Avant toute chose, Gredounette si tu passes par là, je suis désolée d'ajouter une fic à toutes celles que tu dois lister. Pairing surprise et cette fois j'y tiens.
PG-13
C'est un OS, pas de suite même si vous demandez. Et pis même que Narya elle l'a pas lue et est même pas au courant... *contente de faire une surprise à sa chirie*
Et me tapez pas parce que j'écris ça à la place de BI, hein ? Ohhh non mais j'me méfie, les lectrices sont parfois du genre... rancunières. lol
*****************************************
Eamon porta la petite bouteille à sa bouche, but lentement au goulot et soupira :
-Alors ?
-Fais chier.
-Alors ?
-Depuis le début ?
-Tant qu'on y est, pourquoi pas ?
Il prit quelques cacahuètes, étendit ses jambes sur le sofa en grognant et but une nouvelle gorgée, retenant un sourire moqueur. Il était curieux d'entendre toute l'histoire.
-Ben quoi, ouais j'suis allé à c'te soirée avec Jamie et Michael. Ca avait l'air sympa. Y'avait des bons trucs à boire, à bouffer...
-A baiser.
-A baiser aussi ouais. Et puis tu sais que ce putain de tournage était chaud ! J'avais envie de décompresser. Ca me gave que tout le monde me rappelle Don Johnson, et blablabla sois à la hauteur... Michael est sympa mais Jamie me fait pas confiance.
-Je sais, je sais... tu m'en as parlé.
-J'suis arrivé assez tôt dans la soirée, c'était pas encore vraiment commencé, y'avait juste quelques personnes dans le coin lounge alors j'me suis carré au comptoir avec une bonne bière bien fraîche...
-J'aime ton sens du détail, pouffa l'ainé.
-T'arrêtes de m'interrompre, oui ou merde ?
-Ca va, ça va, vas-y.
Quelques gorgées de Guiness, quelques gorgées de Famous Grouse. Les deux frères se jetèrent des regards boudeurs.
-J'suis resté au comptoir quelques temps à repérer un peu le terrain quand une petite minette est venue me brancher.
Un léger sourire s'étendit sur les lèvres du plus jeune.
-Elle était sacrément canon, petite robe noire genre "j'ai rien en dessous", cheveux noirs, yeux noirs... c'est l'amérique du sud après tout. Le genre latine déjà chaude avant que tu l'aies regardée. Tu vois c'que...
-Bof, répondit Eamon en soulevant les sourcils, car ce n'était pas son truc.
-Et donc elle se met à côté de moi et commande un whisky, t'aurais vu comme elle se l'est enfilé. Y'a pas que ça qu'elle s'enfile aussi vite d'ailleurs mais j'te dirais après.
-Mouais pour ça passe moi les détails.
Colin eut un grand sourire provocateur et tira la langue à son frère.
-Haaa ça te dégoûte les chattes, hein ?
Eamon fit la grimace et se cacha derrière ses mains en riant. Il recula en donnant un coup de pied à Colin qui riposta par deux coups de poing. La bière et le whisky giclèrent.
-Connard...
-Allez continue, j'ai pas qu'ça à foutre de t'écouter p'tit pédé !
Colin planta son regard dans celui de son frère. Il n'était qu'à quelques centimètres de son visage.
-J'me casse alors !
-Pfff prend pas la mouche, j'veux savoir comment t'en es arrivé là.
Eamon n'avait pas peur que son imbécile de frère s'en aille, cela se voyait dans ses yeux qu'il avait envie de parler ! Le danseur reprit une place confortable dans le sofa et s'alluma une nouvelle cigarette avant d'encourager Colin d'un léger mouvement de la main.
-Bon, quel rapport entre ta bombe et...
-J'y viendrai. Après ! grogna Colin. Donc elle commence à me parler, de trucs que j'ai pas captés, plein de choses... moi j'la regardais surtout. Elle s'appellait Gianinna, on s'est entraînés à le répéter pour qu'elle voit mes talents en langue. Et j'ai eu le malheur de dire qu'elle devrait pas traîner avec moi parce que j'avais une mauvaise réputation. Tu sais à quel point ça les excite les bad boys... non, non, je sais que tu sais pas mais fait comme si ! J'pensais que ça la chaufferait. Mais la voilà qui commence à me faire de la psycho à deux balles "Oh mais tu sais, la drogue on peut en sortir, avec de la volonté et de l'amour -là j'te dis que j'ai flippé sur ce mot !- on peut toujours arriver à tout. Mon père était accro à la coke et il s'en est sorti. Tu verras tout à l'heure c'est un mec bien. -L'horreur j'me dis, elle veut me présenter à son vieux alors que j'l'ai même pas encore sautée ??!! J'm'apprêtais à partir au mot "mariage"- Il a beaucoup souffert, il a été une idole pour une génération de footballeurs mais après, une merde l'a poussé dans la drogue et ça a été dur pour lui. Et pour nous tous." Sérieux, elle me gonflait un peu, j'suis pas l'Armée du Salut du Coeur. Du cul à la rigueur...
