Les os, les mains et les cœurs
Chapitre 2 : Quand le corps est froid c’est le cœur qui brûle.
<Gollum>
La porte noire ? Nononon, ooooohhhh, non pas les méchants orques.... Non, le maître ne peux pas... Non, NOUS ne pouvons pas y retourner... Je... ne peux pas l'emmener là-bas... Non, trop dangereux pour le petit maître fragile... Je ne veux pas le mettre en danger, il est si bon avec moi...
Et c'est lui qui a... Notre preccccciiiiieux...
Le maître est gentil... Le maître est bon... Bon pour moi...
Nous les étranglerons pendant leur sommeil oh oui, mon précieux, on les aura...
Le maître doit rentrer chez lui... Petit maître... Si faible... Gentil maître...
Nononononon ! Ils doivent mourir... Tout les deuuuuuxxx... Le .... gros...
Et le petit ! Ils doivent mourir, oh oui mon précieux... Pour que tu puisses nous revenir...
Non ! Je... nous... Je ne veux pas faire de mal au maître... Le maître est gentil... Le maître est beau... Oh oui oui oui, trésor... Le maître est beau... Si beau qu'il en ferait pâlir nos beaux poissons, hein mon trésor... Le maître, oui le petit maître...
Shhhhhh... ils rampera le gros, oui il rampera devant nous mon précieux... Il rampera et nous suppliera de l'épargner... Et nous aurons le trésor, oui...
Oui... Et nous aurons le maître... Le maître à nous tout seul... Pour nous cajoler... Ouiouioui !
<Frodon>
Je suis épuisé... La marche est rude dans les montagnes abruptes... Et Gollum est si rapide, si souple... Il se hisse sans difficultés, il rampe, escalade... Il est habile, si habile... Et je suis si faible...
Oh bien sûr, Sam m'aide à marcher, il me soutient... Et ça me fait tant de bien de sentir ses larges bras autour de moi, si protecteur... Mon Sam... Il ne m'en a même pas voulu d'avoir mis sa parole en doute... Il n'a rien dit en fait...
Je jette un regard vers le haut et entre aperçoit la maigre silhouette de notre guide penchée sur nous par dessus un rocher, ses grands yeux bleus fixés sur moi avec inquiétude...
Cette créature... Cette chose... Cet être... je n'ai pas trouvé de mots pour définir Sméagol... Il est ce que je vais devenir... Il est ce en quoi l'anneau me transforme chaque jour... Il est moi... Et je suis lui... Ce qu'il fut en des temps lointains... Avait-il des amis, une famille... Avait-il un oncle aussi doux que le mien pour s'occuper de lui, un jardinier si attentionné et deux cousins si adorables ? Comprend-il seulement ce qu'adorable veut dire ?... S’il comprenait... C'est ce qu'il est...
Mes yeux se ferment... Si vulnérable, si faible, si perdu... Ces grands yeux bleus...
C'est moi... Moi... Mais la différence entre nous, c'est que j'ai des amis, des gens qui m'aiment... Et Sméagol, qu'a-t-il lui ? Rien... rien ! Pourquoi ? Pourquoi suis-je condamné à errer seul comme il le fait ?... Je voudrais tant l'aider, le sauver... Le sauver de l'anneau... Me sauver...
- Gollum, appelai-je... Gollum venez, nous allons arrêter une minute...
Il me regarde et la panique croît dans ses yeux... Il pense sûrement que nous allons le frapper... Que nous allons lui faire du mal... Tant de gens on déjà dut le blesser... Pauvre, pauvre Gollum...
- Vous entendez l’affreux, grogne Sam, le maître vous a dit de venir...
Je me tourne vers mon compagnon.
- Sam... S’il te plait…
- Désolé monsieur Frodon... Marmonne-t-il en fouillant dans son sac.
<Sam>
Des heures que nous marchons sans nous arrêter... Cette vile créature va finir par nous perdre au milieu des montagne avant de s'enfuir... Heureusement, monsieur Frodon a eu la bonne idée de le faire venir durant notre pause... Je veux l'avoir à l’œil...
J'étais satisfait au début de savoir qu'il ne pourrait pas s'échapper, qu'il allait devoir rester près de nous... mais il est trop près... beaucoup trop à mon goût... il rampe furtivement jusqu'à nous et se ramasse pitoyablement devant les pieds de monsieur Frodon... Cette abomination lance un regard plein d'espoir à mon maître...
Et... Frodon s'assoit calmement contre un rocher et lui sourit d'un air rassurant, toujours avec ce fond de tendresse dans le regard...
