Merci beaucoup pour cet enthousiasme!
Voici donc la suite et fin de ce petit texte!
Pippin, pour sa part, était resté cloué au plancher. Il toisa Merry, mi-médusé mi-irrité.
- Euh… Je-je ne sais pas quelle mouche l’a piquée, bredouilla l’aîné sous un sourire mal assuré.
- Elle le savait pour toi, visiblement, fit le cadet, la moue piteuse.
- Non Pippin, je te promets que ce baiser était complètement…incongru ! Je n’imaginais pas une seconde que… Enfin, je m’attendais pas à …
- Ne te fatigue pas, cousin ! coupa Peregrin en s’asseyant sur le lit défait. Je vis sous le même toit qu’elle depuis mes premières heures, alors j’ai bien eu le temps de cerner le phénomène. Et puis, j’ai aussi vu ta mine effarouchée quand elle t’a embrassé !
Sur ces mots, Pippin croisa ses jambes nues en tailleur sur la couche, bascula sur ses bras, et adressa un sourire radieux à son grand cousin qui se détendit.
- Adorable petit gredin ! Toi et ta faraude de sœur me menez par le bout du nez sans aucune honte depuis le début !
- Oh ! Ce n’est pas si cruel de te faire chanceler sur ton petit piédouche de mirliflor agreste, de temps en temps ! renchérit fièrement le plus jeune en redressant ses petites épaules rondes.
Meriadoc considéra son jeune cousin renversé sur la couette dans cette posture aguichante, et tout sursaut de dépit s’évanouit.
- Le bouquet de la farce, c’est que je n’arrive pas à m’en formaliser, ajouta doucement ce dernier en s’approchant du jeune Touque offert sur son lit de plumes. A présent qu’il le contemplait sans aucune gêne extérieure, Meriadoc ne retenait plus ses yeux avides de se gorger du plus adorable spectacle de la soirée, et sans conteste celui pour lequel il s’était donné tant de mal. Surpris durant son sommeil, Pippin revêtait un linge de corps écru, tombant à mi-cuisse, dont le mince tissu laissait deviner le teint rosé de sa peau tiède. Le sourire du cadet s’estompa sensiblement lorsque Merry parvint à sa hauteur, laissant poindre dans ses yeux de jade une faible lueur de crainte ; ceci finit d’éveiller l’appétit coupable du jeune Brandebouc. Alors qu’il s’abaissait lentement, l’aîné approcha son visage de celui de Pippin jusqu’à y sentir le souffle chaud et saccadé sur ses joues.
- Sais-tu seulement par quels périls je suis passé pour arriver jusqu’à toi, ce soir ? dit-il d’une voix suave et presque inaudible comme il glissait doucement jusqu’à l’oreille pointue de son jeune acolyte. Ce dernier frissonna lorsqu’il sentit une langue veloutée caresser doucement son lobe, comme une taquinerie qui promettait sans s’abandonner. Au même instant, Merry fit remonter sa main fébrile sur une cuisse glabre jusqu’à s’immiscer discrètement sous la bordure flottante de la tunique de lin. Pippin hoqueta soudainement et stoppa sa progression audacieuse de la main.
- Et alors ? objecta Merry, un soupçon préoccupé. N’aurai-je décidément pas droit au repos du guerrier, cette nuit ?
- Ah ! Sûr que tu as dû te faire quelques frayeurs en t’empêtrant dans tes propres pieds, valeureux guerrier, rit Pippin, retrouvant un peu de hardiesse devant la frimousse inquiète de son grand cousin. Mais même le plus intrépide des soldats de bergerie ne peut correctement courtiser ainsi fait !
- Bougre de Touque ! protesta Merry, outragé. Je me vêts de mes plus beaux effets d’automne, sans oublier la cape en soie, traverse au pied levé la moitié de la Comté pour tes jolis yeux, et voilà que je récolte gouailleries sur gouailleries depuis mon arrivée ! Sois sûr que dès à présent, je resterai bien sagement lové dans mes draps du Pays de Bouc !
