La tête collée contre la vitre, je soufflais. Contrairement à d'habitude, je ne portais pas la moindre attention aux blagues, aux chants et aux imitations de Sergio et ne prenais pas non plus part aux rires de mes coéquipiers. J'étais seul dans ma bulle et pour mon plus grand plaisir personne ne venait me déranger. Enfin presque, je sentais sur moi depuis quelques minutes déjà le regard de Ricardo remplit d'incompréhension, je lui fit un bref sourire puis il me dit :
«- Tu ne devrais pas stresser comme ça Cris, ce n'est qu'un match. Je sais que la presse en a après toi vu que ton match aller n'a pas été terrible et que tu veux à tout prix te rattraper mais il faut vraiment que tu penses à autre chose et que tu arrêtes d'imaginer cinquante-mille possibilités.
- Je sais tout ça Ricardo.»
J'avais choisi la solution de facilité qui consistait à le laisser croire ce qu'il voulait croire. Après tout même si ce n'était pas ma préoccupation première il n'avait pas tord. Mon match aller avait été très décevant, la presse m'avait attaqué dans tous les sens et tous avaient pensé lorsque j'étais arrivé en retard à l'entrainement que les critiques m'avaient touchées. C'est vrai que depuis ce match j'étais réellement perturbé, oppressé par ce sentiment d'incompréhension. Je n'avais pas compris ce qu'il s'était passé et je ne comprenais toujours pas d'ailleurs. J'y repensais sans cesse essayant de trouver l'élément déclencheur. C'était il y a environ deux semaines que tout avait commencé.
La boule au ventre comme avant chaque match important, je pris la main que me tendait une petite fille et me mis à avancer lentement dans le tunnel du stade Gerland. Les applaudissements des supporters adverses retentirent bruyamment dans tout le stade, cachant le son de l'hymne de la ligue des champions. Je pris ma respiration et m'obligeai à me concentrer pour rentrer dans mon match. Par habitude d'un scénario qui se répétait à chaque match je commençai à serrer les mains des arbitres puis celles de mes adversaires sans même réellement remarquer à qui appartenait quelle main. Sans m'y attendre, je retournai soudainement à la réalité, éloignant mes pensées du match lorsqu'une intense chaleur se mit à me bruler de l'intérieur. Je m'arrêtai pour toucher ma main qui était prise d'étranges fourmillements, mes yeux remontèrent lentement et je vis qu'il avait eût le même réflexe que moi et qu'il massait sa main. Avec appréhension je levai mon regard vers lui pour connaître son identité puis croisai son regard. Il me regarda avec confusion, l'incompréhension brillant dans ses yeux. Ses yeux, je me surpris à les admirer, ils étaient magnifiques, magnétiques. Troublé par ce contact et ces battement irréguliers de mon cœur, je continuai à serrer les mains restantes, remarquant ainsi que le temps qui m'avait semblé être de longues minutes n'était juste que quelques imperceptibles secondes.
«- Cris, Cristiano ...»
J'entendais la voix de Mesut m'appeler depuis quelques temps déjà. Je me retournai vers lui alors qu'il me dévisageait curieusement.
« - On est arrivé.
- Je sais.
- Tu es sur que ça va mec ?
- Ouais, c'est bon ne t'inquiète pas, c'est juste le stress. On n'a pas le droit à l'erreur ce soir.
- Il ne faut pas trop réfléchir, ce n'est pas bon. On doit juste donner le maximum.»
Nous descendîmes du bus accueillis par les journalistes et les quelques supporters présents et partîmes directement sur le terrain pour voir les conditions de l'herbe. Mes pensées se dispersèrent de nouveau.
Lorsque l'arbitre siffla le coup d'envoi, je compris que je n'arriverai pas à me concentrer sur le match. Je repensais à la scène qui avait eu lieu quelques minutes plus tôt. Ce que j'avais ressenti lors du contact entre nos mains. C'était la première fois que j'étais troublé par un homme et je ne comprenais pas pourquoi lui, pourquoi maintenant. Ses yeux m'avaient totalement hypnotisés, ils étaient vraiment magnifiques, je n'avais jamais vu cette couleur. Et les traits de son visage, ils étaient doux mais pas féminins. J'avais remarqué ses lèvres bien dessinées. Malgré sa barbe de trois jours, sa peau était lisse et semblait douce. Sans oublier ses cheveux, d'un noir de jais avec quelques mèches négligées qui tombaient sur son front.
Je suivis les autres jusqu'aux vestiaires, et après quelques minutes pour mettre la tenue d'échauffement nous repartîmes sur le terrain. Les joueurs de l'équipe de Lyon étaient déjà là, après quelques secondes de recherches mes yeux finirent par l'apercevoir, il s'échauffait, mon regard resta fixé sur son corps, il était bien musclé, de larges épaules et de puissantes cuisses bien fuselées. Mes yeux glissèrent sur ses fesses, elles avaient une belle forme et semblaient bien fermes. Je repartis à mes occupations à contre cœur, j'aurais pu l'observer encore longtemps. Mais son image revenait sans cesse devant mes yeux et me concentrer était devenu impossible. Poussant un long soupir lorsque le coach m'appela, je retournai tranquillement aux vestiaires. Accompagné par Florentino Perez, José Mourinho nous fît un long discours pour nous encourager.
Dans le couloir, le stress était au niveau maximum, il devait être derrière moi et en prenant considérablement sur moi, je ne me retournai pas pour l'observer. Nous entrâmes sur le terrain avec l'hymne de la Ligue des Champions. Après les applaudissements, je suivis mon équipe puis commençai à saluer mes adversaires. Ce fût à son tour, il me regarda de ses magnifiques yeux verts. Le cœur battant irrégulièrement, le souffle coupé je lui serrai la main. Une douce chaleur envahît ma main, rapidement elle se répandît dans tout mon corps et se transforma en une vive brûlure.
Bien que pendant plus de 90mins mes pensées voyageaient toujours vers lui, le match se déroula plutôt bien. Une fois lavé et changé je partis faire un tour dans les toilettes histoire d'arrêter de penser à lui et de me rafraîchir les idées. Lorsque j'arrivais dans les toilettes, il était là : la tête enfouie entre ses mains, les coudes posés sur l'évier. Je m'approchai de lui, en profitai pour sentir son odeur et posa la main sur son bras :
«- Bien joué !»
Il tourna sa tête vers moi et m'observa quelques instants puis me gratifia d'un léger sourire. Sans pouvoir m'en empêcher je m'approchai et emprisonnai ses lèvres. Il parut surpris puis répondit à mon baiser. Je serrai plus mon étreinte pour le coller contre moi, le baiser devient plus ardent, plus sensuel. Nous nous séparâmes à bout de souffle lorsque j'entendis au loin dans le couloir la voix de Mourinho qui m'appelait, certainement pour retourner dans le bus. Je le regardai une dernière fois et c'est avec les cheveux en bataille et les lèvres gonflées par le plaisir que je partis rejoindre mes coéquipiers.
J'avais toujours aimé les femmes, je ne m'étais jamais intéressé à un homme. Pourtant l'image de Yoann Gourcuff, n29 de l'Olympique Lyonnais et n8 de l'équipe de France était désormais gravée dans mon esprit, comme une folie douce mais une fascination tellement brulante.