Répugnant... Vile chose... Comment monsieur Frodon peut-il poser un regard aussi doux et compréhensif sur elle... Comment ?
<Gollum>
Le maître s'arrête doucement en se tenant la tête à deux mains... Inquiet, nous nous penchons sur le précieux... Oh, mon précieux...
Notre... Notre précieux... Il est là, tout près... Nous n'aurions qu'à tendre la main, trésor...
Mon précieux... sssss... Avec ses grands yeux bleus... Maître... oui, gentil maître... gentil hobbit... Il nous regarde avec tant de douceur... Plus que nous n'en avons jamais reçu, hein mon trésor ?... Personne ne nous aime... Personne ne veut de nous... Le maître lui, il nous comprend... Il sait... Oui il sait que nous souffrons.... Oh oui, car il souffre comme nous... Juste comme nous, mon doux...
Mais ils sont vils, ils sont perfides et malicieux les hobbits... Vilains hobbits qui nous ont volé le précccccieux... Méchants... Voleurs, sales voleurs... Mais ils vont payer, oh oui oui oui... Car ils nous vendront aux orques, les mauvais...
Non ! Le maître est gentil... Le maître ne nous fera pas de mal...
Oh si si si... Ils le feront... Ils sont perfiiiiiiides les hobbits... Perfides et méchants...
Pas le maître, le maître est gentil... Le maître nous comprend... Persssssonne ne nous comprend... Persssonne... Shhhh... Personne, à part le préccccieux...
Mais le précieux nous a abandonné...
Non, pas le préccccieux... Mais les hobbits, ils le feront, les ignobles... Oh oui... Ils le feront...
Non... Le maître est gentil... Le maître est bon et nous voulons rester avec le maître... Toujours... parce que le maître est doux avec nous... Parce que le maître nous aime... hein, trésor, il nous aime ?
<Frodon>
-Tenez Gollum.
Je lui tends un morceau de lembas en souriant. Il le renifle avec circonspection puis ses doigts osseux se referment autour des miens pour prendre le pain elfique… Une minute ! Le pain elfique ! Il est probable que…
-sshhhrerrrrck ! Kollm ! Kollm ! Ce pain nous étouffe !!! Se plaint Gollum en crachant la petite bouchée qu’il venait de prendre.
-Vous pourriez être plus convenant ! Oh c’est pas vrai… Dit Sam d’un air dégoûté.
-Je suis désolé Gollum. Je ne pensais pas…
-Nous ne mangeons que du poissson, oh que oui du bon poisssson cru et ssssémillant !!! Vouivouivoui mon tréssssor !
-Très bien…
Nous repartons. Je suis un peu inquiet pour Sméagol qui n’a rien avalé de la journée. Mais il ne semble pas mal s’en porter. Vers la fin de l’après-midi, nous débouchons enfin hors de l’Emyn Muil. Gollum sautille partout, il semble très fier de lui. C’est alors seulement que je remarque les multiples lacérations qui strient son dos de haut en bas. Les morsures des fouets de Mordor… Je les déteste. Je hais ceux qui lui ont fait cela de toute mon âme ! J’aurais tant voulu lui éviter toute cette douleur…
-Vous voyez ? Vous voyez ? Nous vous en avons sorti, n’est-ce pas mon préccciiieux ? Nous avons été gentil comme promis ! Nous avons tenu notre promesse, pas vrai maître ?
Il galope vers moi et entoure mes genoux de ses longs bras avant de poser sa tête au-dessus. Il est si affectueux, il a tellement besoin de douceur… Qui l’eût cru ? Certainement pas moi il y a encore peu de temps de cela. Et dire que ce qu’on lui donne à la place sont des coups et des brûlures…
-Oui Gollum, vous êtes un bon guide. Nous sommes chanceux de vous avoir trouvé.
J’aimerais lui caresser la tête mais je n’ose pas… Je ne sais comment il réagirait… Doux Sméagol… Probablement personne ne lui a témoigné d’affection depuis si longtemps…
Au beau milieu de ces réflexions je vois Sam nous dépasser avec un regard sombre.
<Sam>
Le tuer… Le tuer… Je vais le tuer ! Comment ose-t-il se comporter de cette façon ?! Et comment Monsieur Frodon peut-il le laisser faire ? Il ne semble en rien répugné d’être touché par cette atrocité, au contraire il l’encourage ! « Nous sommes chanceux de vous avoir trouvé. » Pff… Tu parles ! Une belle épine sous le pied oui !
