Tout d'abord rendons à César ce qui appartient à César, je me suis permise d'emprunter son titre à Roger Peyrefitte, parce que je suis en train de me régaler avec ce roman
Sinon, cet OS (court, vraiment très court^^) fait suite à une conversation avec Tommaso dans le topic de La Taupe. J'avais pas prévu d'écrire sur ces deux-là, ça c'est fait comme ça. A vous de me dire ce que vous en pensez
Bonne lecture
ooOoo
Un panier de crabes, voilà l’endroit où il avait l’impression d’avoir atterri. Evoluant, guère à son aise même s’il en donnait l’impression, sur cet énième tapis rouge, Benedict se prêtait au jeu des photographes, des journalistes, puisqu’il était là pour ça. Encore une soirée où fleurissaient conversations insipides, sourires hypocrites, gentillesse forcée… C’était ainsi lorsqu’il ne travaillait pas. Cérémonies, soirées, avant-premières… C’était le jeu. A l’affiche récemment de pas moins de deux longs-métrages à succès, dont le dernier Spielberg excusez du peu, en plein tournage du prochain Star Trek… Hollywood lui ouvrait les bras depuis peu et la seule façon de durer ici c’était de se montrer, soutenir ses films, encenser ses partenaires, même quand le cœur n’y était pas vraiment.
Londres lui manquait terriblement. Les tournages de moindres envergures, les collègues qu’ils connaissaient bien avant même un projet commun… Il n’était pas certain d’être capable de continuer longtemps ici, décidément guère à sa place. Son agent recevait chaque jour une bonne douzaine de propositions de travail toutes plus alléchantes les unes que les autres. Alléchantes sur le papier en tout cas. Y renoncer semblait maladroit, après tout le succès était un peu le but d’un métier comme le sien, même si c’était aussi et avant tout la partie du boulot justement qui le dérangeait de son côté. Tout devenait plus compliqué maintenant qu’il était reconnu dans la rue, que les journalistes se pressaient pour quelques exclusivités, que ses amis se croyaient obligés de le prendre avec des pincettes au cas où il aurait pris la grosse tête. Il n’était pas fait pour cela. Ironiquement il avait renoncé à son rêve de gosse, Doctor Who, par crainte d’une probable surexposition et s’était plutôt tourné vers un projet potentiellement casse-gueule avec Sherlock. Et le voilà propulsé chouchou de la télévision anglaise, convoité par les grands studios américains…
A quelques pas de là, il reconnut une silhouette familière. En voilà un pour sa part qui était à son aise. Sourire facile, plaisanteries savamment distillées, connivence apparente avec les gratte-papiers présents. Colin Firth, pourtant aussi britannique et habituellement discret qu’il ne l’était lui-même, semblait dans son élément. Auréolé d’un Oscar l’année précédente, sa popularité était depuis au beau fixe des deux côtés de l’Atlantique et il en prenait son parti. Voilà qui suscitait l’admiration.
Firth se tourna vers lui un bref instant, lui adressant un sourire franc et plus sincère que tous ceux dont il gratifiait son entourage depuis le début de la soirée. Benedict le lui rendit, et eut un petit soupir de soulagement du même coup. Si Colin savait évoluer dans ce milieu, alors lui aussi y parviendrait. Il lui faisait confiance. Côtoyer cet homme si talentueux et tellement humain le temps d’un tournage avait été une chance inespérée. Voilà bien l’un des avantages tout de même à son métier, fréquenter parfois des personnes qui en valaient réellement la peine, qui provoquaient l’admiration. Au contact de Colin il avait beaucoup appris, autant sur son travail que sur lui-même. A présent le croiser au détour de quelques soirées le soulageait. Encore et toujours la présence de Colin lui apportait calme et sérénité.
Avec le temps, l’admiration éprouvée pour l’aîné avait laissé la place à un sentiment plus fort, plus intense, qu’il se refusait néanmoins à analyser. Inutile et dangereux à leur niveau. Et pourtant le cadet savait que son attirance était réciproque. Non pas qu’ils en aient concrètement parlé, mais certains gestes, certaines attitudes, ne trompaient pas. Mais Firth était marié, heureux apparemment. Au vue de la médiatisation – qui avait dit surmédiatisation ? – dont ils faisaient tous les deux l’objet, une relation autre que celle qui était la leur actuellement n’était définitivement pas une bonne idée. Le mieux à faire était continuer à feindre se satisfaire de cette amitié sincère. Celle-ci était d’ailleurs plus que nécessaire dans ce monde de requins, aussi Benedict l’entretenait-il avec une sincérité absolue. Cette relation, unique, fusionnelle quoique parfaitement platonique, le rendait heureux, c’était probablement là le plus important. Plus important que la célébrité, l’argent, qu’une véritable relation amoureuse même.
C’était leur relation.
THE END.