Bastian faisait les cent pas, depuis de longues minutes, il marchait encore et encore à pieds nus sur la douce moquette de sa chambre d'hôtel. La musique à fond dans ses écouteurs résonnait dans toute la chambre, il tentait de combler cet affreux silence qui laissait trop facilement ses pensées se diriger vers un sujet auquel il devait éviter de penser. Il se demanda si il était le seul à ressentir ça, à se sentir aussi mal. Ses coéquipiers semblaient tous faire la sieste obligatoire d'avant match. Mais Bastian ne pouvait pas, même avec toute la bonne volonté du monde, il n'y arrivait pas. Bien souvent, la plupart du temps pour être exacte, il avait du mal a s'endormir et trainait sous la couette regardant un film ou en envoyant quelques messages à ses amis. Aujourd'hui, c'était tout bonnement impossible pour lui de rester en place, il avait besoin de bouger pour lutter contre la nervosité qui l'accablait. Lassé de marcher, il finit par se laisser tomber lourdement sur le lit, pour lutter contre le stress, il s'amusa à soulever ses jambes et à les laisser retomber lourdement pour que les mouvement du matelas puisse le faire légèrement rebondir. Poussant un long soupir, il se retourna, encercla l'oreiller de ses bras et y enfonça sa tête. Il se concentra sur le rythme de la musique en fermant les yeux. Loin d'être apaisé, il resta cependant de longues minutes sans bouger. Une scène qu'il aurait préféré oublier repassait en boucle dans sa tête. Une main se posa sur son épaule. Bastian se retourna vers son ami un sourire soulagée.
"Qu'est ce que tu fais là Holger ?" Bastian ne prit pas la peine de dissimuler sa surprise, il se releva brutalement et s'installa en tailleur sur son lit.
"Bonjour à toi aussi, je vais super merci de t'en inquièter !" Holger haussa le sourcil droit.
"On s'est vu ce matin !" Bastian prit un coussin et s'installa confortablement. Il n'avait pas osé lui poser la question, c'était inutile à ses yeux. Holger avait fait une rechute une semaine plus tôt. Il n'avait même pas eut le temps de rejouer qu'il s'était reblessé, il allait devoir attendre six mois de plus pour pouvoir ne serait-ce fouler la pelouse à nouveau. Il ne pouvait pas aller bien et le milieu Allemand préférait éviter la conversation de peur de dire quelque chose qui pourrait empirer la situation. "Pourquoi t'es là ?"
"D'après toi ! Je me suis dit, tiens, j'ai rien à faire si j'allais voir Bastian pour danser la macarena" Holger leva les yeux au ciel, qu'est ce qu'il pouvaît être bête par moment. Il fixa son ami et d'un ton qu'il voulu vexé lui lança: "Ton enthousiasme à me voir fait super plaisir !"
"Tu viens me tenir compagnie." Il lui fit un sourire éclatant bien exagéré, il n'était pas franchement d'humeur à parler, mais ce serait égoiste de sa part de lui montrer.
"T'es d'une perspicacité Basti, j'adore !"
"C'est trop gentil de ta part mon petit Holgi !" Bastian lui mit un petite claque sur la joue. "Je pensais que Jupp voulait que je fasse la sieste."
"Tout le monde sait que tu ne fais pas la sieste." Holger roula des yeux et s'assit sur le bord du lit avec difficultée tout en posant ses béquilles par terre. Il recommença à le fixer "Comment tu te sens ?"
Bastian bougea son oreiller et s'allongea sur le dos en étendant ses longues jambes. Il tapota nerveusement ses pieds l'un contre l'autre et sortit son téléphone. Pour éviter de croiser le regard de son coéquipier qui l'observait, il fixa son fond d'écran. Il savait qu'Holger continuait de l'observer, mais il ne voulait pas le regarder, il ne voulait pas montrer l'apppréhension, ni l'angoisse qu'il ressentait depuis quelques jours. Mais Holger le comprenait, il savait ce qu'il ressentait.
"Bastian ?" Le ton qu'il venait d'employer était calme avec la petite pointe de douceur qui lui était propre.