Je m’avance au bord du plateau.
-Vous parlez qu’il nous en a sorti ! Il nous conduit tout droit dans un marais !
Je me tourne vers eux. Cet immondice frotte à présent sa tête contre les jambes de mon maître. Arrête ça… Arrête ça tout de suite ou je risque de te briser la nuque quand tu ne t’y attendras pas… Heureusement Monsieur Frodon se dégage de l’emprise (un peu trop gentiment à mon goût) pour venir à mes côtés.
-Un marais ?
-Ouiiii ! Un marais ! Par ici les hobbits !
Frodon, confiant, part devant, pour ma part je préfère attendre notre « guide » histoire qu’il ne nous lâche pas traîtreusement ici. Ce dernier passe devant moi en rampant le plus possible.
-Gentil hobbit ! Me lance-t-il de sa pitoyable voix.
<Frodon>
Nous nous avançons tout trois dans le marais. Sméagol explique :
-C’est mon chemin, je l’ai trouvé ! C’est moi ! Je connais les sssentiers ssssûrs à travers la bruuuume. Les orques ne l’empruntent pas ! Les orques ne le connaissent pas ! Ils contournent sur des milles et des milles ! Dépêchons…
Soudain je m’arrête. Là… dans l’eau… Je vois des gens qui sont morts ! [1] Des figures pâles, putréfiées, étirées par le temps flottent à la surface huileuse…
-Gollum ! Qu’est-ce que c’est que ces visages dans l’eau ?!
-Tooous morts… Touuus pourris. Des elfes, des hommes, et des orques. Grande bataille… Au temps jadis. Murmure notre guide. Venez, ne suivez pas les lumières !
Nous poursuivons opiniâtrement notre route. Parfois, un feu follet s’allume à quelques pas de nous, éclairant notre sente.
Tout à coup, Sam s’enfonce jusqu’à la taille après avoir fait un faux pas.
-Sam !
Je me précipite pour l’aider. Gollum se retourne et déclare :
-Faites attention ! Ou les hobbits descendront rejoindre les morts et allumeront de petites chandelles…
Sam remis sur pieds, nous continuons notre route. Soudain, l’un des visages attire mon attention. Un elfe… Il ressemble à notre ami Legolas… Je me penche au-dessus de l’eau… Je suis absorbé… L’anneau… Se fait plus lourd à mon cou… Oh… Si lourd… Comme si un troll y était pendu… Je… ne peux plus résister…
<Gollum>
Un bruit mouillé retentit soudain. Le maître ! Où est-il ? Non ! J’entends le gros hobbit crier, il court comme il peut vers un endroit du marais où l’eau est troublée de remous. Mais il est beaucoup trop gros, que oui ! Et pataud avec ça ! Sa masse peine a garder l’équilibre sur ce sol instable.
Laisssssons-le…Ccc’est ssson… châtiment !
NON ! Petit maître ! Gentil maître si doux nous ne voulons pas le perdre !
Je me lance dans sa direction, agile, oh oui agile ! Je double rapidement le stupide gros hobbit, manquant tomber moi aussi parmi les morts, parmi les morts d’autrefois, mais ce n’est pas grave, non aucune importance : il faut sauver notre maître ! Il faut sauver notre maître ! Je ne veux pas vous perdre, maître adoré, si bon, oui si bon !
J’atteins enfin l’endroit.
Attrrrrape le préccccieux ! Attrape-le et puis repousse-le ensuite !!! Oh que oui repousse-le et tu seras enfin vengé ! Et tu auras le précccccieeeeeux !!
<Frodon>
Le vide. Je n’entends plus rien. Je ne sens plus rien. Je vois juste, comme dans un demi-sommeil, des visages… Une myriade de visages m’appellent… Ils me tendent les bras… Et moi je n’aspire plus qu’à une chose : m’y jeter à corps perdu. Oui je veux les rejoindre… Mais… Quelqu’un m’en empêche ! Quelqu’un me tire vers le haut ! Pourquoi ? Pourquoi ne puis-je pas rester ici, dans ce havre ? Ma tête émerge ; et avec la première inspiration me reviennent la raison et les souvenirs. Je suis tombé dans le marais des morts ! Heureusement Sam était là et il a eu le temps de me repêcher… Mais… Ces grands yeux bleus penchés si près… Ce ne sont pas ceux de mon compagnon ! Et ces mains sur ma poitrine… Je ne les connais pas… C’est… Gollum ? Sméagol ? Mais… Pourquoi lui ? Pour quelle raison m’a-t-il sauvé ? Ses immenses iris couleur aigue-marine passent, fiévreuses, de mes yeux à mon torse … Son regard paraît hésitant ; tantôt il le fixe dans le mien, tantôt il contemple autre chose sur ma poitrine.
