Après quelques hésitations, voici l'avant dernier chapitre, le dernier sera pour ce week end
12.La semaine qui suivit, il se retrouva à l'aéroport de Palma, à Majorque, sans vraiment savoir pourquoi il se trouvait là. Chapeau enfoncé sur son front, lunettes de soleil et col relevé, il héla un taxi et donna une adresse à Manacor. Le conducteur haussa un sourcil et le dévisagea dans le rétroviseur sans le reconnaître. Il démarra sans poser de questions.
Il y avait tant de choses dans sa tête que Roger voyait à peine les montagnes qui défilaient de chaque côté de la carretera, à travers l'île. Il n'avait pas appelé Rafa, ne savait même pas s'il se trouvait bien à Manacor en ce moment. Il ne lui avait envoyé aucun message depuis qu'il avait remporté l'US Open...
Il avait passé une semaine éprouvante, ponctuée de difficiles conversations avec Mirka sur le partage des biens, leur avenir à tous les deux, la poursuite de son de manager... Ces discussions lui avaient retourné l'estomac et chaque nuit, il dormait seul dans son lit. Mirka avait eu la délicatesse de lui laisser le matelas pour son dos. La salle de bain était vidée des affaires de sa femme. Elle avait également enlevé la plupart de ses vêtements de la garde-robe. Elle listait chaque jour ce qu'il y avait encore à faire avec une froide efficacité.
- Il y a tellement de choses à régler.
C'était sa façon de faire face à la situation, de gérer ses émotions, Roger le savait, mais il se sentait dévasté malgré tout devant tant de détachement. Il avait fini par dire :
- Nous ferons tout comme tu le veux. Nous pouvons revenir en Suisse, si tu le souhaites. C'est là que les filles iront à l'école, de toute façon.
- Si je suis encore ton manager, je suppose que nous continuerons de voyager avec toi.
- Oui, je t'en prie. Je le veux. Ne me sépare pas d'elles.
- Ça sera difficile, ponctua-t-elle avec le même côté pratique.
- Nous trouverons un moyen...
Tout était si désespérément formel. Jusqu'à ce soir-là, du moins, où il l'avait surprise avec les yeux rouges d'avoir trop pleuré. Il l'avait serrée dans ses bras et ils avaient pleuré ensemble. Et finalement, elle avait demandé doucement :
- Tu dois le faire. Tu dois partir. Je ne peux pas faire le deuil de toi si tu restes encore, et j'ai besoin de commencer à m'habituer à l'idée que tu ne seras plus là.
Quand il avait dit au revoir à Charlène et Myla, il les avait embrassées avec tellement de force et de désespoir qu'elles commencèrent à comprendre que quelque chose était en train de changer...
Voilà comment Roger se retrouva là. A Manacor, complètement perdu. Le taxi s'arrêta devant une maison. Il y avait plusieurs sonnettes à la porte avec le même nom:
Nadal. Il hésita et choisit la plus haute.
Une jeune femme ouvrit la porte. Il la salua en la reconnaissant. Il s'agissait de Maribel qu'il avait du croiser deux ou trois fois lors de certaines fêtes. Ses traits avaient un petit quelque chose qui rappelait ceux de Rafael.
- Roger ?
Elle parut surprise et le dévisagea un instant. Il ôta son chapeau pour être plus facilement identifiable et, un peu embarrassé, il demanda :
- Est-ce que Rafa est ici ?
Elle hocha la tête, l'air toujours étonné.
-
Si.Il la suivit dans un couloir sombre. Il y avait des portes de chaque côté, toutes fermées. Maribel traversa ensuite un large patio ensoleillé au cœur du bâtiment, ça sentait encore la pierre chaude et le jasmin, et quelque part, quelqu'un cuisinait avec du safran. Elle s'arrêta sous le balcon du deuxième étage et cria :
-
Rafa, Roger esta aquí.-
Qué ? fut la réponse qui leur parvint.
Puis, Rafa émergea du balcon. Ebouriffé, vêtu d'un short et un t-shirt bleu délavé. Il écarquilla les yeux.
- Roger...
- Salut, Rafa.
Il se sentit un peu ridicule soudainement, le regardant sur ce balcon comme une sorte de Romeo égaré. Rafael marqua sa surprise quelques secondes, puis un sourire doux se dessina sur son visage... Jusqu'à ce qu'une autre voix derrière lui demanda :
-
Quien es ?Alors, Xisca apparut derrière Rafael. Elle suivit le regard de son homme sur la cour, passant son bras autour de lui et murmura à son tour, tout aussi surprise :
- Roger ?
Le visage de Rafael se fit soudainement plus grave.
- Je descends, lâcha-t-il simplement en effleurant la main de Xisca avant de se détourner.
Il dévala les deux niveaux d'escaliers et étreignit le suisse fermement. Puis, il prit rapidement un peu de recul, regardant aux alentours avant de demander d'une voix basse :
- Que fais-tu ici ?
- Pouvons-nous parler, Rafa ? J'ai... Oh bon sang, je pense que nous avons vraiment besoin d'avoir enfin cette conversation.
Le majorquin hocha la tête et prit sa valise.
- Viens, je t'installe dans la chambre d'amis.
Il reprit l'escalier et s'arrêta devant la porte à côté de la sienne. C'était coquet à l'intérieur, la vue sur la mer et les volets ouverts permettaient à une légère brise marine de pénétrer dans la pièce. Rafa referma la porte derrière eux. Le décor était simple mais parfait : des draps blancs sur le lit, une commode en bois qui semblait avoir vu défiler de nombreuses générations, un canapé bleu dans la salle de séjour et une chaise en rotin près de la fenêtre.
- Je ne peux pas croire que tu sois ici, commença Rafa.
- C'est fou, je sais...
Ils s'embrassèrent et Roger sentit alors toute la pression revenir gonfler sa poitrine, il éprouva violemment ce besoin de réconfort qui ne l'avait plus quitté depuis New York, il voulut se fondre dans les bras puissants de Rafael et ne s'en priva pas, le l'étreignant avec une force presque désespérée. Le plus jeune ne demanda rien et, sentant sa fragilité, il l'attira vers le canapé.
- Rafa, Mirka et moi, nous nous sommes séparés.
- Oh. Je suis tellement désolé, Roger, répondit-il le plus sincèrement du monde.
- Elle était réveillée
ce matin-là quand je suis rentré, expliqua- t-il. Je lui ai tout raconté.
Rafa resta silencieux pendant un moment et demanda finalement, sur un ton indéfinissable :
- Vous vous êtes séparés à cause de moi ?
- Oui. En fait, non. Pas
à cause de toi. Je l'ai fait
pour toi. Pour que
nous...
Il s'interrompit, soudainement mal à l'aise et plus vulnérable que jamais. Il commençait à réaliser la situation dans laquelle il était et dans laquelle il mettait son jeune amant. Les mots sortirent un peu chaotiques...
- Je veux dire, je ne sais pas ce que
toi tu veux, Rafa, tu sais. Tu es toujours avec Xisca... Oh mon dieu, tu es fiancé ! Et moi, moi je me montre ici, comme ça... Je sais que je n'ai pas le droit de faire ça ou même de te demander quoique ce soit... Mais je suis venu, parce que je voulais juste te voir...
- Roger...
A suivre