plus belle contre lui. Le visage de Dom tombe contre son front, son souffle va faire voleter les premiers petits cheveux brun clair. Une pression sur le haut du bras de Billy le rappelle à la main qui y est posée. Elle semble le caresser inconsciemment une ou deux fois avant de s’immobiliser à nouveau.
Billy referme les yeux et prend une grande inspiration ; il la relâche très lentement. Il est bien. Il se remémore, juste pour le plaisir, le retour de Dominic la nuit d’avant ; comment ils se sont installés tout naturellement, Dom du côté du mur pour que Billy le protège et soit en quelque sorte assuré qu’il reste auprès de lui ; comment l’oreiller rembourré a accueilli leurs épaules lasses ; comment la petite lampe de chevet brillait doucement pour rassurer leurs cœurs détrempés ; le silence des quelques instants où ils étaient encore trop anxieux pour oser briser une sorte d’équilibre onirique par le son de leurs voix ; et puis, comment ils avaient commencé à se raconter des histoires, des contes de leurs enfances ou des légendes africaines, enfin, des récits merveilleux, juste comme ça ; parce que cela leur convenait ; le retour des premiers touchers avec l’arrivée de l’averse, initiés par Dominic, bien sûr ; les légères crispations du début ; les longues caresses dans son dos ; comment ces gestes le rendaient tout palpitant de l’intérieur et comment il devait se faire violence pour ne pas stopper son histoire et se répandre littéralement sur le ventre pour mieux en profiter ; le visage de Dom éclairé par la lueur chaude, ses yeux seuls restant turquoises, tandis qu’il lui narrait un mythe indien à voix basse, et comment cela sonnait grave et délectable à son oreille par-dessus la venteuse pluie de gouttes froides contre la baie vitrée ; comment Dom avait commencé à couvrir son visage de baisers, alors qu’il avait repris depuis quelques minutes le flambeau du conteur ; comment lui, amusé, avait dû tout d’abord y échapper en tentant de garder son mauvais auditoire à distance ; puis, comment il avait finalement abandonné la partie pour laisser faire Dominic.
Il avait alors pris conscience que Dom parvenait à exprimer plus de choses avec sa bouche qu’avec tout le reste de son corps. Celle-ci savait aussi bien raconter une foule de chose en narrant une histoire avec un talent captivant qu’en se posant doucement sur sa tempe, ses paupières, son nez, exprimant par ce qui semblait être une chaude et douce cartographie de ses traits des pensées que Billy percevait et qui le consumaient de reconnaissance. Il se remémore comment il avait commencé à répondre, ses lèvres effleurant à peine la peau rugueuse ; les étreintes qui avaient suivi… si troublantes que le sang pulse encore dans le corps de Billy à leur seul souvenir ; la lumière que Dom avait éteinte pour pouvoir lui murmurer des mots particuliers ; doux, mais qui n’avaient rien de commun ; passionnés, mais qui n’avaient rien d’inconvenant. La plupart se perdaient entre deux caresses sur la joue, entre deux baisers sur de la peau brûlante, et mouraient en étant à peine prononcés… certains étaient allemands, et sonnaient plus agréables et intrinsèques encore que tout le reste à son oreille.
Billy sursaute soudain. Au milieu de ses demi-songes, il lui semble avoir entendu un bruit. Il rouvre les yeux et écoute… mais rien de plus ne vient troubler le silence cotonneux de la maison. Peut-être à la suite de son tressaillement, Dominic maugrée quelque peu et attire un peu plus Billy contre lui. Celui-ci en profite pour se nicher davantage encore, se ménageant une petite place douillette parmi les plis du tee-shirt, répondant par un petit soupir d’aise.
C’est à ce moment-là qu’on frappe vivement à la porte.
Billy tressaille à nouveau vivement mais Dom, lui, décolle pratiquement du matelas avant d’être vite rassuré par sa moitié.
- Good morning !
Elle vient d’entrer. Alison. Plus resplendissante que jamais dans son chemisier vert pomme et son pantalon noir. Elle porte toujours sa veste de voyage, noire aussi, et semble n’avoir eu que le temps d’abandonner sa valise dans l’entrée. Ses prunelles d’un marron profond pétillent plus encore que d’habitude et sa chevelure blonde, si elle a eu le temps de pousser jusqu’à lui tomber sur la nuque, est toujours aussi hérissée. L’éveil subit n’empêche pas les deux paires d’yeux bleus et verts de se figer dans une expression si hagarde qu’elle en serait presque comique… pour d’autres. Ally, surprise elle aussi, éclate d’un rire joyeux.
- Billy ! Other ones already had thrown you a vase in the gob!
A en juger par la crispation de sa lointaine ébauche de sourire, Billy ne semble pas trouver cela aussi drôle.
Alison s’approche néanmoins pour lui donner un baiser court mais franc sans qu’il n’ait encore rassemblé l’ensemble de ses idées. Dom, jusque là comme hypnotisé, détourne pudiquement les yeux.
- Hello, Dominic! Shouldn’t you be in Manchester, today?
Sans attendre la réponse, la tornade piquetée repart aussi rapidement qu’elle est apparue en lançant :
- I’m gonna prepare me a giant breakfast! If you wanted to eat something, hurry, because I’m starving!