Cela dure quelques secondes où seule la respiration chuintante de la créature pulse à mes oreilles… Je parviens juste à articuler :
-Gollum ?
Ses mains lâchent ma veste et il m’intime :
-Ne… Suivez pas… Les lumières.
Il tourne ensuite le dos et repart, me laissant à mon trouble stupéfait. J’entends alors la voix de mon jardinier, plutôt lointaine…
-MONSIEUR FRODON !!!
Des bras me tirent un peu plus sur la terre ferme.
-Monsieur Frodon ! Vous allez bien ?
Je n’y prête pas attention. Je suis complètement retourné par ce qui vient de se passer. Mes yeux suivent Gollum qui s’éloigne en claudiquant, j’essaye de le rappeler :
-Gollum…
Il se retourne un bref instant, puis continue son chemin. Sam me prend alors dans ses bras et je ne vois plus mon sauveur. Sméagol… Je dois le remercier ! Je dois lui parler ! Je dois… Je dois avouer que me retrouver au chaud dans ma forteresse familière me fait beaucoup de bien… Les explications pourront attendre… Pour l’instant j’ai besoin de chaleur, avec tout ceci je ne m’étais même pas rendu compte que je tremblais de froid. Je me sens si bien ici… Mon Sam… Mon nez endolori par le froid se réchauffe dans ta tunique. Je me force pratiquement à grelotter pour me sentir plus serré et plus protégé. Si doux… Si tiède… J’en ronronnerais presque ! Bientôt mon corps retrouve une température normale. Seuls mes pieds restent froids.
<Sam>
Frodon… Oh mon Frodon… J’ai eu si peur. J’ai bien cru que vous me laisseriez errer seul avec cette créature ! Mon dieu Frodon qu’est-ce qui vous a pris ? Vous voulez ma mort ? Je suis si fébrile que je serre mon maître de toutes mes forces. Peut-être trop d’ailleurs… Je desserre un peu mon étreinte, mais Frodon gémit en enfonçant un peu plus son visage contre moi. Alors je le garde étroitement serré… Mon tout petit Frodon… Si frêle… Si pur… Mon dieu ce que je l’aime ! Je voudrais rester ainsi pendant des jours, avec ses bras grêles autour de moi et sa tête contre ma poitrine. Ca, le déchet qui nous sert de guide ne l’aura jamais. Jamais… Jamais…
<Gollum>
Nous sommes un peu plus loin. Lorsque nous nous sommes retournés pour vérifier que les hobbits étaient derrière nous, nous les avons vus, nous les avons vus ! Tranquillement enlacés, sans soucis de ce qui les entourait.
Ils ssssont ssstupides ! Ssseul compte le tréssssor.
Pourquoi ai-je si froid ? Nous n’avons pas froid d’habitude…
C’est le précccieux… Il te manque.
Non. Ce n’est pas ça. Je ne peux détacher mon regard des hobbits…
C’est parce qu’ils se jouent de toi ! Ils te font du mal ! Kollm ! Kollm !
Non… Pas le maître. Il est bon.
Le gros hobbit lui, il te maltraite, ses yeux t’observent d’un œil malveillant, il n’aspire qu’à te passssser par toutes les atroccccités posssssibles ! Comme les méchants orques !
Oui…
Et il cherche à te voler le maître… Il te vole à nouveau ! Vas-tu laisser passer cela ?
Non…
Tu le hais…
N… Non. Je ne hais personne.
Tu es un menteur. Regarde-le… N’est-cccce pas que tu voudrais le voir dissssparaître ?
Ou… Oui. Oui ! Oui ! Je le déteste !
Il doit mourir…
Oui ! Oui il doit mourir et il ne nous embêtera plus ! Plus d’insulte ! Plus de mauvais yeux ! Juste ceux du maître… Si beaux… Si bleus… Si savoureux. Et personne d’autre !