"Tu sais déjà tout Holger." Résigné, il leva ses yeux vers son ami.
"Plus ou moins."
Bastian se leva du lit et recommença à marcher nerveusement . Il finit par s'adosser contre le mur et se retourna vers Holger et haussa les épaule. Holger continua de le regarder et lu fit un mince sourire d'encouragement.
"Qu'est ce que tu veux que je te dise." Ses yeux se fixèrent dans le vide.
"Bastian ... " Holger soupira, fit un geste pour récuperer ses béquilles: "Je vais te laisser avec tes sombres pensées, tu as l'air de préféré ça à ma compagnie." Son coéquipier posa sa main sur son épaule pour l'empêcher de bouger.
"Non, c'est juste que ..." Bastian ne termina pas sa phrase, il se sentit troublé par l'expression qu'affichait Holger.
C'était la première fois qu'il voyait cette lueur dans son regard, mais c'était aussi la première fois qu'une situtation comme celle ci se déroulait. Pour la première fois, ils avaient echangés leur rôles habituels. La plupart du temps, c'était Holger l'angoissé. Il se posait toujours tout un tas de questions ridicules aux yeux de Bastian. Mais ce dernier avait prit l'habitude l'écouter et de sortir des blagues pour le divertir lorsque son moral était bas. A vrai dire, il ne comprenait pas qu'Holger soit aussi calme alors que sa situation actuelle était une des pires auxquelles il pouvait être confronté. Il trouvait même la situation inquiètante, Holger n'était pas le genre à faire semblant d'aller bien, c'était quelqu'un de sensible et cacher ses émotions n'était pas dans ses habitudes.
"Que ?" Holger insista en croisant les bras contre sa poitrine.
"Et si ce soir on va jusqu'aux tirs au but..." Bastian détourna le regard et se mordit la langue. "Comme l'année dernière."
"C'est le hasard" Holger haussa les épaules "C'est de la chance les tirs au buts."
"Non" Bastian commença a ronger ses ongles. Voyant qu'Holger ne le lachait pas du regard, il reprit "C'est de ma faute."
"On gagne en équipe et on perd en équipe" Le défenseur avait dit cet phrase d'un air convaincu, c'est la phrase que Basti lui répétait en boucle quand il se sentait coupable.
Bastian souria a la phrase de son ami, mais il ne se sentait pas mieux pour autant. Cette expression servait juste à rassurer les autres et à se rassurer, mais la vérité, c'est que même si tous se la disaient régulièrement personne n'y accordait d'importance. C'était en quelque sorte devenu une formule de politesse.
"Tu sais bien que c'est faux Holger ! Si j'avais marquer ce putain de penalty, tout aurait pû être différent." Il n'avait pas dit ces mots, il les avaient crachés, rejettant en même temps toute la frustration qui habitait en lui depuis cette finale contre Chelsea.
"Ne dis pas ça ..." Holger n'eut pas le temps de finir sa phrase, le milieu de terrain venait de donner un bruyant coup de pied contre le mur.
"Je n'ai pas été à la hauteur. J'ai déçu tout le monde, Jupp, le staff, le club, mes coéquipiers, ma famille, mes amis, nos supporters.T'imagine même pas ce que ça fait d'être pointé du doigt comme ça, de lire tout ces reproches dans la presse, de se faire rabaisser et critiquer pendant des mois et de se sentir comme un moins que rien. Et tu sais ce qui est le pire, toi, les gars et tout ceux qui font semblant de rien. Vous êtes là à me sourire à me dire que je n'y peux rien, mais vous êtes tous trop hypocrites pour me dire ce que vous pensez réellement, vous pensez que c'est de ma faute" Toute sa rage enfouie depuis si longtemps venait de sortir, les point serrés il tremblait de colère.
