Ashyra et Glasgow resteront de marbre mais pour les autres désolée de maltraiter Roger, ça ne pourra aller que mieux pour lui après...
chap 3Les paroles de Stan me hantèrent longtemps mais je ne pouvais me résoudre à m'éloigner de toi, même pour me protéger. Je te voyais sombrer et je savais bien que les choses ne pourraient rester telles qu'elles étaient. Tu l'aimais trop et l'attente te tuait à petit feu... Contrairement à Stanislas qui avait une confiance totale en Federer, moi, je ne l'imaginais pas un seul instant abandonner sa vie tranquille pour toi. Et pour cette seule raison, je ne pouvais pas l'estimer.
De fait, il fallait reconnaître que le suisse portait sur moi un regard noir et qu'il s'adressait à moi avec une condescendance qui confinait au mépris. Lisait-il en moi mon amour pour toi ? M'avait-il vu quitter ta chambre ? Ou bien détestait-il seulement le numéro Un que j'étais ? C'était difficile à dire mais la tension entre nous était chaque jour plus palpable.
Et puis enfin, il y eut ce jour maudit. Ce soir-là, je quittais ta chambre de bonne heure après deux heures endiablées à jouer au football par manettes interposées - Dieu Rafael que tu es mauvais perdant dès qu'il ne s'agit pas de tennis ! En refermant la porte, je le croisais
lui, surpris de me voir sortir de chez toi si tard. Évidemment j'aurais du lui dire la vérité. Lui dire que tu l'attendais
lui, et seulement lui. Mais j'ai préféré le laisser croire ce qu'il voulait et nous n'avons échangé aucun mot. Combien je le regrette aujourd'hui, Rafael...
Il m'a toisé et je l'ai défié du regard, désireux que j'étais de lui crier que moi je pouvais te donner tout ce que lui ne te donnait pas. Il a quand même frappé à ta porte, tu as ouvert sans même regarder dans le judas - il faudrait vraiment que tu apprennes à être prudent - et il a disparu dans ta chambre.
Je n'ai su que bien plus tard ce qu'il t'avait dit ce soir-là et curieusement c'est par lui que je l'ai appris. Dans la nuit, j'ai été pris d'un mauvais pressentiment car mes premiers rêves étaient remplis du regard glacial de Federer dans ce couloir. En repensant aux propos de Stan, je me réveillais en envisageant la possibilité que j'avais peut-être sous-estimé sa jalousie. Je suis venu frapper à ta porte et tu n'as pas répondu. Mais quand j'ai voulu faire demi-tour, c'est là que j'ai vu du verre cassé sur ton palier, restes d'une bouteille de tequila, sans doute.
J'ai refrappé et finalement, j'ai ouvert, ta porte n'était pas fermée. Et puis là, je t'ai vu. Allongé sur le sol, si pâle que ta peau mate faisait figure d'un souvenir d'une autre époque, si blême que mon cœur se gela instantanément dans ma poitrine. Et contrastant avec la blancheur de ta peau, le rouge violent du sang qui s'écoulait de tes poignets. J'ai crié. Ou peut-être pas. Je t'ai serré dans mes bras, pris d'une panique sourde que je n'avais jamais expérimentée. J'ai répété ton prénom vingt fois, comprimant comme je pouvais ces blessures de désespoir. Tu as ouvert les yeux et tu m'as souri. La douceur de ce sourire m'a pétrifié d'avantage et les mots si faibles qui ont passé tes lèvres trop sèches me restèrent gravés dans la tête pour toujours :
- Nole... je suis désolé. C'est toi qui avais raison, c'est toi que j'aurais du aimer.
Mes larmes coulaient sur mes joues sans même que je m'en rende compte, terminant sur ton visage de porcelaine dans mes bras. J'appelais une ambulance et Toni, bien sûr, choisissant de tout lui révéler... Tu n'avais pas à porter ceci tout seul et je n'étais pas assez fort et assez neutre pour te protéger de ta propre sensibilité.
Et moi, fou de rage, j'ai couru à sa porte, j'ai tapé comme un forcené, j'ai ignoré Mirka en chemise de nuit qui m'ouvrait avec des yeux effrayés mais rien ne pouvait m'arrêter, il devait savoir, il devait souffrir, il devait payer... Quoiqu'il se soit passé.
Il est resté interdit en me voyant dans cet état de colère mais il empêcha sa femme d'appeler la sécurité d'un geste discret.
- Novak ?
- Qu'est-ce que tu lui as fait ?
- Quoi ?
- Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Je ne vois pas en quoi ça te regarde.
- ça me regarde parce qu'il est entre la vie et la mort depuis qu'il t'a vu !
Je le vis blêmir à son tour mais rien ne pouvait arrêter ma fureur. Encore moins son incompréhension.
- Merde, Federer, tu croyais quoi? Que Rafa, c'était un coup en passant ?
- Je...
Il avait perdu la faculté de parler, paraissant comprendre ce que je ne disais qu'à mots couverts.
- Il t'aimait bon sang, ne me dis pas que tu as fait comme si tu l'ignorais. Tout ce temps !
Toutes ces années...- Mais toi...
- Moi quoi? Tu entends ce que je te dis, il t'aime, toi et tu l'as traité pire qu'un chien. Qu'est-ce que tu connais de lui, à part le plaisir qu'il te procure ? Qu'est-ce que tu sais de ses loisirs, de ses rires, de ses envies, de ses peurs et de ses sentiments ?
Je le voyais trembler à présent, oubliant tout à fait la présence de sa femme qui assistait à toute la scène. Il bredouilla :
- Où est-il ?
- A l'hôpital. Il s'est ouvert les veines.
- Je veux le voir.
- Certainement pas, je ne te laisserai plus jamais l'approcher, ni personne de son entourage, tu lui as fait suffisamment de mal.
Mirka s'avança dans la pièce et porta un regard métallique sur son mari, la phrase sortie tranchante :
- Roger, qu'est-ce que tu lui as dit ?
C'est elle qui avait parlé mais c'est moi qu'il regarda lorsqu'il répondit.
- Je croyais que toi et lui...
Il se reprit, assumant de parler sans trouver d'excuses et si la colère n'avait pas été si forte en moi, je crois que j'y aurais vu une forme de courage.
- Je lui ai dit que c'était fini, qu'on s'était bien amusés, que la vie reprenait et qu'il lui faudrait peu de temps pour trouver d'autres bras, si ce n'était déjà fait...
Il eut un rire crispé sans joie et s'effondra dans un fauteuil. Les larmes coulaient à présent sur son visage et il ne chercha pas à les cacher. Dans d'autres circonstances, peut-être m'aurait-il fait pitié. J'entendis à peine Mirka lui dire d'une voix neutre qu'elle partirait au matin avec les enfants, qu'il avait besoin de temps pour savoir où il en était et que peu importait le choix qu'il ferait, de toi, ou d'elle, ou de personne,... il devrait batailler.
A suivre...