-Prétentieux !
-Ne parle pas de ce que tu connais pas, Eamon, plaisanta Colin. Un jour que j'serai bourré tu verras si j'suis pas la bête qu'on prétend.
-Pourquoi bourré ? continua l'ainé sur le même ton.
-J't'emmerde. Alors comme j'te disais, elle me parlait de son père, et de son père, et encore de son père, un pauvre type complètement camé qui avait la blanche qui lui sortait du nez, et qui allait bientôt se joindre à nous. Ca s'annonçait bien la soirée avec un ex footballer qui sniffait la poudreuse plutôt que de surfer dessus. Je l'écoutais en espérant qu'à la fin j'aurais bien une récompense pour ma patience quand Michael est arrivé, il avait l'air ravi de la voir. Il m'a dit "Ahhh mais je vois que t'as fait connaissance avec Miss Maradonna !" Je suis resté... sur le cul ! J'ai cru que j'avais mal entendu mais j'étais pas encore assez bourré pour pas faire le lien. Forcément, son père... le drogué... c'était Diego ! s'exclama Colin comme si son frère n'avait pas compris. Quand j'ai réalisé ça ça m'a fait un choc, tu comprends bien ! Michael voulait qu'on aille sur des banquettes dans un coin avec lui mais j'l'ai viré pour parler encore avec Gianinna. J'pouvais pas laisser passer une telle chance, j'avais les jetons ! Alors j'ai demandé s'il allait vraiment venir et elle a dit oui. J'suis sûr qu'elle a capté que j'étais nerveux. J'allais rencontrer Maradonna !!!
Eamon acquiesça. Il se rendait compte de ce que cela représentait pour son frère. C'était un mythe de son enfance. Quand ils étaient gamins, Eamon avait très tôt montré un goût plus prononcé pour la danse, l'expression corporelle et toutes ces choses que les petits garçons ne font pas, refusant les sports "de mecs" et la compétition. Leur père en avait été très déçu. Beaucoup de pères espèrent aussi un copain dans leur fils. Mais plus tard Colin avait rétabli l'équilibre en se passionnant pour le football. Etait-ce une vraie passion ou un simple intérêt trop largement encouragé par leur père ? En tout cas, Colin ne s'était jamais plaint, cela avait toujours été pour lui un moyen de se défouler. Il avait aussi eu pour projet d'en faire son métier. Comme tous les enfants, il avait eu besoin d'une idole, et quand leur père se faisait trop paternel et autoritaire, trop chiant, Colin se réfugiait mentalement chez son autre footballeur préféré. Maradonna était devenu un dieu dans son genre alors que Colin n'avait que dix ans. Combien de fois s'était-il écrié à son club de foot, après avoir marqué un but, un triomphal "Je suis le nouveau Maradonna !!!", ce que leur père n'avait bien sûr jamais su sinon il se serait vexé. Eamon eut un sourire attendri en repensant à ces années passées, si douces pour son frère (mais si dures pour lui).
-Donc tu t'es retrouvé super content... surexcité dans le fond d'une boîte en Argentine à te dire que t'allais rencontrer la star.
-C'est... c'est normal, non ? répliqua Colin, enflammé par le souvenir de la soirée. A part lui et le Père Noël, aucune homme n'a été aussi magique pour moi !
Il eut un léger instant de réflexion et concéda :
-Et toi aussi, bien sûr.
Eamon retint un sourire touché.
-Continue.