"Personne ne fait semblant Bastian. Tu es indispensable à cette équipe, que ce soit pour le football ou pour le reste. Le Bayern, c'est ton équipe. Tu es Schweini, bordel. Sans toi tout est différent et les supporters le savent très bien. Tu es l'idôle de tout un pays. Et tu peux être certain que personne ne t'en veux pour ce foutu penalty. C'est oublié." Il n'avait pas crié, mais il n'avait pas pû s'empêcher d'hausser le ton non. Il n'avait pas réfléchit à ce qu'il avait dit, c'était sorti tout seul. Quand il était encore en centre de formation, Holger avait beaucoup admiré Bastian, non pas pour son jeu car ils ne jouent pas le même poste, mais son tempérament et la force qu'il dégageait déjà à l'époque. Une fois passé professionel, Holger s'était tout de suite rapproché de lui, il y avait une certaine complémentarité entre eux.
"Mais qu'est ce que tu en sais toi ?! Tu n'as pas jouer cette finale, tu n'as pas été pointé du doigt. Tu n'as pas subi les critiques. Et tu n'as même pas été la de la saison, tu as été blessé pratiquement toute l'année, tu n'étais pas avec nous à l'hôtel ni aux entrainements. Tu n'as pas vu le changement de comportement des gens. Tu ne sais rien du tout. Arrête de croire que tout est tout beau merde !" A peine avait-il prononcé ces mots que Bastian le regretta. Il s'était laissé envahir par le stress et avait été beaucoup trop loin. Il venait de blesser Holger avec des mots qu'il ne pensait pas. Son meilleur ami l'avait toujours soutenu, il avait toujours été la même de loin. Il se retourna vers lui et essaya de croiser son regard tout en se mordant la lèvre inférieure. "Holger... Je..." Celui ci le coupa la gorge nouée.
"Oui, t'as raison, rien n'est beau pour toi. Tu viens de gagner le championnat et tu as marqué le but de la victoire, ce soir tu vas jouer une finale de ligue des champions et la semaine prochaine la finale de coupe. Je te plains Bastian, t'as vraiment une vie de merde mec !" Holger se sentait mal, il comprenait que Bastian soit stressé mais pas qu'il pense pas et surtout pas qu'il le dise devant lui. Lui qui était blessé depuis longtemps et qui en avait encore pour un bon moment. Lui qui avait vu son concurrent enchainer les bons matchs à sa place et s'était senti petit à petit perdre sa place. Il avait vu ses coéquipiers réussir une saison de tout les record et qui deviendrait même historique si ils gagnaient la coupe aux grandes oreillers. Mais il n'avait pas participé, rien apporté. Il aurait aimé faire parti de cette équipe dont les gens se souviendrait encore longtemps, mais il n'était qu'un simple observateur. Il se sentait mis à l'écart et inutile.
Bastian ne répondit rien, il se contenta de s'approcher un peu plus de la de fenêtre et d'observer le ciel gris Londonien. Il n'osa pas bouger et fixait les perles d'eau qui ruisselait sur la vitre. Il posa sa main sur la vitre et suivit le trajet d'une goutte avec son doigt. Agacé par le silence, il se retourna vers Holger qui à présent lui tournait le dos la tête entre ses mains. Bastian s'installa derrière lui et posa sa main sur la nuque d'Holger.
"Je ne voulais pas te dire ça." Bastian venait de couper le silence.
"Ta main est froide !" Il essaya de cacher les tremblements de sa voix. Il en avait marre d'être le faible, celui qui se laissait facilement aller. Il voulait évoluer, les épreuves rendaient plus fort, il devait le montrer. Mais ce n'était pas lui, il avait besoin de s'exprimer, de tout extériosé même les choses les plus petites. Il ne pouvait pas se contenir, c'était plus fort que lui.