Le cadet rit de plus belle devant la mine renfrognée de son aîné, et bascula en arrière, présentant le plus innocemment du monde un petit morceau de fesse blanche au nez de ce dernier qui, malgré cela, resta stoïque. Peregrin se redressa soudain et sauta du lit pour atterrir dans les bras de Meriadoc, qui commençait à se demander quel était ce nouveau jeu auquel il n’adhérait guère.
- Et toi, corniaud de Brandebouc, ne vois-tu pas l’allusion dans ma phrase ? fit le cadet, un sourire dans la voix lorsqu’il déboutonna doucement la cape soyeuse qui dégoulina aux pieds de son porteur. Je suis vêtu d’une simple chemise légère alors que toi, c’est tout juste si je peux apercevoir un petit grain de gorge.
Sur ces mots, il baisa délicatement la petite parcelle de chair ainsi dévoilée.
- C’est déloyal ! ajouta t-il en remontant fièrement le menton, une lueur lutine dans les yeux.
Un sourire aussi réjoui qu’involontaire vint se dessiner sur le visage éprouvé de Merry, qui entreprit de dégrafer maladroitement son manteau.
- Oh toi ! Si tu m’asticotes de cette façon, tu recueilleras bientôt sous tes couvertures un joyeux drille, certes, mais plus droit que jamais ! fit-il en jetant à bas le veston, et bientôt la chemise. Ce qui veut dire que je n’admets plus de tricherie d’aucune sorte, cousin !
L’aîné saisit alors les bras de Pippin et, sans lui laisser le temps de broncher, pressa ses lèvres sur les siennes. Mais le baiser fut doux et presque timide, contrairement à ce que laissait présager le soudain entrain de Merry. Ils s’attardèrent tous deux sur la chair onctueuse des lèvres de l’autre, goûtant à nouveau cette saveur délicate qui ne quittait jamais totalement leur tête quand ils en étaient privés. Les mains du plus jeune cherchèrent celles de l’aîné, et bientôt vinrent effleurer la fleur de peau encore fraîche du torse dévêtu. Ses doigts frôlèrent avec une étrange retenue un premier petit bouton de sein qui bourgeonna sous le contact. Leurs bouches se séparèrent, et le souffle de Merry caressa l’oreille de Pippin. Pressant son complice contre lui, le cadet l’entraîna vers la couche, où ils basculèrent doucement sur les draps défaits. Accompagnant la tâche de baisers, ils ôtèrent les derniers vêtements qui les couvraient encore, et se réfugièrent frileusement sous les couettes. Les draps étaient encore imprégnés de la chaleur du petit corps qui y avait dormi, et son odeur délectable de beurre frais qui rappelait les gâteaux de la tante Eglantine titilla les narines du plus vieux. Ce fut un Merry frémissant de volupté que Peregrin accueillit dans ses bras. Le blond avait attendu ce moment de bonheur avec tant d’impatience qu’une douce fièvre lui chatouilla les membres et lui fit oublier les froids horizons qu’il avait traversés une heure auparavant. Un hululement lointain coula furtivement par la fenêtre comme un gage de contentement, dessinant un petit sourire sur le visage du jeune Brandebouc, qui resserra son étreinte sur son petit cousin.
Alors que l’aîné enfouissait son nez rond dans le cou chaud de Pippin, celui-ci faisait jouer ses doigts dans les mèches blondes et bouclées qui exhalaient une fraîche odeur de pluie et de noisette. Il sourit à son tour quand il sentit la main de son amant descendre lentement sur la peau fine de ses hanches étroites, s’attardant quelque peu sur le contour légèrement courbe de son ventre dont il raffolait, avant de se perdre sur les petites rondeurs jumelles qu’elle pétrit délicatement. Soupirant de plaisir, le cadet remonta sa jambe sur celles de l’aîné, comme une invitation à se blottir toujours plus près. Plus aucun bruit ne perturbait leur petit monde clos, tapissé de rayons de lune qui filtraient par la fenêtre, sinon le froissement des draps et leur respiration troublée. La nuit déjà bien avancée se fit gardienne de leur tendresse secrète pour quelques heures encore, avant que le sommeil ne les prît.