-Ouais. D'un coup tout c'qu'elle avait dit avant, je l'ai compris. Ca prenait une autre dimension. C'était pas n'importe quel shooté, c'était pas comme Jay et ses rôles, non c'était Maradonna ! J'lui ai demandé de m'en parler encore. J'avais envie de savoir, sa vie, comment il était tombé dedans, comment il était sorti. Est-ce qu'il avait vraiment tout arrêté ? Et ses trente kilos de perdus... elle m'a tout dit. Elle l'aimait énormément, ça se voyait. C'était trop cool de tout savoir de lui. Tu sais, c'est un mec qui a vachement morflé dans sa vie. Ca l'a mené très bas. Ca m'a rappelé plein de choses. Avant... quand j'allais mal. J'me suis rendu compte à quel point lui et moi on était proches ! On se ressemble beaucoup par certains côtés. Il avait besoin de gens ! Des autres. Comme moi. C'était... c'était un cercle vicieux pour lui aussi.
Eamon hocha tristement de la tête. Il ne pouvait pas supporter d'entendre parler de ces années de souffrance.
-Il souffrait, il en voulait plus... ça le tuait mais il en voulait encore plus. Et quand elle me racontait ça, ça me faisait mal aussi. J'avais mal pour lui, et mal de rien faire, de n'avoir rien pu faire alors que ce mec avait de loin fait tellement pour moi quand j'étais gamin. C'étaient ses matches, ses posters qui me donnaient envie d'avancer. Et elle me racontait tout ça, j'entendais plus ni la musique, ni les gens, je voyais pas défiler les bières. Quand elle s'arrêtait j'en voulais encore. J'avais beau me persuader que pour lui c'était fini, enfin apparemment c'était définitivement fini... je ressentais trop ce qu'il avait vécu. Et je vivais avec elle ce sentiment de ne rien pouvoir faire...
Il regarda ses mains tournées vers le haut comme si elles avaient été coupables.
-On se sent tellement impuissant ! On ne sait pas quoi faire, y'a rien à faire ! affirma-t'il d'un ton emphatique en regardant son frère.
D'un coup leurs regards se croisèrent et il s'arrêta. Il comprit qu'il était allé trop loin. S'en voulant terriblement, Colin tomba dans les bras d'Eamon, prit son visage à deux mains et l'embrassa sur le front.
-Excuse-moi mec... excuse-moi j'aurais pas dû dire ça...
-Pas besoin de donner les détails, je sais c'que ça fait, répliqua Eamon en l'attirant contre son épaule.
-Excuse, j'suis vraiment trop con.
-Mais non, ça va. Ca va. Continue. Je veux tout savoir.
Colin se blottit un peu mieux, les pieds sur le sofa, une poignée de cacahuètes dans une main, son whisky dans l'autre. Il soupira profondément. Se replongea dans le souvenir.
-Elle m'a parlé de son père pendant longtemps. Je sais pas... une heure, peut-être plus ? Et puis elle a reçu un texto. C'était lui. Il était encore à son hôtel mais il allait pas tarder. Alors elle s'est remise à s'intéresser à moi. C'était bizarre. C'était... comme si elle avait été deux filles à la fois. J'étais bouleversé. Surexcité et terrifié. Le voir, quoi ! Elle a demandé si j'allais la suivre dans les toilettes. J'ai dit "ok". La seconde d'avant elle était la fille à son père, marrante, courageuse, triste. J'étais triste aussi... tout ce qu'elle m'avait raconté m'avait un peu sapé le moral. La seconde d'après elle était en train de me sucer à côté d'une nana qui se repoudrait le nez... enfin je crois que c'était une nana.
Il y eut quelques secondes de silence. Eamon demanda, pour alléger l'atmosphère :
-Elle était douée ?
-Ni plus, ni moins qu'une autre... ça allait. J'avais pas la tête à ça. J'avais peur. Tout c'qu'elle m'avait dit sur lui ça tournait dans ma cervelle. Je trouvais ce mec encore plus terrible qu'avant. C'était un dieu et un homme à la fois. Tout plus que moi. Moi en pire, en mieux. Plus doué, plus paumé. Plus riche, plus vieux, plus... Mais quand le plaisir est monté j'ai pensé... j'étais plus crispé sur ma trouille... alors j'ai pensé que c'est vraiment le meilleur moyen de se détendre de faire ça. Ca fait un putain de bien ! Ca me rendait zen pour un moment. Tu penses plus à tes problèmes, à tes souffrances, t'en profites juste. Et quand j'ai explosé j'me suis dit que quelqu'un aurait dû lui faire ce plaisir. Qu'avec tout c'qu'il avait vécu peut-être qu'il était la personne qui le méritait le plus.
-Tu... délires là ?