Holger se recula de quelques centimètre et s'appuya sur Bastian qui deplaça sa main pour glisser son bras autour de son coup. Le défenseur se concentra sur les mouvement de la poitrine de son coéquipier pour retenir les larmes qui menaçaient de couler. Bastian sentait le corp de son ami trembler légérement, il le serra un peu plus fort en encerclant sa taille avec son autre bras et posa son front sur son épaule. Holger ferma les yeux et se colla encore plus contre son vice-capitaine, il entremela ses doigts avec ceux que Bastian avaient posé sur son épaule. Le milieux Allemand ferma ses yeux, il se demandait ce qu'impliquait ce geste, cet étrange moment qui était en train de se passer entre eux. Mais il avait passé l'après midi à se poser des centaines de questions, à imaginer des centaines de scénarios. Maintenant il ne voulait plus penser à rien, il voulait juste se laisser aller. Holger se relacha avec délicatesse de son étreinte et se retourna doucement pour lui faire face. Il le fixa de ses yeux bleus fortement éclaircis par l'humidité.
"J'ai peur." Il ne l'avait pas dit, il l'avait murmurer en un seul souffle.
"Je sais."
"Je crois que je n'y arriverais pas Basti. Même si j'arrive à reprendre le foot, j'aurais perdu un an. C'est tellement long un an. C'est impossible de retrouver le haut niveau en ayant passé un an sans m'entrainer. Et admettons que je réussisse à soigner cette blessure de merde, je serais toujours fragile, j'aurais toujours peur de me reblesser, que tout ce que j'endure en ce moment recommence. En plus, je ne réussirais jamais à récuperer une place dans cette équipe, ni en équipe nationale. Au mieux, je finirais sans doute comme remplaçant, j'aiderai comme je pourrais je ne sais qu'elle petite équipe à ne pas descendre en deuxième division." Ses larmes s'étaient mises à couler sur ses joues, il fixait un point invisible sur le mur et ne bougeait pas. Il était simplement perdu, enfermé dans un labyrinthe où il n'y avait pas de sortie.
Bastian posa une main sur chacune des joues d'Holger et le rapprocha de lui. Holger colla son front contre le sien en fermant les yeux. Losqu'il sentit une larme tomber sur son nez, Bastian comprit à quel point ils étaient proches. Il eut à peine besoin de bouger pour pouvoir poser ses lèvres contre celles de son coéquipier. Ce dernier mit quelques secondes avant de réagir et d'ouvrir ses lèvres pour laisser leurs langues s'entremeler. Ce baiser si doux au départ se transforma très vite en quelque chose de beaucoup plus chaud. Petit à petit, ils enlevèrent leurs vêtement et passèrent un long moment à découvrir l'autre d'une façon qu'ils n'auraient jamais pû imaginer.
"Bastian, c'est l'heure." Holger se rassit sur le lit et commença à remettre sa chemise.
"Ouais, il va falloir qu'on y aille." Il s'approcha d'Holger qui semblait avoir du mal à remettre son pantalon à cause de sa jambe blessée. "Attend je vais t'aider."
"N'en profite pas trop pour me tripoter." Les yeux brillants il fixait Bastian d'un sourire en coin.
"Je vais me géner!" Bastian provoqua Holger en glissant sa main sur son torse. Il finit par reprendre son sérieux "Holger ?"
"Ouais ?"
"Ce soir si je fais un bon match, ce sera grâce à toi." Il se rendit compte qu'il n'avait jamais dit quelque chose d'aussi sincère dans sa vie.
"Alors on pourra dire que je ne suis pas si inutile que ça. C'est bien connu que le Bayern ne peut gagner un grand match sans son Schweini au meilleur niveau. Au fait, si tu marque j'aurai une petite dédicace ?" Un immense sourire que Bastian trouvait terriblement attendrissant s'était étendu sur son visage lui donnant un air d'enfant.
"Bien sur, je dirai à tout les journalistes que c'est grâce à toi et au remède spécial que j'ai eu cette après midi que j'ai marqué." Il avait tenter de répondre d'un ton moqueur, mais c'était un véritable échec, sa bonne humeur avait prit le dessus.
"Pousses pas pépé dans les orties. Ce qui s'est passé dans cette chambre d'hôtel reste dans cette chambre d'hôtel. Et éventuellement chez moi et peut-être chez toi aussi." Holger fit mine de réflechir alors que Bastian se rapprochait de lui pour l'embrasser furtivement avant de l'entrainer avec lui pour aller rejoindre le reste de l'équipe.