Passé le choc, le malaise. Seigneur, mais qu’est-ce qui vient de se passer ? Ca n’était pas censé se dérouler comme ça ! Billy jette enfin un regard de détresse à Dominic qui foudroie d’un air vide et sombre la porte de la chambre, entrouverte comme une plaie.
- Dom…
Billy roule à nouveau tout près de son acolyte, mais celui-ci lui adresse un bref sourire tout en se redressant. Billy le regarde, déçu, sortir des couvertures et l’enjamber pour se lever. Boyd se met à son tour debout, tant bien que mal, pendant que Dominic lisse grossièrement son tee-shirt d’une insolite coloration poivre et sel et se dirige vers le couloir. La gorge de Billy se serre tandis que sa moitié disparaît derrière l’encadrement. Pourquoi ? Mais pourquoi juste maintenant ?
- Shit, lâche l’Ecossais entre ses dents en renfilant prestement son pantalon.
Lorsqu’il arrive dans la pièce principale, Ally est déjà attablée devant le reste tiédi des pancakes de la veille et un grand verre de jus de fruit. Un œuf cuit dans une casserole d’eau, sur la plaque électrique. Mais pas trace de Dominic.
Et puis soudain, le revoilà, descendant les marches de l’escalier avec ses baskets, sa veste en jean et son sac, et l’expression de Billy, ahurie depuis son réveil, ne s’améliore pas à cette vue.
- Where are you going ?
- I go ; it’s time. And that’s true: I should be in Manchester now.
- But…
- Bye-bye, Ally!
Dom a déjà rattrapé la rampe et grimpé la première marche.
Mais Billy, las d’être dépassé par les évènements depuis le matin, se saisit de la manche en rude tissu avec la même vélocité.
- Dom, why d’you do that ?
Le ton est coléreux. Le bruit des couverts cesse soudain. Ce sont des yeux perdus qui traversent ceux de Billy. Les sourcils à la fois froncés et crispés sur les deux aigues-marines brisées donnent à Dominic un visage que son vis-à-vis et frère lui a très rarement connu. Devant le courroux et l’incompréhension de l’expression de celui-ci, Dom ouvre péniblement la bouche.
- I… I have to go, Bill.
- No, you’ve not.
Le petit minois est furieusement déterminé. Les prunelles pistaches sont sans réplique sous le front volontaire. Dom commence à sentir la sueur perler sur sa nuque.
- I have to leave you and Ally alone…
- NO! You have not.
Dominic sent son poids peser un peu plus sur la main courante sans laquelle il aurait grand peine à se tenir là. Il cherche une autre réponse à Billy, mais comme ses yeux s’égarent ailleurs que dans ceux, trop durs, de son ami, il voit Ally, toujours assise à table, la fourchette piquetant un morceau de pancake caoutchouteux toujours en main. Elle fixe son amant avec une profonde tristesse dans ses prunelles sombres qui semblent être ébranlées par un choc définitif mais… comme sans surprise. Elle fait peine à voir, et l’expression de Monaghan ne s’en défait que plus.
Billy se retourne alors, sans lâcher Dominic. Alison repose sa fourchette, repousse son assiette, et se lève de table. Tout naturellement, elle traverse la pièce et s’approche d’eux. Décalant gentiment Dom sur le côté, le faisant redescendre sur le sol, elle grimpe l’escalier de son pas léger et dynamique. Ce n’est qu’alors qu’elle disparaît à l’étage supérieur que Billy lâche la manche de jean et grimpe quatre à quatre à sa suite, un mauvais pressentiment s’emparant de tout son cœur.
- Ally, whad are you doing ?
Dominic, resté en-bas, se sent plus que jamais comme un berger allemand au milieu d’un jeu de quilles. Il entend ses deux amis, en haut de la mezzanine :
- Ally, what… what…
- C’m on, Bill ! ‘Doesn’t matter !
- But… What are you… Oh, for God’s sake, What happens today ?!
- Calm down, boy! It’s not the end of the world… it’s even the contrary for you! See you!
- But why…
La porte vient de se clore fermement devant un Billy hagard. Dominic se précipite à l’étage pour voir par la porte vitrée une Chrysler se lancer à l’assaut de la pente de graviers, devant la maison. Billy voit des larmes embuer ses yeux océans tandis qu’il saisit ses lèvres dans ses doigts, soutenant son coude de son autre bras replié sur son ventre.
- Fuck, Billy… I am sorry… I’m sorry.
- Oh, don’t be sorry. You’re absolutely not responsible, and I suppose it’s a logical conclusion.
Le sac de Dominic retombe sur le carrelage dans un bruit mou. Il se détourne et va faire quelques pas sur la mezzanine, caché sous son capuchon pour pleurer doucement. Billy a pleuré aussi, mais à cette vue il essuie rapidement ses trois larmes et soupire. Il s’approche de son éternelle moitié et va se planter face à lui pour lui rabaisser sa capuche sur la nuque.
- Hey, I come to be chucked, and you are crying…?
Dom sourit doucement. Billy, satisfait, propose :
- Well, do we continue this story ?
Cette fois, c’est Dominic qui croise ses doigts dans ceux de l’Ecossais pour le conduire en-bas.
Et dans la casserole, l’œuf vient d’éclater.