<Frodon>
Si… beau… Si… lisse…Si… parfait… Si… lumineux… Si rond… Oh oui… Si rond… Si rond et si creux… Il m’appelle… Oh oui il m’appelle… Je voudrais assouvir ses moindres désirs… Je veux passer mon doigt dedans… Je veux… M’enfoncer tout entier en lui…
Je tente d’avancer ma main gauche mais rencontre une résistance. C’est la main de Sam. La nuit, nous dormons liés par une main ; officiellement pour se sentir solidaires et s’aider à tenir le coup, officieusement pour qu’il m’empêche de trop tripoter l’anneau. Oh bien sûr je pourrais me libérer de l’emprise bien qu’elle soit ferme, mais le plus souvent sentir cette résistance inattendue suffit à me sortir de ma torpeur. Là encore ça a marché. C’est alors que j’entends une voix toute proche, une voix rugueuse et discordante et je reconnais immédiatement à qui elle appartient.
-Si… Brillant… Si… ssssplendide… Oh mon précccieux…
Je cache précipitamment l’anneau dans ma tunique et me retourne. Sméagol est accroupi à quelques mètres, il me tourne le dos. A nouveau je vois, à la lueur d’un feu follet, les horribles cicatrices qui me mettent si en colère. Je me dégage de la grande main de Sam et me lève.
Je m’approche lentement de Gollum qui rumine des paroles incompréhensibles.
-Que dîtes-vous ?
Il sursaute et se retourne. Lorsqu’il me reconnaît, ses traits grimaçants paraissent se détendre un peu.
-Le maître doit se reposer, le maître doit prendre des forces pour demain.
Je fronce soucieusement les sourcils.
-Qui êtes-vous ?
Gollum me tourne à nouveau le dos, brutalement, comme un enfant qui boude, et reprend la contemplation des eaux croupissantes à ses pieds.
-Pas demander ! Aucune… Kollm ! Kollm ! Aucune importance, oui.
Je reste debout quelques secondes. Si maigre… si chétif… si grêle… si souffreteux… si vulnérable… si…. Pur ? Je suis surpris du cheminement de mes pensées, puis m’en morigène : Gollum est tout sauf un être sain ! Pourtant… Il parait à présent si dépouillé et fragile que je tombe à genoux en déclarant :
-Je souhaite vous aider Gollum.
Je m’approche de la créature et, sans comprendre vraiment la raison de mon geste, lui pose une main sur l’épaule. Le contact est glacé, anguleux, dur. Sméagol tressaille violemment et un gros frisson le parcourt. Il dit alors ceci:
-Froids sont les mains, les os et les cœurs. Froids sont les voyageurs loin de leur demeure.
Je pense à la Comté, à sa verdure, son soleil… En effet, tout mon être est devenu glacé depuis que je suis parti. Je regarde mes mains ; jadis fines, agiles et joueuses, elles sont à présent couturées de plaies et d’hématomes, et bouger les doigts m’est devenu douloureux. Mes os sont endoloris également, ma peau terne et tendue. Et plus que tout, c’est mon cœur qui est gelé. Plus dur et plus impénétrable que jamais ; où aucune passion ne brûle plus… Si ce n’est peut-être une toute petite flammèche, à peine lumineuse mais cependant immuable : L’espoir de voir un jour ma longue errance payée, et de voir surtout la fin de Sauron et l’avènement d’un monde nouveau.
-Vous dîtes vrai….
Ma voix a vacillé, espérons que Sméagol ne l’ait pas remarqué. Mais celui-ci tourne brusquement son visage désagréable vers moi. J’ai un léger mouvement de recul.
-Le maître a mal, n’est-ce pas ?
Il a dit cela avec une étrange lueur dans ses yeux clairs. Je décide de m’en méfier tout de même.
-Nous avons tous mal… Au fond de nous… Certains y font face mieux que d’autres… Gollum, j’aimerais…
-Notre cœur baigne dans un poison qui nous fait souffrir, et que seul le baiser de l’épée peut guérir.