-Non ! s'indigna Colin le plus sérieusement du monde dans un sursaut. Tu t'es déjà fait tailler des pipes non ? T'sais bien que...
Eamon émit un petit bruit de gorge et demanda d'une voix inquiète en cachant difficilement une grimace dégoûtée :
-Hey mec me dis pas que t'as...
-Non, je n'ai pas.
Colin avait dit cela d'un ton sec et boudeur. Il fit la moue.
-Non je n'ai pas mais t'es mal placé pour parler.
-Ouais mais... oui j'ai déjà fait ce genre de trucs à des mecs mais pas... enfin... il est quand même plus tout jeune !
-Ta gueule, grogna Colin, avachi contre son flanc, en lui donnant une gifle sur la cuisse. J'te dis que j'ai pas fait.
Court silence. Soupir.
-Et j'étais perdu dans mes pensées, en train de me remettre, contre le mur des chiottes à côté du miroir avec deux filles qui se paluchaient dans un coin et une autre plus loin qui pissait debout, quand on a entendu un grand éclat de rire dehors. Comme l'éclat de rire du Père Noël tu vois l'genre ? Rauque, rassurant. Mais même ce rire il avait l'accent. Elle m'a fait "Oh c'est papa !". Et puis "J'y vais, excuse-moi je passe devant, je dois rester présentable, je suis toujours sa p'tite fille !" avec un sourire qui t'aurait rendu hétéro. J'étais dans les vapes. J'l'ai suivie. Et après ça a été... whoaw ! Ca a été... on est arrivés, Gianinna m'a présenté. Il était vachement plus petit que dans mes souvenirs mais il dégageait quand même quelque chose de puissant. Il m'a braillé un "AHHHH COLIN FARRELL ! DEPUIS LE TEMPS QUE J'ENTEND PARLER DE TOI !" J'ai pas compris mais il a regardé sa fille d'un air entendu. Puis il a repris "MA FILLE ELLE AIME BEAUCOUP CE QUE TU FAIS ! TON FILM DANS LA CABINE DE TELEPHONE LA..."...
Colin se redressa d'un bond sur le sofa.
-Putain Eamon tu te rends compte ! Il connaissait un de mes films !
-C'est cool ! répondit Eamon avec un sourire.
-Même s'il l'avait pas vu c'est pas grave... il le connaissait ! Il savait que j'avais joué dedans, moi ! Il parlait vachement fort. Je sais pas si c'était pour se faire entendre, y'avait pas mal de bruit mais...
Grand sourire ravi.
-Mais c'était aussi une grande gueule. Comme j'l'imaginais. Alors il a regardé un peu partout, y'avait une table de libre donc il y est allé en nous parlant toujours. Il nous a demandé comment on allait... il nous l'a demandé à tous plusieurs fois. C'est un mec super chaleureux. Chaque fois qu'il voyait quelqu'un il lui serrait la main, lui faisait la bise ou lui donnait des grandes accolades en parlant fort. Mais il ne les invitait pas à le suivre. Moi comme il me parlait j'étais bien obligé de le suivre. Il a dit qu'il adorait mon chapeau. Puis mes boucles d'oreilles mais ça c'était de l'humour. Il parlait pas anglais super bien, enfin c'était pas mal.
L'ainé se retint de dire à quel point il trouvait adorable que son petit frère se souvienne de tant de détails.
-Et comme j'savais pas si je devais rester avec eux ou retourner avec Jamie et Michael, j'suis resté à côté de la table, il m'a tendu un billet en me demandant d'aller lui chercher un Cuba Libre, ce qui l'a bien fait rire comme nom de boisson. Et il m'a dit de me prendre ce que je voulais. Ca s'fait pas d'habitude ! J'avais l'impression de réaliser un rêve de gosse... il me traitait comme un gosse c'était tellement génial !
Eamon se mordit la lèvre pour ne pas rire.
-Comme les ramasseurs de balles. Tu t'souviens comme on fantasmait d'être sur le terrain ? Là je l'avais en face de moi. Il m'a donné son billet. Je lui ai pris son verre et j'ai commandé la même chose pour moi, j'aurais pas pu boire autre chose, ç'aurait été... ç'aurait pas été vivre le rêve jusqu'au bout ! Tu vois c'est comme si toi tu rencontrais Nijinsky, que tu couchais avec et que tu mettais une capote, ça serait gâcher le fantasme et pas en profiter !
