Bon, ben, voilà. Je me suis (enfin) lancée dans une Severus/Sirius. ça fait un ptit temps qu'elle mijote... (un an, en fait.) Jamais eu le courage de commencer, il a fallut une journée de profond ennui pour...
Je vous livre le début.
Et j'attend impatiemment vos reviews!!
_________________________________________
J’observe avec passion les deux larmes rondes et parfaites glisser sur les deux joues rondes et parfaites de Black. C’est... Fascinant. Le plus grand, le plus beau et le plus arrogant des maraudeurs est en train de pleurer devant moi. C’est tellement bête et étonnant que je n’arrive même pas à me moquer de lui! Oh, ce n’est pas l’envie qui m’en manque... C’est comme si... Si... Et voilà. Je suis à court de mots. ça ne m’arrive pourtant pas souvent, je dois ma réputation à mes remarques blessantes bien placées. Mais là, mon fameux sixième sens - celui qui me permet de déceler chez l’autre son point faible avant qu’il ne le découvre lui-même - me fait furieusement défauts, et les deux premières larmes sont suivies par des torrents, et des torrents d’autres larmes.
Ce sont des belles larmes. Chez Sirius Black, tout est beau. Beau et parfaitement haïssable à mes yeux. Là, même en train de chialer comme un môme, il reste magnifique. L’eau dans ses yeux fait apparaître des reflets bleutés dans le gris profond. C’est prodigieusement agaçant.
Bon. Normalement, je devrais saisir l’occasion pour lui rendre toutes les humiliations qu’il m’a fait subir au centuple. Parce que malgré la honte cuisante dévorant mes joues, malgré les rires de ceux autour, malgré le mépris de James Potter et de sa chère Evans, je n’ai jamais pleuré, moi. Du moins, pas en public. Que Black se laisse à ce point aller devant moi, j’en ai rêvé souvent. Je savais même exactement ce que je lui disais, et ce que je demandais en échange de mon silence. Je savais les sorts que j’allais lui jeter avant de le laisser au milieu d’un couloir. Je savais ma victoire.
Le problème, c’est que je ne sais plus. Il est là, à pleurer de plus en plus forts, pas de Potter, ni de Lupin ni Pettigrew à l’horizon. On est seuls, dans la tour d’astronomie, il est minuit et je suis comme paralysé. Mon cerveau marche parfaitement, merci, mais impossible de prononcer le moindre mot, d’esquisser le moindre mouvement.
Il faut se rendre à l’évidence: la joie de la victoire m’engourdit. Elle m’engourdit tellement que je n’arrive même pas à la ressentir. Mais ça ne va pas tarder, je vais me réveiller, et humilier cette pourriture de gryffondor comme on ne l’a jamais humilié. Sauf que les minutes passent et que de joie, ou de victoire, aucune. Juste une espèce de nausée. Et lui il reste là, à genoux devant moi, ses yeux dégoulinant d’eau plantés dans les miens.
Je l’ai toujours dit: les gryffondors n’ont aucune pudeur, aucun savoir-vivre.
Le pire, c’est que je ne sais même pas pourquoi. J’était tranquillement en train de contempler les étoiles - regarder les étoiles est un truc de poufsouffle, mais ça calme mes insomnies - quand il est arrivé, les mains dans les poches, arborant son éternel air de “je-suis-le-plus-beau-le-plus-fort-et-tout-le-monde-m’aime” (pas moi, hé, pauvre tache!). Puis il m’a vu, une ride s’est creusé entres ses sourcils - c’est toujours ce qu’il fait quand il est contrarié, étrange, car Black est du genre à dormir avec des tranches de concombres sur les yeux pour éviter ses futures rides... - et il m’a lancé, agressif:
-Qu’est-ce que tu fous là, Snape?
Ce à quoi je lui ai répondu, non moins agressif:
-Je regarde le ciel, c’est interdit?
Là, il a poussé un soupir à fendre l’âme, le genre de soupir qui donne envie d’achever la personne le soufflant pour abréger ses souffrances. Il m’a regardé, a levé la tête vers le ciel, m’a re-regardé et a prononcé cette phrase bizarre:
-Si je commence à voir ta tête dans les étoiles...
Et c’est là que sa lèvre inférieure s’est mise à trembloter et que ses yeux se sont remplis d’eau.
Ah, tiens, on dirait que ça se calme. Je me sens très stupide. Je n’ai même pas pu profiter de l’aubaine. Ma mère a raison, on me donnerait l’occasion de posséder le compte en banque des Malfoy que je ne la prendrait pas. Et dire que je suis censé être ambitieux, Serpentard oblige...
-Snape.
Sa voix tremblote. Là encore, il serait facile de lancer une vacherie.
-Black.