Mes yeux se plissent et mes lèvres se referment tandis que ma mâchoire se crispe. Les paroles de Sméagol sont enveloppées d’un tel désespoir, d’une telle noirceur…
<Gollum>
Si chaud… Je suis brusquement envahi de chaleur. Mon premier réflexe est de me dégager, mais des bras me retiennent serré! Non ! On va me faire du mal ! On va me faire du mal ! On m’enserre pour me torturer ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas ! Je geins, je proteste, je tremble… Mais je n’ai pas mal. On ne m’inflige pas de douleur… Pourquoi ? Pourquoi le maître me serre-t-il ainsi si ce n’est pas pour me faire souffrir ? Et soudain je sens… Une chaleur si douce émaner de lui et m’envahir tout entier. Si… Bon. Si… agréable. Je n’ai plus du tout envie de me sauver maintenant ! Mais malgré tout j’ai un peu peur… Peur de ces nouvelles sensations qui m’assaillent toutes à la fois. Je ne comprends pas pourquoi je me sens si bien… C’est la première fois depuis des centaines années…
Le maître resserre son étreinte. Me voilà pressé contre lui. Je suis tendu comme un poisson gelé. Je suis à la fois merveilleusement bien et très mal à l’aise. C’est cette sensation de maintient qui m’effraie, je ne comprends pas pourquoi on me serre sans que la douleur ne me morde… Tout à coup je sens quelque chose le long de mon dos. Les fouets ! Non pas les fouets ! Nononon !!! Je suis agité par des spasmes d’horreur. Mais ce ne sont pas des fouets qui lèchent mon dos, non. Ce sont les doigts du maître ! C’est si agréable… J’avais oublié jusqu’au sens de ce mot ! Je me détends alors complètement et m’abandonne au maître, à son épaule chaude, à ses caresses frémissantes. Ses caresses… Elles glissent sur ma peau fine, suivant les sillons de mes cicatrices, funestes souvenirs du Mordor. Cela me brûle légèrement au début ; puis les doigts effacent les séquelles douloureuses, les remplaçant par une indicible douceur… Ces doigts… Ils se posent sur ma nuque, puis coulent dans mon dos tels l’eau d’une source chaude, jusqu’en bas, puis recommencent. Cette fois-ci c’est moi qui me serre le plus possible contre le maître. J’en veux encore, encore et encore… Je ne veux pas que la cascade de caresses se tarisse.
<Frodon>
Si froid… Sméagol est si froid… Son dos… Ses bras… Plus glacés que les stalactites qu’on trouve en hiver au bord du toit de Cul-de-sac, et que j’avais coutume de lécher quand j’étais petit. Par Illuvatar, comment peut-on avoir aussi froid ? … Je ne comprends pas ce qui m’a pris. C’était comme si une force incoercible m’avait poussé en avant lorsque j’ai vu Gollum proférer de telles paroles en regardant l’eau d’un air désespéré. Je l’ai attrapé par le bras et l’ai attiré à moi pour le serrer comme l’aurait fait un frère… Il s’est beaucoup débattu mais peu m’importait : je suis resté là, à le retenir tout contre moi, en fermant les yeux pour éviter les claques. Et puis il s’est calmé. Il n’avait plus peur mais n’était pas mieux qu’avant. Alors j’ai essayé de lui apporter l’affection dont il avait été tant privé. Il fallait que je lui réapprenne le sens de ce mot… Pour le sauver. J’ai caressé maladroitement l’échine osseuse… Je sentais la colonne vertébrale sous mes doigts, et aussi les coutures et les traces brûlées… Rien à voir avec le dos large et tiède de Sam, bien qu’il ne m’ait été donné de le sentir qu’à travers une cape. Cela aussi l’a effrayé, mais à présent il semble enfin détendu. Pauvre petite chose blessée… Pauvre petit être si exempt de sentiments réels… Pauvre corps molesté et pauvre cœur envenimé par le pouvoir de l’unique… Comme moi d’ailleurs, je le sens bien. Oh mon Dieu nos âmes sont si semblables… Et nos vies ont été si différentes… Chaque lacération sous mes doigts me le rappelle…
Soudain Gollum pousse un gémissement plaintif et sa longue main s’agrippe au tissu recouvrant mon épaule. Je décide que c’est le moment.
-Ne vous inquiétez pas… Vous n’avez rien à craindre de moi… Je suis votre ami… Vous, vous n’étiez pas si différent de moi autrefois, n’est-ce pas ?…
Il ne répond rien, son visage est caché dans mon épaule.
-Sméagol…
Il tressaille. Puis se retire lentement pour se placer face à moi ; mes mains tombent dans l’herbe. Ses yeux bleus, oh… d’un si magnifique bleu cristallin à la lueur des flammes blanches, s’ancrent encore une fois tout au fond des miens. Son regard est si stupéfait, si perdu… Il brille comme s’il allait se mettre à pleurer.
-Comment… Comment m’avez-vous appelé ?
Je me contente d’esquisser un doux sourire en soutenant le regard.
-Sm… Smé… Sméagol ?
-Eh oui… C’était votre nom il y a fort longtemps…
-Mon nom ? Répète-t-il d’un air tout fiévreux. Mon nom…
Mon sourire s’accentue et mon regard se fait encourageant.
