Un petit OS suite à la dernière demie-finale Roger/Rafa à l'open d'Australie. Je vous laisse libres d'interpréter la fin... Le temps du changementIl avait le pas pesant et le cœur lourd. L'impression soudain d'avoir mille ans. La sensation diffuse d'avoir perdu bien plus qu'un match. Oh, non qu'il ne s'y était pas attendu. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne battait plus le majorquin sur un court de tennis. Trop longtemps. Tellement qu'il s'y était résigné. Mû par la foi de ses fans, il avait été volontaire dans le premier set, peut-être même qu'il y avait cru. Puis il s'était montré agacé dans le second. Et fataliste dans le dernier. Le résultat était une perte sèche sans appel. Une correction.
Mais il y avait pire.
Autrefois quand il perdait, Rafael le rejoignait dans les vestiaires et lui jurait sous ses baisers et ses caresses que pour lui, il serait toujours le meilleur. Avec le temps, Rafael tardait de plus en plus à le rejoindre. Les mots perdaient de plus en plus de leur force. Et le froid dans son cœur était plus intense encore que s'il avait simplement perdu un match. Combien allait-il en perdre d'autres ? Combien de temps encore avant de raccrocher sa raquette ?
- Rogelio...
Il leva la tête pour apercevoir le vainqueur du jour. Il ne semblait pas fatigué. Même avec une ampoule qui entravait ses mouvements, il avait plié le match comme une partie de beach ball sur sa plage espagnole. Roger n'avait pas envie de faire semblant.
- Tu ne fêtes pas ta victoire avec
lui ?
Le cadet hésita dans sa réponse. Faire comme s'il ne comprenait pas l'allusion ? S'il la relevait, il lui donnait de l'importance.
- Lui ?
- Arrête, je t'en prie. Je sais bien que depuis quelque temps c'est te mesurer à lui qui t'excite...
Le mot était choisi intentionnellement. Le joueur ibérique ne releva pas et son regard se fit insistant. Mais le suisse avait décidé de tenir bon, de ne montrer aucune émotion sur son visage impassible. Les masques, c'était une habitude de champion qu'on réservait à la presse.
- Comment vas-tu ? demanda doucement le plus jeune.
- Ce n'est pas comme si je n'étais pas habitué, Rafa.
- Habitué?
- A perdre contre toi.
L'espagnol s'approcha, posa sa main sur sa joue. Le contact le brûla comme chaque fois que Rafael le touchait.
- Rogelio, tu sais bien que pour moi...
- Non. Ne dis pas quelque chose que tu ne penses pas.
Que tu ne penses plus.Un silence. Et puis finalement, le suisse reprit :
- Tu étais le meilleur aujourd'hui. Comme les autres fois. Comme les prochaines fois.
- J'étais préparé.
- Pour le battre, lui. Uniquement pour le battre, lui.
Les bras du majorquin encerclèrent doucement les hanches de l'autre joueur. Son visage vint se caler tout contre sa nuque le laissant impuissant à résister. Il le désirait. Roger le désirait toujours autant, toujours aussi fort.
- Il devient peut-être mon meilleur ennemi aujourd'hui, mais toi et moi, c'est quelque chose qui n'a rien à voir avec le tennis.
Devait-il le croire? Il n'avait pas la force d'échapper au baiser exigeant de son amant, il laissa ses lèvres caresser les siennes, il laissa son désir se dresser sous les mains expertes de l'autre homme. Ces mêmes mains qui lui avaient infligé un score si meurtrier quelques heures auparavant.
- Je vois comme il te regarde, je sais l'ivresse qui te consume quand tu es sur un court avec lui... Tu l'admires.
Tu l'admires comme tu m'admirais... Les mots furent étouffés dans un baiser plus pressant. Son torse contre le sien. Ses mains se glissant sur ses reins. Un gémissement sorti de sa propre bouche eut raison de sa rancœur, eut raison de ses doutes. Peut-être pas si légitimes. Peut-être pas...
- Te quiero.
Le "r" roulé suavement de l'espagnol l'acheva et il s'abandonna définitivement à ses bras et à ses assauts. Ils firent l'amour avec la passion d'une première fois. Et il s'endormit le cœur moins lourd.
C'est pourtant avec un sentiment de culpabilité dans le cœur que Rafael ouvrit son téléphone pour découvrir le texto qui venait de faire vibrer légèrement la table de chevet.
Superbe match, champion. Hâte de notre prochaine rencontre. Sur ou bien hors du terrain... dispo ce soir pour un verre ? Nole.
Sa main caressa le dos du suisse endormi près de lui, puis après une brève hésitation, il soupira et composa finalement une réponse de trois lettres.
FIN