L'ainé fit la moue, donna une claque sur la tête de son irresponsable de petit frère et rectifia :
-Si j'avais l'occasion ô combien jouissive de me taper Nijinsky, vu où il a traîné, je prendrais toutes mes précautions... et t'as intérêt à faire de même, p'tit con ! C'est pas moi qui vais te dérouler la capote sur la bite à chaque fois ok ?
-Tu fais chier...
-Je suis sérieux Colin ! répliqua Eamon d'un ton ferme.
Colin releva sa main droite, majeur dressé. Il déclara en silence, imitant son frère au même instant :
-Si tu ne le fais pas pour toi, fais le au moins pour ton frère et ton fils.
Le danseur soupira bruyamment, but une gorgée et enfonça son genou dans les reins de son cadet pour l'encourager.
-Et ensuite ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
-Quand j'ai été à sa table il m'a invité à rester comme si c'était vachement normal. J'étais au même niveau que ses proches. J'étais comme son fiston spirituel ! Y'avait un jeune avec nous, je sais toujours pas qui c'est.
-Son gigolo ? suggéra Eamon.
-Putain Eamon ! Tu salis vraiment tout ! Non je sais pas qui c'était. Moi en tout cas j'étais subjugué. On a pris des photos ensemble. Il avait l'air de me trouver sympa. Moi j'aurais aimé lui parler sérieusement tu sais. Vraiment. Lui parler des choses qui me tenaient à coeur mais y'avait plein de photographes, c'était lourd. Alors j'ai bu. J'ai beaucoup bu. Au moins, après j'étais bien. J'étais dans un bon état... j'osais lui parler aussi.
Colin remonta un peu sur l'épaule de son frère, le regard vague.
-Tu crois que j'suis homo ?
-J'en sais rien, mec.
-Un peu homo ? A moitié... genre... ou un quart... c'est bizarre... un tiers gay.
-Non, t'aimes les filles. J'sais pas ce qui t'a poussé à faire ça mais...
-C'qui m'a poussé ? J'voulais lui dire qu'il comptait pour moi. J'voulais lui dire qu'il était un mec bien.
-Euh...
-La musique était trop forte. On pouvait pas être sérieux. Il m'a demandé si j'aimais l'Amérique du Sud, puis ce que je foutais là. Oh, t'aurais vu ça ! Il a eu l'air super content quand il s'est souvenu de Miami Vice. Il m'a dit que c'était une très bonne série et que j'étais un peu jeune pour faire Sonny... rends-toi compte !!! Rends-toi compte dedieu !
-Je me rend compte, Colin, t'excite pas.
-Puis il m'a demandé dans quoi d'autre j'avais joué, même s'il connaissait pas les autres films parce qu'il n'a pas vraiment le temps d'aller au ciné et j'ai réussi à lui parler de papa, mais pas trop. Je voulais pas qu'il ne pense qu'à lui et pas à moi.
Eamon but avec une moue amusée. Cela pouvait sembler égoïste mais tout le monde aurait fait de même, inutile de se leurrer.
-On a parlé de foot, il avait l'air vraiment passionné, mais après y'en a d'autres qui sont arrivés et j'ai perdu la vedette. Enfin j'veux dire tout le monde me parlait, sauf lui. Ca m'a gonflé. J'avais pas envie de leur parler et de m'entendre dire "Alors t'as gagné ton procès pour ta vidéo de cul ?" ou "Tu t'es tapé combien de meufs dans ta vie ? Comment tu fais ?"...
-C'est vrai, on se demande bien comment tu fais, approuva le grand frère.
Colin releva les yeux vers lui en souriant.
-Donc j'ai passé la plupart de mon temps à ignorer les casse-couilles et à essayer de discuter avec Diego. Ca servait carrément à rien. Comme il s'occupait plus de moi, je m'ennuyais ferme. Je voulais qu'il me raconte la Main de Dieu. Qu'il me dise ce à quoi il avait pensé à ce moment-là et s'il croyait vraiment que ça allait marcher. Tous les journaux people disent que je suis culotté mais c'est rien rapport à lui ! J'avais la Main de Dieu en face de moi Eamon ! s'exclama-t'il en louchant sur sa paume pleine de cacahuètes, en faisant tomber quelques unes au sol dans son excitation. La main de Dieu... répéta-t'il d'un ton solennel.