-Sssméagol…
Et le voilà qui sourit à son tour ! Il a l’air si heureux, si fier de lui, si sincèrement ravi… Elbereth, il est adorable…
Il me regarde à nouveau, il ne sait que faire. Moi je sais. Je lui tends les bras et il s’y lance avec joie ; il se blottit à nouveau et tout en le caressant je me sens moi aussi très fier. Je parviendrai à purger Sméagol !
<Sam>
Je me réveille. C’est le milieu de la nuit si j’en juge par la luminosité derrière mes paupières… Avant d’ouvrir les yeux je serre mes doigts pour sentir la main de Frodon au creux de la mienne… Mais cette dernière est vide. Mon Dieu Monsieur Frodon ! Où est-il ? J’ouvre les paupière en catastrophe… Oh il n’est plus à sa place ! Pitié ! Qu’il ne lui soit rien arrivé ! Je me retourne pour voir s’il n’aurait pas tout simplement changé de place…
Le spectacle qui s'offre alors à mes yeux envoie un long frisson le long de mon échine... Ma gorge se serre et une haine sournoise étreint mon cœur...
Comment... ? Ce n'est pas possible... pas monsieur Frodon... Pas avec ce malpropre, cette créature ignominieuse... non !
Ils sont là, juste devant moi, dans les bras l'un de l'autre et Monsieur Frodon caresse avec une atroce tendresse le crâne dégarni de la chose immonde... Je regarde le creux de ma main vide… Un grand doute ombrage mon esprit...
Monsieur Frodon... Je... Je ne lui suffis pas... Suis-je donc un si piètre ami qu'il ait besoin d'aller ainsi quémander l'affection de cette aberration... Non, je ne peux pas y croire... Je suis le plus proche ami de Monsieur Frodon depuis des années… Et cette chose, ce puant, il... Il ne peut pas prendre ma place dans les bras de monsieur Frodon... Il n’en a pas le droit ! La vile petite créature cherche à me voler MON maître...
Oh non, ça ne se passera pas ainsi l'affreux ! Non, non, non ! Je ne vous laisserai pas me voler ce cher monsieur Frodon, jamais vous ne me priverez de mon cher et tendre...
Vous paierai, oh oui, vous paierai l'ignoble...
<Gollum>
Sméagol... Sssssméaaagol... oh, maître, c'est bien ça mon nom... Oh oui, le maître le connaît... Le maître se souvient...
Sméagol... Si doux, si doux cela sonne entre ces magnifiques lèvres roses... Oui, précieux, le maître le dit si bien... C'est si bon de l'entendre à nouveau...
Heureux comme je l'ai rarement été dans ma pitoyable existence, je me blottis confortablement contre la poitrine du maître et enfouis mon visage dans son cou...
Chaud, il est si chaud le petit hobbit... Sa peau si douce contre ma joue... Si chaud, le tout petit maître... et moi si froid, oh oui, mon précieux, on a si froid... mais le maître est là... oui, oui, oui...
- Maître... Gentil, gentil maître... On jure, oh oui, oui, on jure de toujours obéir au maître... On jure... sur le précieux, on jure sur le trésor... Le maître est bon, le maître va nous garder près de lui, oh oui, oui mon précieux, on a confiance en lui...
Nous sommes tout deux étendus contre la vielle souche d'un arbuste, étroitement enlacés... Je ferme les yeux et me frotte un peu plus contre le gentil hobbit... Je veux son odeur, oh oui l'odeur du maître... Cette fragrance de brioche chaude… Cette odeur, elle nous ramène très loin en arrière… Si loin que mes souvenirs sont trop flous pour situer exactement quand… Cet arôme donne faim, si je ne me retenais pas je mordrais avidement dans cette peau blanche et tiède où palpite la jugulaire… Mais non ! Surtout pas… Nous ne voulons pas faire de mal au petit maître ! Alors nous nichons simplement notre visage auprès lui, en frottant légèrement notre joue tout contre sa poitrine. On veux que le gros comprenne, oui oui... Le vilain hobbit ventru, il nous regarde, je l’ai vu se retourner… Je sais qu’il nous regarde, qu’il ne peut pas détacher ses méchants yeux de nous… On veut qu'il comprenne que le maître est à nous, que nous sommes au maître...
Et on veut que le maître le sache lui aussi...
- On fera tout ce que le maître voudra... juré, oui, on jure...
Le maître nous caresse, oui il nous caresse avec ses longs doigts, doux et souples... Il frotte gentiment notre dos, comme pour réchauffer notre corps gelé...