Merde. Merde. Merde. Ma voix est dépourvue de toute animosité. Pourquoi?! POURQUOI?! Pourtant je bouillonne de haine! Je hais ses cheveux noirs parfaitement lisse et brillant, je hais ses yeux gris magnifique, je hais ses lèvres délicieusement charnue et je hais sa peau dépourvue du moindre bouton!
Il s’essuie les yeux d’un revers de la main.
-Je... Je suis désolé.
-Ah.
Qu’est-ce que c’est que ce “ah”? Où est passée ma verve?
-Oui.
-...
-Je sais que... Enfin que... Mais bon...
Je me demande ce qu’il entend par là. Côté dialogue, il est aussi limite que moi, pour l’instant. Je repense avec nostalgie aux défis verbaux qu’on se lançait, pas plus tard qu’hier...
-Ce que j’essaye de te dire c’est que...
-C’est que...
Tiens, tiens, ma langue se délie... Fantastique! Je vais pouvoir lui lancer une pique dont il se souviendra toute sa vie!
...
Bon. Apparemment, c’est pas encore pour tout de suite.
-C’est que je ne te déteste pas du tout.
ça, c’est trop drôle. Ce mec me harcèle depuis notre première année! Il adore me faire souffrir! Physiquement ET mentalement! il a tout mis en œuvre pour être sur que je reste l’élève le plus impopulaire de tout Poudlard! Il a même tenté de me tuer! Et il me sort, les yeux dans les yeux, qu’il ne me déteste pas.
Pour le coup, c’est à moi de pleurer. De rire.
Non, mais vraiment, cette situation est tellement absurde... Qu’on m’annonce que James Potter se fiance avec celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, pour m’achever. Mais vous savez ce qui est le plus drôle? C’est que Black rit avec moi! On est mort de rire, tout les deux! On s’étrangle, on toussote, on crachote, on hoquète de rire! Ensemble!
Quoi qu’on en dise, ça fait du bien. Je ris assez rarement, pour tout avouer. Mon dernier fou rire, c’était il y a un an, quand Samuel m’a dit que... Mauvaise idée de penser à Samuel, si je ne veux pas être aussi pathétique que Black il y a quelques instants...
-Eh, Snape... J’imaginais pas ton rire comme ça...,me dis Black avec un demi sourire. “j’imaginais pas ton rire comme ça...”... Qu’est-ce qu’il entend exactement par là? Je me sens vexé, assez bêtement.
-Tu l’imaginais comment, mon rire?
Je demande, sèchement. Je m’en veux de m’être laissé aller... Maintenant, tout chantage est foutu. Si je dis qu’il a chialer devant moi, il dira que j’ai ris avec lui...
-Je sais pas. Je ne l’imaginais pas, en fait...
Peuh!
-Mais tu devrais rire plus souvent.
Quoi?!
Il fait mine de s’en aller, mains dans les poches, comme s’il ne s’était rien passé, qu’il ne m’avait rien dit... Ah non, non, non!
-Black! Reviens!
-Qu’est-ce qu’il y a encore, Snape?
Tiens, je retrouve - avec un certain soulagement, je dois dire - son ton méprisant et arrogant.
-Qu’est-ce que tu foutais ici sans tes fidèles serviteurs?
-Il m’arrive de faire des choses tout seul, tu sais!
-Vraiment?!
-Oh, je sais que tu dois difficilement imaginer qu’on puisse choisir d’être seul, mais...
Crétin.
-Je t’emmerde Black.
C’est bête, je devrais avoir l’habitude, mais ça fait toujours autant mal, ce genre de remarque...
Il a retrouvé son air triste. C’est dommage, ce qui plaît aux filles, c’est son air sûr-de-lui. M’enfin. Les filles sont idiotes, je l’ai toujours dit.
-Tu crois que... Si... Si je n’avais pas été ami avec James et les autres, et si toi tu n’avais pas connu Narcissa... On aurait pu être...
Il contemple ses mains avec fascination.
-On aurait pu... Enfin, tu sais... Bien s’entendre?
Il a relevé les tête, craintif. Il ressemble un peu à un chat... Un chat tout mince, aux grand yeux bleus et étonnés...
-Non. Tu n’es qu’un gryffondor arrogant et crétin. J’ai d’autres choses à foutre que traîner avec un gryffondor arrogant et crétin.
-Oh, je ne suis pas toujours comme ça... Snape...
Je me sens mal, tout d’un coup. Il m’énerve, à me regarder comme cela! C’est lui et sa bande d’imbéciles qui ont commencés! Je ne leur avais rien demandé! C’est eux qui sont venus, qui ont décrété que j’étais l’ennemi à abattre! Et en plus, je devrais me sentir coupable?
-Bonne nuit, Black.
Mon ton n’était peut-être pas assez sarcastique, mais tant pis... Je m’en vais, en faisant voler ma cape comme Sam m’a appris à le faire.