Eamon visualisait très bien son cadet, boudeur, dans son coin sur la banquette en train de ruminer parce qu'il n'avait pas son histoire. Il lui caressa la tête dans un mouvement vif, comme on fait à un chiot pour jouer.
-Et tu as voulu goûter à la langue de Dieu...
-C'est toujours meilleur que la langue de boeuf ! J'ai pas compté les verres, Whisky, Cuba Libre, Guiness... un paquet de mélanges. Ca me faisait passer le temps. Michael et Jamie se sont joints à nous après. Y'avait de plus en plus de monde autour de nous. J'arrivais pas à capter son regard. Même si tout le monde me sortait des conneries j'avais l'impression d'être seul dans la boite. Même c'te garce de Gianinna... elle allumait le jeune à côté là... j'suis sûr qu'il était puceau en plus ce p'tit con.
-Jaloux !
-Enfin honnêtement, j'm'en fous. Elle m'intéressait pas. Ce que je voulais c'était son père...
-Ah ben ça a le mérite d'être clair.
-Oh tu vois le mal partout, putain d'sale pervers ! T'aurais été pareil à ma place. C'était le bordel. Tous ces gens l'aimaient pour son image. Il a beau être un footballer, un super champion, et tout, et tout, ben c'était avant tout un homme comme nous avec des yeux, une bouche, des mains, des pieds... et personne avait l'air de le capter. Ils étaient tous là à le faire chier. C'était lourd l'ambiance. J'avais envie de lui dire "Je suis pas comme eux, Diego. Moi j't'aime pour ce que tu es. Tu es un génie mais j'adore aussi le mec qu'il y a derrière." J'pouvais pas lui dire ça. Déjà parce qu'il m'aurait pas entendu, personne aurait pigé et puis... j'avais envie de faire plus. Plus fort, plus scandaleux, plus compréhensible ! C'était pas la première nana à qui tu dis n'importe quoi pour qu'elle finisse dans ton lit, non, c'était Maradonna !
Il avait prononcé son nom avec un très fort accent.
-Pour une personne aussi exceptionnelle il fallait un traitement d'exception ! J'voulais pas être avec lui, ni coucher, ni quoi que ce soit de glauque... j'voulais juste voilà quoi. Lui faire comprendre toute l'admiration que je ressentais pour lui. Alors j'ai pas trop vu venir le coup en fait... ça s'est passé très vite...
Sa respiration s'accéléra, son coeur se mit à battre rapidement au souvenir.
-La musique était toujours aussi forte mais y'a eu un léger moment de répit. Y'a plusieurs gars qui se sont tirés au bar en même temps. Gianinna allumait toujours le p'tit jeune... alors j'me suis relevé comme ça, j'ai mis ma main sur sa joue vachement vite pour pas qu'il devine trop tôt et m'interrompe...
et j'l'ai embrassé. J'ai fermé les yeux très fort. Il avait un goût d'alcool et de clope. J'ai gardé les yeux fermés, j'suis resté collé à lui et je me suis concentré pour lui dire à quel point j'le trouvais génial. Qu'il était mon idole ! Je l'ai pensé de toute ma tête, j'voulais que ça se transmette à lui, qu'il pige ça ! J'imaginais... j'sais pas... une sorte de connection super puissante entre nous ! Il a pas bougé, je saurais pas dire combien de temps ça a duré. Trop longtemps et pas assez. Et puis j'ai eu comme un tilt dans ma tête. Quelque chose de trop bizarre... j'ai rouvert les yeux et j'ai eu une explosion de lumière blanche... sur le coup j'te jure j'ai vraiment cru que c'était quelque chose de surnaturel, que je venais de faire de la magie, encore plus fort que de la télépathie... !
Colin soupira profondément et se laissa tomber contre l'épaule de son frère. En le regardant tristement il murmura :
-Mais c'étaient que les flashes des photographes. Rien de plus.
Attendri, Eamon lui caressa les cheveux sans un mot. Colin baissa la tête. Un court instant ils restèrent silencieux. Le plus jeune ne semblait plus avoir le goût de boire. Enfin il reprit son histoire.