Et on aime ça... oui précieux, on aime ça... Alors on reste contre le maître et on le serre fort... Tout contre nous...
<Frodon>
Oh seigneur Illuvatar, il est si frêle, si maigre... Comment ce corps si fragile a-t-il pu survivre aux tortures du Mordor ? Comment a-t-il survécu aux morsures des fouets de Sauron... ?
Pauvre Sméagol... Mon cœur s'emplit à nouveau de haine à la pensée de ces brutes sombres abattant leurs grosses mains crasseuses sur le corps tremblant et agonisant de cet être si sensible... Je revois son regard fou, ses yeux de cristal envahis d’horreur, ses gémissements implorant pitié… Et dire qu’on ne le gave que de douleur et de souffrance… Il est si doux... A chaque caresse il se presse un peu plus contre moi, ses longs bras squelettiques noués autour de ma poitrine... Ce soir c’est de douceur dont je vais le soûler, et puisse ce maigre dédommagement soigner cette âme anéantie
Je baisse lentement mon regard vers lui... Il somnole tranquillement contre moi, ses lèvres pâles légèrement entrouvertes... Il a l'air si paisible ainsi, tout son corps, tout ses traits semblent détendus... Il dort à présent profondément et sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration... Lente, régulière...
Si doux, mon petit Sméagol, si fragile... Celui qui pourrait rester de marbre devant un être comme lui n'a probablement pas de cœur...
- Et moi je jure que plus personne ne portera la main sur vous... plus jamais, Sméagol... plus jamais...
[1] (by Half) Désolée, désolée, mille fois désolée… J’ai pas pu résister au clin d’œil ! ^-^
Half avec un grand sourire mi-niais mi-gêné : -…Hè !
Beshimie faisant un grand sourire pour amadouer les lecteurs: -Bon bah voilà… Ca vous plait ?
*salve de tomates, tartes à la crème et lembas pourris en réponse*
Half et Beshimie se planquant derrière un parapluie géant : -Ben quoi vous êtes pas contents ?
Frodon, Sam et Gollum avec des pancartes « un peu de respect pour les héros » : -NAN ! On n’est pas content nous !
Gollum, renchérissant : -Non, pas contents du tout mon préccccieux !
Half : -Pourtant on te donne le beau rôle Gollum, est-ce que tu sais au moins que c’est parce qu’on t’aime qu’on fait tout ça ?
Beshimie : -C’est vrai ça d’abord ! Peu de gens peuvent se vanter de se donner autant de mal pour toi !
Sam : -Ah oui ? Et moi je suis quoi dans l’histoire ? Le défouloir de vos diaboliques petites rancunes d’adolescentes frustrées ?
Half et Beshimie se regardant, puis regardant Sam : -Heu bah… Vi. ^^ ^^
Sam : -Pô juste…
Frodon : -Il a raison, cette histoire est cruelle pour mon pauvre Samounet, je vous prierai donc de stopper cette mascarade.
Beshimie : -Ah non pas d’accord ! Elle est toute mimi cette fic, et je ne suis pas la seule à le penser !
Merry et Pippin débarquant en mangeant chacun une pomme : -Ah oui ! Nous on soutient !
Pippin : -Cette fanfic est un chef-d’œuvre !
Merry : -C’est exactement notre petit cousin chéri là-dedans !
Half : -RAH PIP-CHAN !!!
Beshimie sautant sur Half pour la plaquer au sol : -Voyons chère collaboratrice, un peu de tenue, les lecteurs nous regardent !
Half (à plat ventre avec Beshimie assise sur elle) essayant de ramper : -M’en fous !!
Beshimie : -Ah la la… Aucune dignité…
Half : -Oh ça va hein ! C’est moi, peut-être, qui fantasme sur Haldir-sama au lieu d’écrire mes bouts de fic ?
Haldir : -On m’a appelé ?
Beshimie : -GASP !
Haldir : -Doucement, doucement, vous allez finir par me percuter jeune fille… Hé ! Humpf ! Aïe ! Non pas les habits !!!
Half : -Bon eh bien voilà, on vous dit à très bientôt pour de nouveaux chapitres ! En attendant n’hésitez pas à nous faire part de vos… Comment dire… De vos « impressions » (hum… insultes seraient peut-être plus approprié…) !
Gros bisous !
_________________ La Halfeline
__________
Le sachet de thé c'est la santé!
Dernière édition par La Halfeline le 10 Déc 2004 21:05, édité 3 fois.
|