La matinée fut nettement plus bousculée quand Pippin entendit comme un mirage la voix autoritaire de Paladin appeler son nom. Il émergea en un éclair, réveillant brusquement Merry qui dormait toujours, la tête penchée sur l’épaule du cadet et la bouche grande ouverte.
- Merry ! Espèce de vieux loir, lève-toi donc ! Mon père est là !
- Rrr… Hum ?
- Mon père va entrer d’une seconde à l’autre ! Si tu tiens à tes fesses -et aux miennes, je te suggère de te musser dans un coin et ne plus boncher ! dit Pippin, qui ne cachait pas son inquiétude en dépit du ton léger qu’il employait.
- Sapristi ! Ta famille n’a t-elle donc aucune considération pour ton intimité ? fit le Brandebouc clandestin en bondissant hors du lit.
Il se planta un instant au milieu de la chambre, paniqué à la vue de tous les vêtements éparpillés sur le sol, et l’écoute des pas lourds et décidés du paternel Touque qui approchait. Il rassembla ses effets qu’il amassa en hâte sous le lit et s’y précipita lui-même, juste à temps pour entendre la porte s’ouvrir brutalement. Nu comme un vert, il observa de son refuge hasardeux les pieds buissonneux de Paladin. Certes, Meriadoc était apprécié des Touque, sans exception, mais s’il se demandait ce que pourrait bien penser le Thain en le surprenant lové dans les bras de son jeune héritier, complètement dévêtu, il n’avait nulle envie d’en avoir le cœur net.
- Parbleu ! Vas-tu jouer la marmotte toute la journée ou nous feras-tu l’honneur de ta présence pour le déjeuner ? gronda le patriarche devant un Peregrin enfoui jusqu’au nez sous les couvertures.
- Le déjeuner ? Ce qui veut dire que j’ai manqué le petit-déjeuner ! Fichtre ! La journée s’annonce mal ! fit le jeunot en sortant vivement la tête des couettes.
- Tu pourras consoler ton ventre avec quelques tartines au miel, si tu ne tardes pas, rit doucement le père. Mais presse-toi, les filles tournaillent déjà autour !
- Ah ! Les petites rates ! J’accours bientôt ! Juste le temps d’enfiler mes culottes ! s’écria Pippin, tout ébaudi, alors que Paladin s’éclipsait avec un regard complice.
Merry sortit de sous le lit et se revêtit à la galopade.
- Bon sang, la matinée est bien avancée à ce qu’il semble ! Si j’ai manqué la déculottée de ton père, je n’échapperai pas au pied du mien.
- Je le crains aussi. J’en suis navré d’ailleurs, je n’aime pas être la cause de tes ennuis, dit le plus jeune en affichant une moue peinée.
- Oh ! Je ne suis pas navré de la délicieuse nuit que je viens de passer dans tes bras, cousin ! D’ailleurs, puisque je suis privé de petit-déjeuner, je goûterais bien un peu à tes lèvres, histoire de me donner de l’entrain pour la longue route qui m’attend.
Sur ces mots, il embrassa doucement Pippin en passant une main avide dans les boucles chocolatées. Quand leurs bouches se séparèrent, ils se dévisagèrent intensément, comme si tout l’essentiel de ce qu’ils devaient se dire ne pouvait se faire qu’au travers de leurs yeux.
Mais le temps les pressait, et Merry se résolut à repartir par où il était venu. Il enjamba gauchement le bord de la fenêtre pour atterrir à nouveau dans les parterres.
- Je crois que mon passage ne restera pas longtemps secret, dit-il en considérant le saccage des bégonias.
- Ne t’en fais pas, je dirai que Barnabé est venu pousser la chansonnette sous ma fenêtre toute la nuit, fit le plus jeune dans un sourire complice.