-Et en fait... après... quand j'ai réalisé ce que j'avais fait et que dès le lendemain ça serait sur le net... j'me suis senti con. J'ai espéré... je l'ai regardé avec mon air de chien battu, tu sais, celui que t'aimes bien... je touchais toujours sa joue. Il a posé sa main sur mon poignet pour me faire lâcher prise, il m'a regardé droit dans les yeux et il a dit d'un ton que j'saurais pas expliquer... "Non petit, on aime pas trop ça dans la famille"... ce "ça"... comme il l'a prononcé... d'un air dégoûté... j'me suis senti... mal ! Si mal ! Et... et honteux, et sale aussi ! Il m'a regardé froidement et puis il s'est tourné vers les journalistes, a éclaté de rire et a dit que l'alcool commençait à faire son effet, que j'étais bourré et qu'il avait d'autres clubs à visiter. Gianinna a toussoté genre comme pour lui dire qu'il oubliait quelque chose alors c'est là qu'il a fait les photos avec moi, celles que t'as vu, il m'a filé son maillot, dédicacé et tout... et moi j'voulais... j'voulais pleurer, gémit Colin en enfonçant son visage au creux du cou de son frère.
Eamon sentit son coeur se briser en entendant les légers sanglots étouffés. Il resserra sa prise, impuissant.
-Colin... allez pleure pas...
-J'voulais pourtant rien de bien méchant ! protesta l'acteur en relevant la tête, les yeux rougis. Je voulais rien qu'un putain de moment avec lui ! Je pensais qu'il serait... j'me suis trompé. J'suis pas gay, j'voulais pas me le taper ! Juste passer un moment avec lui, le comprendre, lui parler d'homme à homme. J'ai cru qu'il était différent. Qu'il pourrait me voir comme quelqu'un. Pas forcément comme un ami non, j'en demandais pas tant, mais...
Eamon se décala un peu pour le regarder. Il prit son visage entre ses mains et argumenta :
-Colin, t'es jeune, et t'as déjà fait plein de films, des grands films. Je suis sûr que quelque part dans le monde, il y a un p'tit mec ou une p'tite fille qui a des posters de toi dans sa chambre et qui rêve d'être toi ! Tu n'es pas "ça"... tu es un super acteur, tu es une star et tu le resteras...
Il soupira.
-Quand Jimmy sera assez grand, et ça arrivera bien vite, il sera très fier de son papa acteur et là tu auras la preuve de ton talent. Il sera fou de toi et de tes rôles. Tu verras, j'te promet qu'il sera fier comme tout ton p'tit bout.
-Tu crois vraiment ?
-J'en suis sûr !
Eamon l'attira contre lui. Il lui fourra quelques cacahuètes dans la bouche pour le faire taire.
-On est déjà tous très fiers de toi !
Colin se tut un long moment, le silence seulement troublé par le bruit de ses dents sur les cacahuètes. D'une voix hésitante il souffla :
-Tu... je suis bi tu crois ?
-Nooon, souffla Eamon qui avait pourtant la ferme conviction que tout être humain avait plus ou moins en lui une certaine part de bisexualité, plus ou moins développée, plus ou moins "sexuelle". T'es un pur hétéro, tu l'as toujours été tu l'sais bien ! Non, j'pense pas que la bisexualité puisse jaillir d'un coup comme un champignon à vingt-neuf ans...
L'ainé sortit un petit post-it de sa poche. Ce n'étaient pas vraiment des mensonges, même s'il n'avait pas cru le moins du monde à son argumentation, c'était juste pour le remonter un peu. Lui dire tout ce qu'il avait besoin d'entendre. Il glissa le papier dans la paume de son petit frère. Colin posa son verre de whisky sur la table basse. Il déplia le post-it où étaient inscrits un nom et une adresse.
-C'est... ?
-Une élève à l'école, sympa, assez délurée, avec une réputation de croqueuse de mecs, elle mourait d'envie de te connaître et pas pour discuter philosophie...
Colin ne put retenir un léger sourire en coin.
-Mourait d'envie de me connaître ?
-Ouaiiiis ! l'encouragea Eamon en le poussant hors du sofa. Vas-y p'tit père, fonce ! Elle a le feu aux fesses, va jouer au pompier.
-J't'adore mec, soupira Colin en lui lançant un dernier regard touché.
-Allez file... va te changer les idées.
L'ainé regarda son frère se diriger vers la porte avec un sourire amusé. Il n'y avait vraiment que lui pour faire une chose pareille. Maradonna... un sale con... un jour... Eamon, aussi blessé que son cadet, se mordit la lèvre inférieure, réfléchissant à une vengeance. On ne faisait pas de mal à son Colin impunément.
Fin
Connexion
M’enregistrer
FAQ
Rechercher
Gâ-L!
*
(I live you)