Quel horrible personnage! Il me dégoûte! Comment peut-il...? “On aurait pu bien s’entendre?”. ça doit être un pari... “Tu fais copain-copain avec Snape et après tu le trahis, ce sera drôle!”. Comme si je pouvais être aussi stupide! J’ai eu ma dose de trahison, merci! Je préfère encore vivre seul, crever seul...
Je me dirige, presque inconsciemment, vers la salle de danse. Je murmure le mot de passe et la porte s’ouvre... Les lumières s’allument automatiquement, et le miroir me renvoi l’image d’un adolescent blafard et maigre... J’ai envie de le briser, de briser ce reflet si laid, si triste! Je pose ma main sur la barre, le dos droit, la tête haute. Première position, petit plié... Evidemment, avec ma robe de sorcier, ce n’est pas facile. Et je n’ai pas pris mes affaires...
Je m’accroupis, dos au miroir. Marre de cette école. Marre comme je n’en ai jamais eu marre... Plus qu’un an, une minuscule année à tenir, et je serais loin... A l’Opéra... Loin de Black, de Potter. Près de mon père.
Même les cours, même Narcissa ne justifient plus cette torture. J’étouffe ici. Sans cesse aux aguets, baguette en main... Ce sera qui le prochain qui me fera un mauvais coup? Ce sera quand la prochaine humiliation publique?
J’ai envie que Samuel soit là. Avec lui, c’était toujours si beau! Il transformait tout, avec ses mots, sa voix, son charisme... Il m’aimait. Il m’aime! Et il est à St-Pétersbourg... Exilé par papa-maman. Pour qu’il s’éloigne et se dégage de ma mauvaise influence. Interdit de lui écrire par ma mère. Interdit de recevoir ses lettres. Si elle pouvait, elle me lancerait un “oubliette”.
Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que si ce n’est pas moi, ce sera un autre garçon... Un plus beau, un plus sociable, un moins étrange... Un autre garçon à qui il dira “je t’aime”. Un autre garçon à qui il chantera ses chansons...
Je m’étais pourtant promis de ne plus pleurer.
-Snape...
Il y a des bras qui me tiennent. Je m'agrippe à la chemise blanche... ça sent bon. ça sent le propre, le frais. ça faisait longtemps qu’on ne m’avait plus tenu ainsi. Des mains me caressent les cheveux... Et puis mes sanglots se tarissent...
-Eh bien, c’est la soirée des drames!
C’est une voix que je connais...
-Black!
Je le repousse avec horreur. Comment ai-je pu...?
Je m’enfuis, rentre à mon dortoir, et m’enterre sous les draps. Je ne me réveillerais plus jamais.
Sauf que je ne peux pas dormir. Je me retourne, encore et encore... J’entends ronfler Lowarth. J’essaye cette fameuse méthode de sophrologie qui consiste à détendre chaque partie du corps l’une après l’autre... Mais je reste bloqué sur mes mains, serrées, tendues, prêtes à griffer, prêtes à frapper...
Comment a-t-il pu savoir le mot de passe?
Il aurait pu me suivre mais... J’ai murmuré trop bas pour qu’il puisse l’entendre, n’est-ce pas? Sauf si il était sous sa forme d’animagus...
Je ne comprend pas. Ces gestes envers moi se voulaient consolants. Ses yeux étaient tendres. Black ne sait pourtant pas cacher ses émotions.
Peut-être... Peut-être est-ce une passade? Un défi lancé à lui-même? “je deviens ami avec Snape pour voir ce que ça fait de côtoyer cette drôle de chauve-souris...”. Tordu, mais typique de Black. On dit souvent que je suis bizarre, mais lui dépasse tout! Enthousiaste, moqueur, prétentieux, intelligent. Et puis parfois cette douleur sourde qui apparaît derrière son sourire... Cette gravité dans le regard...
Il n’a pas du avoir une enfance rose. J’ai entendu dire qu’il vivait chez Potter, maintenant... Je ne peux m’empêcher de l’admirer, pour cela. Quitter ses parents... J’ai souvent rêvé de claquer la porte de la maison de ma mère. D’envoyer se faire foutre mon beau-père et sa bienveillance hypocrite. De cracher, enfin, mon dégoût. De casser les vases précieux et de lacérer les tableaux... Mais et après? J’irais où? Chez mon père? Il risque un procès si on me voit en sa compagnie...
Pourtant, c’est lui qui paye mes études. Mes cours de danse. Il m’écrit pour mon anniversaire, pour Noël... De longues lettres. Ma mère, elle, se contente de faire acheter par la bonne un cadeau que je n’aimerais pas.
Quand je pense que je ressemble à cette femme hautaine! J’aurais tant voulu avoir les yeux bleu-blanc de mon père...
Quand je pourrais gagner ma vie; je m’en irais. Dès que j’ai le résultat de mes Aspics. Je m’en irais. Promis, juré.